Les temps changent, les méthodes aussi. Les Epl doivent s'adapter à la nouvelle conjoncture pour porter le développement économique des territoires. La loi Maptam comme la loi NOTRe redessinent un cadre institutionnel qui semble alimenter la compétition entre les territoires.
"Compétition ? Je parlerai plutôt de coopétition, à cheval entre compétition et coopération", déclare Robert Herrmann, président de l'Eurométropole de Strasbourg. "Certes, Strasbourg regarde ce que font Nancy, Metz et d'autres métropoles pour imaginer son développement. Mais, comme la future région Est aura 4 frontières, il est important de se coordonner avec elles pour traiter ensemble des questions transfrontalières. Tous réunis, on aura plus de poids pour affirmer les atouts d'une des plus grandes régions françaises."
Les élus, VRP de leur territoire
La compétition existe néanmoins quand la valorisation des territoires passe par le renom qu'on veut leur donner. A Metz, les nouveaux projets lancés par la Saremm dans le quartier de l'Amphithéâtre sont conçus par des architectes mondialement connus : Jean-Paul Viguier pour le futur centre commercial Muse, le cabinet Wilmotte pour le centre de congrès, Philippe Starck pour un projet hôtelier. "Notre ambition est d'être un laboratoire d'architecture contemporaine avec de grandes signatures qui servent d'identifiants, dynamisent l'image et relancent l'activité locale", déclare Jean-Luc Bohl, président de Metz Métropole.
"Les élus deviennent les VRP de leur territoire et les Epl sont les bons outils pour renforcer leur attractivité", complète Jacques Chiron. "Leur souplesse de gestion permet de s'adapter à la commande comme à la réalité des territoires". Frédérique Calandra renchérit : "à Paris, la RIVP, Sem immobilière que je préside, vient de se doter d'une direction dédiée à l'innovation et à l'emploi parce qu'elle livre de plus en plus d'opérations mixtes, ouvertes sur l'activité économique : incubateurs de start-ups (Welcome City Lab, Le Cargo), plateformes d'innovation numérique dans le commerce et l'artisanat, etc."
Vive la crise ?
"Tout en gardant les notions d'éthique de service public, seules les Epl sont en capacité d'apporter dans des délais rapides la modernité comme les nouvelles technologies", explique Robert Herrmann. "J'irai même plus loin car leurs modes de gestion s'adaptent à la crise. Dans nos budgets, on regarde comment nos Epl peuvent servir de levier pour maintenir des niveaux d'investissement importants et empêcher que le marché privé ne s'effondre pas. Je citerai l'exemple de la Spl des Deux-Rives qui mène une opération entre la zone portuaire de Strasbourg et la ville allemande de Kehl où 455 000 m2 sont à développer pour 200 millions d'euros d'investissements. C'est un levier important pour une zone qui concentrera 1,2 milliard d'euros d'investissement global."
Pour accompagner les Epl dans cet effort, la Caisse des dépôts, partenaire historique de l'économie mixte, a changé récemment de doctrine. Gabrielle Gauthey, directrice des investissements et du développement local, entend regrouper les moyens d'investissement de l'institution, trop éparpillés dans ses fliliales et ainsi mieux cibler le soutien aux projets locaux pour attirer les acteurs privés dans des domaines prioritaires : transports, politique de la ville, tourisme, numérique, économie sociale et solidaire, etc. "On manque de projets territoriaux finançables, la Caisse des dépôts est là pour générer de l'ingénierie financière", ajoute-t-elle. Le plan Juncker, dispositif de l'Union européenne pour stimuler l'investissement, viendra en soutien.
Deux témoignages de responsables d'Epl viennent enrichir le débat :
David Martin, directeur général délégué de la Sopraf (49) : "Créée en 2011, la Spl, en charge de l'abbaye de Fontevraud, entre Chinon et Saumur, s'est développée en modèle de cluster culturel avec plusieurs activités et des équipements : un hôtel, un restaurant gastronomique, un centre de congrès, un centre artistique et culturel… Aujourd'hui, le modèle permet d'arriver à un équilibre économique réparti en 75% de recettes et 25% de subventions, quand, il y a 8 ans, c'était l'inverse. Les subventions ne viennent plus qu'en complément et sont fléchées vers des activités peu rentables comme l'accueil scolaire et le soutien artistique. Le tourisme et la culture sont de formidables leviers de création d'emplois et de richesse non délocalisables. Par exemple, quand le site réalise 2 nuitées d'hôtel, il en crée une de plus dans les environs"
Jean-Bernard Dambier, directeur général d'Habitation moderne (67) : "la Sem immobilière gère un parc de 10 000 logements, produit 250 logements par an pour un taux de croissance entre 3 et 4 %. Dans un contexte de mise en concurrence des opérateurs de logements sociaux, nous développons les opérations qui génèrent de la mixité et contribuent à l'attractivité du territoire : commerce, activités tertiaires, habitat social, résidences étudiantes, services aux personnes âgées, petite enfance…Pour être en mesure de produire des financements importants, les opérateurs doivent atteindre une taille critique. Les Sem immobilières anticipent ce mouvement. En l'occurrence, Habitation moderne a été une des premières en France à absorber une SA HLM, démarche validée par la Cour de Cassation le 6 octobre. Cette évolution pousse à inventer des outils de développement local avec des solutions juridiques de regroupement qui font vivre ensemble plusieurs familles d'organismes de logement sociaux tout en maintenant la spécificité des Sem."