Changer de modèle ?La crise financière puis la révision des conditions d'accès au crédit introduites par la convention Bâle III changent la donne pour les collectivités territoriales et leurs Entreprises publiques locales, entraînant un risque d'assèchement de crédit, avec un raccourcissement des échéances pour les prêts de long terme et des enveloppes limitées pour les établissements financiers prêteurs. Pourtant les besoins de financement restent très élevés : dix à douze milliards sont financés par l'emprunt sur les 22 milliards d'investissements annuels portés par les collectivités territoriales.Le contexte français a été aggravé par la défaillance de Dexia Crédit Local. Les mécanismes de financement d'urgence mis en œuvre par la Caisse des dépôts et les réponses des autres établissements de la place permettent de faire face aux besoins. Au-delà de cette crise immédiate du financement, on perçoit une mutation conduisant les Epl et les collectivités territoriales à faire évoluer les pratiques et à réinventer l'ingénierie financière de leurs projets.La tétanie des banques face à l'assèchementLe métier des banquiers évolue aussi. Ils vont intervenir le plus souvent en pool et participer à l'ingénierie de financement de projet. On raisonne de plus en plus en financement de projet avec l'ensemble des partenaires concernés par le projet qui ont intérêt à optimiser le financement. Dans ce contexte, les responsables territoriaux souhaitent que les banques de réseaux implantées sur leur territoire comprennent mieux l'importance des projets de développement économique local portés par les Epl, au service de l'économie du territoire. Ces banques de réseau ont en effet un intérêt direct à contribuer aux dynamiques locales et à la création de richesse sur les territoires dans lesquels elles sont implantées.Vers de nouvelles formes de financement : se substituer ou compléter le modèle classiqueDe nouveaux produits de financement apparaissent. Les banques pourront, par exemple, mobiliser les fonds d'assurance-vie de leurs compagnies d'assurance associées pour prêter directement aux collectivités territoriales et à leurs Epl. L'épargne locale investie en assurance-vie pourra ainsi financer l'économie locale. Il faut aussi imaginer d'autres mécanismes de financement faisant appel à l'épargne locale, comme ont pu déjà le faire quelques conseils régionaux (Pays de la Loire, Auvergne) en lançant des emprunts obligataires auprès d'investisseurs locaux. Des projets structurants d'équipement ou d'aménagement pourront très bien être financés de cette façon.Plus généralement, les collectivités territoriales auront recours aux emprunts obligataires, souvent sous forme d'emprunts groupés pour mutualiser les coûts d'accès au marché. Sur le modèle des emprunts lancés par l'Association des communautés urbaines, les Epl peuvent également réfléchir à la possibilité de mener des actions communes dans le cadre d'emprunts obligataires.Vers une notation spécifique des Epl par la Banque de FrancePour la première fois, la Fédération a interpelé au plus haut niveau la Banque de France pour rappeler que la notation des Epl se faisait au même titre que les sociétés anonymes privées. La Banque de France a rappelé deux points essentiels :- Aujourd'hui la moyenne des Epl faisant l'objet d'une notation se situe 10 points au-dessus de la moyenne des entreprises, ce qui fait déjà d'elles des sociétés parmi les mieux notées.- Chaque Epl a la possibilité de soumettre à l'examen de la Banque de France des éléments permettant de préciser et de conforter sa note.Enfin, résultat le plus encourageant de cet échange, la Banque de France reste ouverte à la demande de la Fédération, si cette dernière apporte des éléments factuels le justifiant, de créer une catégorie de notation spécifique aux Epl. Le Comité ingénierie des territoires va à cet effet mettre en place avec les Epl et les actionnaires banquiers un groupe de travail dès avril.Une agence de financement pour réduire la dépendance des collectivités localesLe projet d'agence de financement des investissements publics, porté par les grandes associations d'élus locaux, constitue une réponse complémentaire aux besoins de financement. Mais pour l'heure, le projet, qui ne sera pas opérationnel avant 2013, reste limité aux financements des seules collectivités territoriales et de leurs EPCI. On voit bien la nécessité d'avoir une vision plus complète des collectivités territoriales, incluant la collectivité et toutes ses entités, de raisonner en approche consolidée. Dans certains pays comme en Allemagne, on parle du « groupe ville ». D'autres parlent de la collectivité comme d'une holding. L'important est de comprendre cette nouvelle approche économique et financière de la collectivité territoriale, surtout depuis la création des Sociétés publiques locales (Spl) qui interviennent dans un cadre in house pour leurs collectivités actionnaires.Le champ de l'ingénierie financière est en train de s'ouvrir pour de nouveaux services portés par les collectivités territoriales et leurs Epl (politiques environnementales, énergie…). Il faut aussi raisonner en réseau entre collectivités territoriales en mutualisant des financements et en partageant des outils dans le cadre de partenariats public-public, ou en mobilisant les parties prenantes à des projets structurants, y compris leurs financeurs.Rendez-vous au Congrès des Epl 2012, à la veille du vote du budget par le parlement, pour poursuivre ces échanges sur demain, financer autrement !
Financer autrement en temps de crise
Tel était le thème de la réunion du 13 mars dernier du Comité ingénierie des territoires de la Fédération des Epl, présidé par Frédérique Bonnard Le Floc’h, présidente de Brest Métropole Aménagement et vice-présidente de la Communauté urbaine Brest Métropole Océane. Une centaine de participants était au rendez-vous pour débattre avec les représentants d’organismes financiers.