Née il y a presque un siècle en France, l’économie mixte n’a jamais connu autant de succès qu’aujourd’hui. Encore peu nombreuses après-guerre, le nombre de Sociétés d’économie mixte s’élève déjà à 196 en 1960, 350 en 1963, plus de 1000 en 1989. En 2016, ajouté aux nouvelles structures nées au 21e siècle (Société publique locale et Sem à opération unique), l’équilibre se situe autour de 1250.
Les Sem au coeur des programme de reconstruction
De la loi « Loucheur » à la loi NOTRe, les Sociétés d’économie mixte d’hier, les Entreprises publiques locales d’aujourd’hui, ont façonné la France en relevant les grands défis nationaux qui ont jalonné son histoire contemporaine. Elles ont été créées en réponse aux besoins apparus à l’issue de la Première Guerre mondiale, leur Fédération naît, elle, de la Seconde. La France se dote alors d’un important programme de reconstruction avec la loi du 28 octobre 1946 sur les dommages de guerre et le plan de modernisation et d’équipement de la France, dit « Plan Monnet » (1947-1953).
Toutefois, en 1954, le pays n’arrive pas encore à loger tous ses habitants. En février, l’abbé Pierre réveille les consciences sur Radio Luxembourg. « Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée cette nuit à trois heures. » Pour répondre à la pénurie de logements, la Caisse des dépôts crée en juin la Société centrale immobilière de construction (Scic). La Société centrale d’équipement du territoire (Scet) voit le jour l’année suivante, chargée du développement des sociétés d’économie mixte.
Le coup de pouce du décret « Bloch-Lainé »
Encore trop peu nombreuses, celles-ci vont connaître l’essor qu’on leur connaît avec le décret Bloch-Lainé qui leur ouvre en 1955 le champ de l’aménagement du territoire et porte la participation maximale des collectivités dans leur capital à 65%. Les départements sont autorisés à entrer au capital. « Le succès que les Sem connaissent par la suite est dû à Pierre Pflimlin, alors président du Conseil, qui les promeut dans les projets de reconstruction », explique Maurice Ligot, président de la Fédération de 1978 à 1981.
Les Sem représentent l’outil privilégié au service de l’État et des collectivités locales pour faire face aux énormes besoins d’équipement du pays. C’est l’ère des grands travaux avec les Sem d’aménagement, d’autoroutes et d’hydro-électricité entre autres. Elle marque les débuts de la France moderne qui connaîtra la prospérité sous les présidents de Gaulle et Pompidou.
L’hommage à l’Alsace, mère des Sem
Les Sem se structurent autour de 2 réseaux, d’un côté celui de la Caisse des dépôts avec la Scic et la SCET, de l’autre avec les groupes Suez et Paribas. Quant aux Sem créées avant-guerre à Paris (Sagi, RIVP) et à Marseille (Sogima), à participation publique minoritaire, elles forment un réseau indépendant.
La Fédération nationale des sociétés de construction naît le 4 décembre 1956. « Ce n’est encore qu’un club qui réunit les sociétés œuvrant dans le domaine de la construction, puis quelques années plus tard dans l’aménagement et la rénovation urbaine », raconte Michel Leroy qui sera directeur général de 1979 à 1995. René Radius, sénateur du Bas-Rhin et président de la Sem Habitation moderne en est le premier président. Ainsi, une forme d’hommage est rendue à l’Alsace, région de naissance des Sem françaises. Les premières ont en effet été fondées avant 1914 à Strasbourg, à l’époque où l’Alsace était allemande, sur le modèle des sociétés communales, les Stadtwerke. Les décrets-lois de Poincaré en généraliseront le statut sur tout le territoire français en 1926.