menu

Les territoires face au défi démocratique au programme des Entretiens territoriaux de Strasbourg 2021

Publié le 3 décembre 2021

Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) organisait les 1er et 2 décembre 2021, avec le concours de l’Institut national des études territoriales (INET), la 24e édition des Entretiens territoriaux de Strasbourg (ETS). L’événement, à nouveau en présentiel après une édition 2020 en distanciel compte-tenu du contexte sanitaire, se veut comme le rendez-vous annuel et incontournable des managers territoriaux ; il a réuni de nombreux acteurs des politiques publiques territoriales.

La programmation des ETS 2021, à laquelle la Fédération des élus des Entreprises publiques locales (FedEpl) a contribué au titre de sa participation au Conseil scientifique, au côté d’autres associations de cadres de direction et d’élus territoriaux, s’est articulée autour de la thématique des territoires et du défi démocratique auquel la société est confrontée dans sa globalité. La présidente de l’eurométropole de Strasbourg, Pia Imbs, et le premier adjoint à la mairie de Strasbourg, Syamak Agha Babaei – par ailleurs vice-président de la FedEpl – ont ouvert l’événement.

Aux racines du mal-être démocratique

Les comportements électoraux observés depuis plusieurs années témoignent d’un mal-être démocratique, du fait que de nombreux citoyens ne se retrouvent pas dans les institutions politiques en France. L’abstention, marquée lors des dernières élections municipales, départementales et régionales en 2020 et en 2021 comme l’a montré Céline Braconnier, directrice de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, en est une expression. Le politologue Jérôme Fourquet attribue ses origines à la neutralisation des institutions territoriales et à la dépolitisation des élections intermédiaires. Les conseils municipaux, et surtout les conseils départementaux et régionaux, pâtiraient d’un manque de moyens qui conduit à invisibiliser leurs interventions respectives.

Les raisons de l’abstention et de la défiance vis-à-vis des institutions sont aussi structurelles. La piste de l’archipellisation de la société et de l’autonomisation des individus semble en être aussi un clé d’explication selon Jérôme Fourquet, auteur de L’Archipel français en 2020 et co-auteur de La France sous nos yeux en 2021. Les citoyens s’émancipent des cadres traditionnels et sont habitués en tant que consommateur à ce qu’on leur fasse du sur-mesure. Face à une absence d’offre politique leur correspondant, ils ne s’y retrouveraient plus, s’échapperaient et ne voteraient plus.

Donner la capacité de participer à la définition d’un récit commun

Si l’abstention est une expression de défiance, elle est majoritairement intermittente comme l’a rappelé Céline Braconnier, et ne traduit pas une opposition totale. Elle se nourrit du ressentiment comme l’a exposé la philosophe Cynthia Fleury sur lequel il convient d’agir. Auteur du documentaire Ruptures, le réalisateur Arthur Gosset explique que certains segments fuient les schémas et les itinéraires tracés pour se diriger vers des chemins en cohérence avec leurs aspirations politiques, économiques, sociales et environnementales. Ils n’ont pas abandonné les institutions de notre société, mais souhaitent s’engager autrement, à l’instar des « tisserands », décrits dans l’ouvrage du même nom par le philosophe Abdennour Bidar, qui œuvrent à la réparation d’une société déchirée.

Au niveau des territoires, les collectivités locales pourraient jouer un rôle dans cette perspective selon un principe de subsidiarité. Nombre d’entre elles ont mis en place des mécanismes de démocratie participative. Nombre d’entre elles ont déployé des stratégies visant à coconstruire l’action publique, à l’image de l’Eurométropole de Strasbourg et de son conseil de développement qui réunit des citoyens sur de multiples sujets. Nombre d’entre elles ont choisi d’orienter leurs politiques dans des directions plus conformes aux nouvelles aspirations de la société civile. Les budgets verts  qui recouvrent des enjeux de développement durable en sont des illustrations, tandis que des collectivités territoriales cherchent à introduire des notions sociales et environnementales dans leur gestion, comme la méthode I4CE utilisée par la métropole de Lille ou les comptabilités multi-capitaux que sont venus présenter Christophe Amoretti-Hannequin de France Urbaine et Anne Tavernier de la 27e région.

L’« encapacitation » au cœur de la transformation de la société

Dans cette conjoncture, les différentes interventions ont tourné autour de l’« encapacitation » des citoyens. La société civile semble manifester l’envie de participer à la construction des politiques publiques et il convient de lui en donner la possibilité. A l’ère des fake news, une information fiable et comprise est fondamentale car elle nourrit la connaissance, favorise la citoyenneté capacitaire et participe d’un récit commun, comme il l’a été rappelé à l’occasion de la table ronde, à laquelle ont participé Stéphanie Lukasik, enseignante-chercheuse à l’université de Lorraine, Andri Heimann, collaborateur scientifique à l’université de Genève et Patrick Busquet, journaliste.

Le sujet du numérique a été nécessairement évoqué. Porteuses d’un nouvel horizon pour la planète, de nouvelles formes de solidarité émergent et maillent les dynamiques sociales, culturelles et économiques, en prenant en compte les individus, les territoires et les enjeux globaux. Les outils du numérique peuvent les faciliter et les accompagner. La ville d’Issy-les-Moulineaux dans les Hauts-de-Seine a créé en 2001 le Cube, un espace dédié aux arts numériques et à l’intérêt général. Vingt ans plus tard, il est devenu un centre de création et de formation au numérique qui accueille grand public et professionnels autour de nombreuses activités artistiques et fait du numérique un levier de créativité, de solidarité et de responsabilité. D’autres territoires ont entrepris des démarches similaires à l’instar de la ville de Garges-lès-Gonesse, dont le maire Benoît Jimenez semble croire aux vertus du numérique.

En savoir +

Par Esteban PRATVIEL
Top