Une nouvelle grille d’analyse du mécontentement exprimé par une partie de la population
La dernière note du Conseil d’Analyse Économique (CAE) propose une nouvelle grille d’analyse du mécontentement exprimé par une partie de la population. Elle étudie cinq caractéristiques des conditions de vie locale – l’emploi, la fiscalité locale, les équipements privés et publics l’immobilier et le lien associatif – et les met en perspective avec trois symptômes de ce mécontentement que sont la mobilisation locale des « Gilets jaunes » de 2018, l’abstention à l’élection présidentielle de 2017 et le bien-être subjectif, mesuré par la satisfaction dans la vie et l’anxiété, issu de l’Enquête électorale française menée par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) en 2017 et 2018. Il en ressort une hiérarchisation nouvelle des déterminants locaux du mécontentement. Elle insiste sur la prédominance de la disparition d’équipements de santé et de commerces de proximité au cours des dernières années, et moins sur celle des dynamiques de l’emploi en cours, même si elles conservent un rôle important. Le mécontentement apparaît lié à la conjonction de différents facteurs qui, agrégées, impliquent une dégradation des conditions et de la qualité de vie au niveau local.
D’un Etat prescripteur à un Etat accompagnateur et facilitateur des initiatives locales
Yann Algan, Clément Malgouyres et Claudia Senik, membres du CAE et auteurs de cette note, dressent dans cette perspective une série de recommandations. Les objectifs des politiques territoriales doivent être redéfinis en prenant en compte toutes les dimensions du bien-être et non les seuls critères économiques. Les bénéfices de la concentration spatiale de l’activité économique ne suffisent pas parfois à contrebalancer les externalités négatives qu’elle génère sur le bien-être dans certains territoires. A ce changement d’objectifs s’ajoute un impératif de changement de méthode. En se fondant sur les travaux de l’OCDE, les auteurs soulignent l’efficacité des politiques territoriales « bottom-up », des actions définies à partir des actifs et des acteurs spécifiques de chaque territoire, et mises en œuvre à l’échelon de gouvernance adéquat. L’État passerait dès lors d’un rôle de prescripteur à de rôle d’accompagnateur, à l’instar de la mise en place dernièrement des dispositifs « Action Cœur de ville », « Territoires d’industries » ou « Pactes territoriaux ». Les auteurs insistent aussi sur les résultats décevants des politiques d’aménagement du territoire centralisées, auxquelles ils proposent de substituer le budget pour des projets dans les zones rurales impliquant étroitement les élus locaux. Compte tenu de la disparition inexorable du tissu des services publics et des commerces de proximité, le souhait de maintenir des espaces de sociabilité dont les missions seraient élargies est formulé.
L’économie mixte locale s’inscrit pleinement dans ce cadre d’analyse. Elle propose aux élus locaux une palette de solutions que chacun d’entre eux peut adapter aux spécificités et aux besoins de son territoire. En exerçant de nombreux effets d’entraînement sur l’activité locale, au-delà des seuls effets économiques, les Epl contribuent pleinement au développement des zones dans lesquelles elles sont implantées et au bien-être de leurs habitants.