De nouveaux besoins apparaissent dans les territoires qui invitent à enrichir les pratiques des EPL et à rééxaminer leur positionnement
Afin de permettre aux projets innovants de se déployer et aux collectivités de prendre en compte le plus efficacement possible les nouveaux besoins et exigences des citoyens, les EPL apparaissent comme des instruments en pleine évolution.
Notre pays a atteint un palier quantitatif dans l’aménagement et l’équipement de son territoire : tant en matière de grands projets d’infrastructures routières et ferroviaires, qu’en termes d’opérations urbaines de grande envergure ou de méga-chantiers, qui ont structuré, pendant tant de décennies la reconfiguration de la trame urbaine. On est désormais moins dans la conquête d’un espace à aménager, que dans la réparation du territoire. Par ailleurs, la «SEM-béton», se mue souvent en «SEM-gestion». Les projets territoriaux ont changé de nature et de dimensionnement. Ils font appel à des compétences de plus en plus croisées et pointues et doivent répondre à de nouveaux enjeux comme : l’aspiration à une participation plus active de la société civile aux choix ; l’exigence de la ville durable; l’impact de l’innovation technologique et la gouvernance de la donnée ; l’arrivée de formes d’économie plus collaboratives.
Le niveau des compétences et des qualifications s’est enrichi et il n’est pas rare que les collectivités sollicitent leurs outils aussi pour les accompagner dans l’élaboration de leur stratégie et la structuration de l’ingénierie de projet, bien en amont de la mise en œuvre opérationnelle. Ces évolutions et transitions, qui laissent entrevoir une nouvelle frontière pour l’aménagement du territoire, constituent un champ d’investigation nouveau pour les EPL et une opportunité, pour elles, d’y jouer un rôle majeur.
Les modes d’intervention de l’économie mixte évoluent et ouvrent de nouvelles voies de décentralisation
Sans réécrire l’Histoire, on pourrait aussi admettre que pendant une très longue période (1920-1982), l’économie mixte a surtout servi de force auxiliaire à l’Etat-qui en avait une vision plutôt dirigiste-afin d’accélérer l’équipement et/ou la reconstruction du pays. Ce n’est que progressivement, en accompagnement du mouvement général de décentralisation, qu’une forme d’autonomisation–pas toujours bien contrôlée-s’est organisée dans les collectivités.
Une période de «compétence générale» s’est ouverte, durant laquelle chaque niveau territorial a pu légitimer ses actions en dehors de tout schéma directeur global et déterminer seul ses priorités stratégiques. Période pleine de risques et d’opportunités au cours de laquelle le monde de l’économie mixte a pu, simultanément, multiplier ses domaines d’intervention dans toutes les dimensions de la fabrique de la ville et du développement économique, élargir la gamme de ses outils pour s’adapter aux nouveaux besoins et chercher à consolider ses modèles économiques dans un contexte de contraction des moyens publics. On rencontrait des SEM un peu à tous les étages et cela ne s’est pas fait sans quelques «accidents de parcours», mais au total, l’utilité sociale engendrée et la valeur ajoutée générée se sont révélées bien supérieures aux pertes : plus d’investissements, plus de services, plus d’emplois.
Une nouvelle dynamique s’instaure, donnant sans doute un sens nouveau à l’intervention des EPL, à mesure que les marges de manœuvre des collectivités pour piloter leur développement territorial doivent s’élargir. Les élus s’emparent de ces outils, toujours pour faire prévaloir efficacité et intérêt général dans les projets locaux, mais aussi pour y concentrer des expertises nécessaires à la mise en œuvre de leurs nouvelles compétences.
Ainsi, d’un secteur organisé et piloté centralement par l’Etat pour répondre aux besoins globaux d’aménagement, d’infrastructures et de logement du pays, l’économie mixte est devenue,par étapes,un dispositif privilégié par de nombreuses collectivités pour la planification et le développement des projets de territoires.
Les EPL sont amenées à devenir des vecteurs de la démocratisation de la vie locale
Au-delà de leur rôle de vecteurs d’une nouvelle décentralisation, les EPL peuvent aussi s’affirmer comme les instruments privilégiés d’une participation des citoyens aux décisions impliquant un développement territorial qui les concerne au plus près.
Dans une société qui s’interroge de plus en plus sur les seuils d’acceptabilité, de tolérance et même de résilience des populations face aux évolutions et autres transitions, la recherche permanente du participatif, concertatif, consultatif et informationnel est devenu l’un des exercices obligé de toute dynamique de projet, et c’est bien.
Avec l’EPL, sous une forme para-institutionnelle à caractère duale, mi-politique, mi-économique,il est aussi possible d’atteindre l’objectif démocratique, puisque ses racines profondes sont dans la démocratie locale. Aujourd’hui, est-il exagéré d’imaginer l’économie mixte s’affirmant petit à petit comme facteur de régulation des transitions ?
Dans un contexte marqué par la raréfaction des ressources naturelles, la contraction de la dépense publique et la nécessité d’imposer des choix contraints, les EPL peuvent-elles devenir d’efficaces instances de légitimation des arbitrages au niveau local?
De par leur modèle économique et leur composition qui garantit le contrôle démocratique,elles sont outillées et fondées à intéragir en proximité avec les citoyens et à générer une forme de contrôle dans la chaîne de décision. A l’heure où l’association de la société civile est devenue une condition indispensable de la réussite et de l’acceptation de l’action publique, les EPL ont la capacité de se distinguer comme lieux d’appréhension collective de certains choix de développement économique.
Plus encore, avec des ajustements fonctionnels adaptés, l’EPL peut devenir le creuset tant attendu d’une réforme radicale de la posture du maître d’ouvrage, en associant très en amont les populations concernées à la découverte et/ou la définition des usages et à l’évaluation des impacts des projets qu’on leur destine. Mais ça c’est encore une autre histoire…
Dans tous les cas, cela signifie aussi que les EPL devront également avancer de façon résolue sur la voie de la modernisation de leur organisation et de leur fonctionnement.
Pour toutes ces raisons, il serait de bonne politique de la part des acteurs publics et privés, de profiter de l’opportunité offerte par la présence sur tout le territoire métropolitain et ultramarin d’un réseau de proximité d’EPL, dense et tonique, pour promouvoir un développement innovant et accompagner des territoires trop esseulés, dont seul le sens l’intérêt général peut redessiner le futur.
Stéphane KEITA,
Président Directeur Général de la Société de conseil et d’expertise du territoire (SCET),
administrateur de la Fédération des Epl,
administrateur de la Société d’économie mixte Genopole.
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