Thierry Decerle, directeur général de Transdev Outre-mer, a dressé un tableau général de la situation des transports dans les Outre-mer et souligné leur caractère stratégique pour développement des régions ultra-marines. En termes de mobilité, les différents Outre-mer présentent de forts contrastes en matière d'organisation administrative, de modes de gestion, de nombre et de qualité d'opérateurs.
Chaque territoire apporte ses réponses à des problématiques qui présentent un certain nombre de points communs : exiguïté des territoires, taux de motorisation élevé, transition démographique en cours.
Pour tous, néanmoins, les transports apparaissent porteurs de solutions au regard des problèmes de congestion des réseaux routiers, des besoins de structuration des espaces régionaux tout comme au regard des attentes des populations en matière de mobilité.
Concevoir des politiques de la mobilité, les traduire en projets : l'enjeu majeur
Véritable interface entre les porteurs de projets et les délégataires de services publics, les Epl occupent une place à part dans l'éco-système de la mobilité, en adéquation avec cet enjeu. Transdev Outre-mer a fait le choix depuis déjà 30 ans d'intervenir dans le cadre de l'économie mixte.
Philippe Jean Pierre, conseiller régional de La Réunion, présente l'expérience de la Spl MARAÏNA, issue de la transformation de la Spla du même nom. Le développement du transport est un des axes majeurs de l'action de la Région Réunion, avec 2 objectifs :
– permettre une meilleure mobilité à l'horizon de 15 ans (La Réunion comptera alors 1 million d'habitants)
– et améliorer la disponibilité à payer des usagers.
Sur un territoire qui compte 7 AOT, la Région Réunion a ainsi choisi de s'appuyer sur un outil opérationnel de coordination des transports qui a pour vocation d'articuler l'aménagement spatial et l'organisation de l'infrastructure, le réseau des transports et les projets de territoires. Dans ce cadre, la Spl MARAÏNA assure le suivi de mandats d'études et de travaux pour le vélo et les modes doux, les pôles d'échanges et les parkings relais, la densification autour des gares. Ses compétences ont en outre été étendues aux missions de gestion.
Participant activement à la gouvernance renouvelée des transports de la Réunion, la Spl MARAINA a un rôle de mise en cohérence des documents stratégiques, de facilitateur de l'action opérationnelle et de mobilisation des financements.
Jenny Dulys Petit, présidente de la Spl Transport de Martinique, maire de Morne-Rouge, conseillère régionale, a rappelé la situation d'extrême congestion routière que connait la Martinique : avec le plus fort taux de motorisation de France (509 véhicules pour 1 000 habitants !), le territoire doit faire face à une circulation routière qui atteint les 120 000 véhicules jour, sur le tronçon Le Lamentin – Fort-de-France – Schoelcher, révélatrice du rôle polarisateur de l'agglomération à l'échelle de l'île tout entière. Cette situation se traduit par des embouteillages de grande ampleur aux heures de pointe et des impacts environnementaux (pollution de l'air, bruit…) considérables.
Des réflexions sur le réseau de transports en commun sont menées depuis plus de quinze ans. Elles ont abouti à un projet ambitieux qui prévoit notamment la ligne de TCSP entre le Lamentin et Fort-de-France ainsi qu'une gare multimodale à Fort-de-France.
Par ailleurs, la Région Martinique a été habilitée à fixer des conditions de transports publics spécifiques à la Martinique. Aux 17 AOT existant sur le territoire succèdera une AOT unique à compter du 1er janvier 2016. La Région a confié les missions d'études, réalisation et entretien à la Spl Transports de Martinique, qui agit comme un outil opérationnel de gestion des infrastructures et assure la cohérence des réseaux.
Ary Chalus, président du Syndicat Mixte des Transports Urbains du Petit Cul de Sac Marin, 1er vice-président de Cap Excellence, député-maire de la Ville de Baie-Mahault, a insisté sur l'importance cruciale de transports terrestres efficaces pour l'attractivité des territoires et le développement économique. Il a relevé les points communs entre la Martinique et la Guadeloupe, qui subit elle aussi de plein fouet une congestion routière très forte, avec un volume de véhicules jours analogue sur le tronçon Pointe-à-Pitre – Baie Mahaut, des impacts environnementaux insupportables, un coût pour les citoyens d'autant plus exorbitant qu'ils se trouvent en situation précaire.
Déplorant une absence de stratégie et de dynamisme malgré l'existence de documents stratégiques et l'émergence des intercommunalités, soulignant la nécessité d'une gouvernance supra-communautaire, Ary Chalus a par ailleurs mis en avant la piste des bus de mer, et plaidé pour une appropriation de la route maritime par l'ensemble des acteurs.
Georges Naturel, président du Syndicat intercommunal du Grand Nouméa, maire de Dumbéa, a souligné à son tour les caractéristiques communes des contextes insulaires et leur impact sur la conception l'offre de transports publics : la polarisation très forte de l'urbanisation, l'échelle des bassins de population qui limite la rentabilité des équipements, mais aussi l'éloignement géographique qui peut interroger les choix de maintenance. Ce dernier point a été un frein au développement du tramway à Nouméa, et a orienté le Syndicat intercommunal du Grand Nouméa vers le TCSP.
La croissance de l'agglomération nouméenne s'est historiquement organisée autour d'une commune-centre, située sur une péninsule, concentrant habitat et activités, et de 3 villes « dortoirs », entre lesquelles l'essentiel des déplacements est assuré par la route, occasionnant de fortes congestions aux heures de pointe.
En parallèle au schéma de cohérence de l'agglomération nouméenne, en vigueur depuis 2010, le Syndicat intercommunal du Grand Nouméa a lancé en octobre 2009 un appel d'offres pour la réalisation d'une étude d'opportunité et de faisabilité d'un TCSP sur le Grand Nouméa, en copilotage avec la Province Sud. Le projet embrasse la problématique des transports en commun à l'échelle de l'agglomération, s'appuyant sur une ligne de TCSP et le développement des modes doux.
En conclusion, Thierry Decerle a pointé les grandes questions de gestion qui traversent aujourd'hui le secteur de la mobilité : l'interconnexion entre les composantes des territoires et les AOT, la transition énergétique, qui impacte fortement la conception des véhicules, l'intermodalité, avec l'émergence des modes doux, des BHNS, du co-voiturage, et enfin le service « en temps réel », qui concerne notamment les modes d'information ou encore la billetterie.