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Manager le dialogue social

Publié le 8 novembre 2013

La Conférence européenne des entreprises locales de service publique, conjointe cette année au Congrès des Epl françaises, dédiait une de ses séances au dialogue social et au management. Animée par Valeria Ronzitti, secrétaire générale du Ceep, la séance a accueilli des représentants français et européens avec pour objectif identifier les défis et comparer les pratiques des entreprises locales.

Pascal Bolo a ouvert la séance en qualité de président non exécutif de la Semitan, comme il a tenu à le rappeler, pour insister sur la nécessité d’un dialogue social adapté aux spécificités et aux missions des Epl. Compte tenu de l’implication directe des élus dans ces entreprises, il met en avant le danger d’un dialogue social à des fins politiques. Selon lui, il est important que les Epl en soient pleinement responsables, afin de conduire au mieux les échanges et négociations. Il faut souligner que les répercutions d’une paralysie sociale de ces entreprises pour les citoyens de la ville sont très sérieuses compte tenu du caractère essentiel des services fournis. Pascal Bolo plaide pour un cadre juridique adapté aux missions des Epl, les cadres spécifiques de la fonction publique étant parfois trop rigides.Ensuite Nicolas Lefebvre est revenu sur son expérience d’ancien directeur général de la Sete, Société d’Exploitation de la Tour Eiffel. Il a eu à mener un dialogue social dans le cadre d’un projet de transformation et de modernisation de l’entreprise. Il a fait le constat d’un engagement toujours plus fort des employés dans leur travail, ce qui représente à la fois une chance pour l’entreprise mais qui porte également des risques psycho-sociaux majeurs comme la fatigue psychologique ou la survenue de grandes déceptions chez les employés. Cette très grande implication nécessite par ailleurs de parvenir à prendre en compte l’avis des salariés, utile selon Nicolas Lefebvre parce qu’il exprime un point de vue professionnel pertinent sur ce qui se passe dans l’entreprise. Il a appelé à ce titre à rééquilibrer les priorités du management qui s’est selon lui trop concentré sur le client/l’usager au détriment du salarié.Quittant l’échelle de l’entreprise publique locale, Sergio Gasparrini, président de Aran, a relaté l’expérience italienne de la création d’une agence technique représentant l’administration publique au sein du dialogue social au début des années 1990, dans une Italie confrontée à une spirale inflationniste (les salaires étant à l’époque indexés sur l’inflation). Les négociations qui s’en suivent permettent de découpler les salaires de l’inflation et de conditionner leur augmentation aux gains de productivité. L’objectif était double : stopper la spirale inflationniste, et promouvoir l’efficacité dans l’administration publique. Ce succès a permis de rétablir l’équilibre économique du pays quelques années plus tard.Les travaux de Aran ont permis de « privatiser » les rapports avec les salariés, puisque entreprises publiques et privées suivent désormais les mêmes règles. Enfin, le système instauré a redistribué les cartes parmi les organisations représentatives des salariés du secteur public. Néanmoins, ces avancées ne doivent pas masquer un certain nombre de difficultés. En effet, si Aran a mené sa mission de manière indépendante les premiers temps, le politique a repris ses contacts directs avec les syndicats au moment de l’entrée dans l’euro, affaiblissant le dialogue social. Les accords alors constitués ont perdu de vue les objectifs initiaux en matière de productivité et d’innovation dans le secteur public pour se concentrer sur des mécanismes de compensation aux salariés. Ces contacts directs voire décentralisés ont également multiplié les coûts, poussant à une recentralisation. Finalement, la détérioration de la situation économique a achevé de bloquer la situation, puisque le gel des salaires a été décidé en 2010 et que les contraintes budgétaires interdisent toute négociation, de peur que celle-ci n’aboutissent à une augmentation des salaires. Quentin Bériot, directeur général de l’Ipsec, a tiré quelques observations des interventions précédentes. Tout d’abord, à tous les niveaux du dialogue social, les facteurs clés de succès semblent résider dans la consultation, l’information, et la permanence des contacts entre direction et salariés. Il est avant tout important de reconsidérer le temps et les fonds engagés non plus comme un coût mais comme un investissement. A l’échelle macroéconomique, il a mis en avant la nécessité de simplifier les règles à tous les niveaux, qui complexifient le dialogue, et de déjudiciariser le processus. Par ailleurs, il a insisté sur le fait que dans le contexte actuel, la bataille pour la compétitivité prédomine, ce qui conduit à une logique de partage de l’effort, en mentionnant la notion de « pain sharing agreement ». Selon Quentin Bériot il existe des raisons d’espérer notamment grâce à l’accord de juillet 2013, qui encourage le dialogue social en France. Encore faut-il remédier au taux de syndicalisation extrêmement faible de l’Hexagone, et parvenir à mieux inclure les PME trop souvent en marge du système. Une syndicalisation plus dense permettrait une professionnalisation des organisations représentatives et donc du dialogue social, nécessaire dans la bataille économique actuelle.

Par Bernard VEDRENNE
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