Pour Mireille Flam, présidente d'honneur du CEEP France et présidente d'honneur de la Fédération des Epl d'Île-de-France qui présidait cet atelier, afin de dynamiser l'économie locale, les Epl ont adopté des secteurs comme l'économie numérique et la rénovation énergétique, par exemple, mais de façon plus globale que les acteurs privés puisqu'afin de servir l'intérêt général, elles visent également à améliorer la vie des habitants. Or, ce progrès social pose un problème de financement.
Un contexte financier particulier
Laurent Bouffault, directeur des marchés logement social & économie mixte du groupe BPCE, rappelle que le contexte financier actuel se caractérise par un excédent de liquidités des banques qui nécessite de la confiance, car ces dernières ne sont pas en situation de force. Elles ont besoin de prêter, mais le modèle économique classique est mis à mal et leurs critères de financement évoluent :
– l'abondance de liquidité et des taux d'intérêt attractifs entrainent des conditions extrêmement favorables pour redynamiser l'économie notamment locale ;- le contexte d'une concurrence accrue des banques et le fait que de plus en plus d'Epl recourent aux fonds européens participe à ce contexte particulier pour les financeurs ;- les nouvelles opportunités liées aux différents champs d'activité qui s'ouvrent actuellement pour les Epl comme l'énergie renouvelables, la réhabilitation ou l'aménagement du territoire font que leurs besoins de financement évoluent ;- le regroupement des Epl, la création de GIE ainsi que la diversification de leurs activités font que les banques rendent plus complexe la grille de lecture de l'Epl.
Bien qu'à la fin du 1er semestre 2016, plus de 300 millions d'euros de nouveaux crédits ont été engagés par la Caisse d'Epargne pour financer les Epl de service et d'aménagement, Laurent Bouffault insiste sur le fait que les banques ne prêtent plus dans les mêmes conditions qu'auparavant. "Les projets sont plus complexes dans des secteurs d'activité différents et la taille des projets est parfois plus importante". Le travail en amont ainsi que le financement participatif s'en trouve accru.
Un des nombreux atouts des Semop est qu'elles permettent aux acteurs locaux d'investir des champs de compétence différents qui ne sont pas ceux des Epl d'aujourd'hui. Ainsi « certaines Sem vont pouvoir être associées à des opérations de Semop pour mener des nouveaux projets au service de l'intérêt général et des citoyens. »
La mutualisation des financements par l'Agence France LocalePhilippe Rogier, directeur du Crédit et membre du directoire de l'Agence France locale (AFL), a insisté sur l'expérience acquise par l'AFL en matière d'émission groupée induite par la mutualisation du besoin de financement des collectivités locales. Créée suite à la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, l'AFL qui est active depuis 2015, permet aux collectivités locales de mutualiser leurs fonds afin de financer des projets, grâce à "une diversification des modes de financement, tout en sécurisant l'accès à la liquidité et en optimisant les coûts du financement des collectivités locales".
Compte tenu du rôle spécifique du banquier AFL comme investisseur direct auprès des décideurs d'Epl, il est nécessaire d'encourager l'élargissement des financements de cette agence aux Epl. Cette évolution nécessiteraient de modifier les statuts de l'AFL, mais selon Philippe Rogier, il semble que cela soit possible à moyen terme au vu notamment de ce qui se pratique dans d'autres pays européens et notamment en Suède.
Actuellement, les collectivités locales utilisent les fonds de l'AFL afin de financer des opérations d'aménagement ou la création de parcs de loisir par exemple.
Une banque allemande au service de l'intermédiationSpécialisée dans le financement des investissements du secteur public et de l'immobilier professionnel pbb Deutsche Pfandbriefbank, qui se finance sur le marché, a permis aux acteurs du secteur public français d'emprunter plus d'un milliard d'euros en 2015. Cette banque qui est présente en France depuis plus de 15 ans auprès des collectivités locales a décidé de se positionner également sur le marché des Epl. Florence Lavaud, directeur Financement des investissements publics chez pbb, précise qu'aujourd'hui, "un des axes stratégiques de cette banque est de prêter sur les fonds d'investisseurs institutionnels et de développer le mouvement de l'intermédiation". Compte tenu de l'atomisation progressive des acteurs vis-à-vis des banques, les solutions de pbb permettent de répondre à la fois à la convergence d'intérêt des emprunteurs afin de sécuriser les liquidités et à l'allégement du bilan des banques qui ne prêtent pas l'intégralité des financements. L'union des marchés de capitaux incite les détenteurs de fonds à les prêter aux acteurs économiques comme les Epl.
Florence Lavaud a présenté le Schuldschein qui est un "contrat de crédit" conclu directement entre un emprunteur, comme une collectivité locale ou une Epl, et un investisseur et ce, par l'intermédiaire d'une banque, à l'instar de pbb, qui structure l'opération. En échange du prêt d'une somme d'argent à moyen ou long terme par un investisseur, des titres négociables sont émis pour une part de la créance de remboursement. Régi par le droit allemand, le Schuldschein connaît depuis quelques années un essor important de la part des investisseurs qui peuvent comptabiliser ce produit financier de façon avantageuse. En outre, la documentation liée au Schuldschein est moins contraignante que la documentation d'un emprunt obligataire. Florence Lavaud a notamment précisé que le regroupement des Epl permettra de favoriser les investissements étrangers.
Une plateforme de financement au service de projets locauxAprès la crise financière de 2008, les banques qui se sont retrouvées sans liquidité ont dû diversifier leurs propositions de financement. Arkéa Banque Entreprises et Institutionnels a ainsi mis en place une plateforme de financement qui permet aux collectivités locales de se faire financer en définissant en amont, le taux, la durée et le montant du prêt dont ils ont besoin afin que les investisseurs intéressés puissent leur proposer des offres en ce sens.
Jean-Michel Royo, directeur commercial et membre du directoire d'Arkéa Banque Entreprises et Institutionnels informe que 120 entités dont des collectivités locales, des organismes de logement social, des Sem et leurs filiales, ont été financées de la sorte pour un montant d'un milliard d'euros. Dans le cadre de ces financements, Arkéa accompagne les investisseurs à hauteur de 20 % du montant emprunté en moyenne. Ce nouveau type de financement permet également de communiquer sur des projets locaux et cela répond aux besoins des investisseurs de donner du sens à leurs placements. La Semaest a, par exemple, bénéficié de ce financement afin de créer une foncière de portage créé avec la Bred, la CDC et Arkéa, pour intervenir sur l'immobilier commercial de proximité. Cette SAS dont l'objet social est l'acquisition et la cession de locaux d'activité a été financé avec 40 % de fonds propres et un prêt de 18 millions d'euros dont 3 millions apportés par Arkéa.
Mireille Flam a conclu cet atelier en rappelant l'attente des citoyens pour un financement participatif et une meilleure vision des sources de financements des collectivités locales.