A quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, il s’est agi de s’intéresser aux programmes des principaux candidats à l’investiture suprême. Si l’actualité demeure dominée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les différents postulants ont formulé un certain nombre de propositions ayant trait aux collectivités locales et l’organisation territoriale de manière générale.
Des candidats à l’élection présidentielle qui balancent entre déconcentration et décentralisation
Jean-Luc Mélenchon propose une réorganisation de l’Etat, via l’adoption d’une nouvelle constitution, selon des objectifs écologiques et démocratiques. Il s’agirait d’abroger la loi NOTRe, mais aussi de revenir sur les différentes étapes de la réforme des collectivités territoriales. Les regroupements intercommunaux forcés, la métropolisation et la montée en puissance relative des grandes régions sont perçus négativement par le candidat, qui souhaiterait revenir à trois échelons décentralisés : communes, départements et régions. Les régions seraient chargées de la responsabilité de l’eau et redécoupées à partir des bassins versants. Les départements seraient les organisateurs des grands services publics et garantiraient leur juste répartition sur l’ensemble du territoire. Les communes deviendraient le socle de la démocratie locale et mettraient en œuvre les différentes actions en matière de planification écologique. Jean-Luc Mélenchon souhaite la suppression des régions transfrontalières, interdire le droit à la différenciation et réserver le statut de collectivité unique aux collectivités insulaires.
Le programme présidentiel de Fabien Roussel prône une recentralisation de l’action publique avec une réaffirmation du rôle de l’Etat, en tant que garant de la solidarité nationale, de la volonté collective nationale et de la cohérence des politiques de suivi. Il souhaite ainsi revenir sur les différentes étapes de la réforme des collectivités territoriales et s’appuyer sur les 35 000 communes et les 101 départements. La clause de compétence générale sera ainsi rétablie pour les départements et les régions. Il s’agit aussi de refuser le droit à la différenciation territoriale qui favorise la concurrence entre les territoires et remet en cause le principe d’indivisibilité de la République et d’unicité des services publics sur le territoire national. Fabien Roussel souhaite de manière générale, un renforcement et une extension des services publics. Les moyens des administrations déconcentrés et des collectivités territoriales seront augmentés. Le recours à l’externalisation des services publics et au partenariat public-privé serait limité dans cette perspective.
Yannick Jadot appelle à un approfondissement de la décentralisation. Le candidat d’Europe Ecologie Les Verts prévoit avant tout d’accorder davantage de moyens aux collectivités pour la mise en œuvre de leurs politiques territoriales. Il souhaite mettre l’accent sur les inégalités en augmentant les moyens alloués aux territoires affectés par la pauvreté et favoriser le bien-vivre dans les zones rurales. Les Outremer sont particulièrement ciblés, avec la volonté de garantir leur autonomie alimentaire et d’adapter les structures institutionnelles à leurs réalités. Une autonomie élargie est prévue pour ces territoires, ainsi que pour la Corse. Yannick Jadot souhaite également que les régions deviennent les cheffes de file de la transition écologique. Il envisage aussi des modes de gestion permettant un plus grand partage de la décision entre l’Etat et les collectivités et souhaite consacrer 10 milliards d’euros par an à la rénovation thermique des logements et accélérer le déploiement des énergies renouvelables. L’aménagement ferait l’objet d’une stratégie au niveau national.
Déployer la décentralisation
Anne Hidalgo souhaite quant à elle engager un troisième acte de décentralisation. L’autonomie financière des collectivités territoriales sera restaurée avec des ressources renforcées et stables. Partageant le constat d’un déséquilibre par le passé, les transferts de compétences seront accompagnés d’un véritable transfert de moyens. Dans la continuité de la loi 3DS, le droit à la différenciation territoriale sera ouvert avec la possibilité donnée aux collectivités territoriales d’expérimenter des dérogations aux règles nationales lorsque cela est souhaitable pour atteindre les objectifs définis par la loi. Le contrôle de légalité sera remplacé par un conseil aux collectivités et par un contrôle a posteriori par les chambres régionales des comptes et les tribunaux administratifs. S’agissant de la répartition des compétences entre collectivités territoriales, les départements seraient assignés au social, à la jeunesse et au grand âge. Les régions continueraient à jouer un rôle prépondérant sur le plan économique et seraient chargées de la formation.
La différenciation territoriale comme vecteur de nuances entre les programmes présidentiels
S’agissant du président de la République Emmanuel Macron, sa politique au cours d’un second quinquennat potentiel devrait s’inscrire dans la continuité de l’actuelle, marquée par l’adoption de la loi 3DS début 2022. Si le législateur est allé plus loin en matière de différenciation territoriale, renforçant le pouvoir réglementaire des collectivités qui pourront proposer des modifications législatives ou réglementaires pour les adapter aux territoires, le candidat de La République en Marche a annoncé sa volonté de continuer à la favoriser. Il a fait aussi état de son soutien passé à la réforme des collectivités territoriales de 2010 mise en place par Nicolas Sarkozy et abrogé par François Hollande en 2012. Elle instituait notamment une nouvelle catégorie d’élu, le conseiller territorial, siégeant à la fois au conseil départemental et au conseil régional et permettant potentiellement un meilleur fonctionnement du couple département-région. La simplification administrative serait l’une des orientations qui guiderait sa politique dans les prochaines années.
Valérie Pécresse ambitionne de son côté dans son programme pour l’élection présidentielle une grande vague de décentralisation. Les régions se verraient confiées des compétences élargies dans les domaines de l’emploi, de la formation, de la rénovation urbaine, du logement et de l’économie, et auraient un rôle à jouer en matière d’environnement, de mobilité et de santé. L’institution départementale serait revitalisée via une délégation de compétences en matière de santé, d’action sociale et de proximité. Le bloc communal serait chargé de responsabilités supplémentaires dans les domaines de l’urbanisme et de l’habitat. La candidate des Républicains souhaite de manière générale donner davantage d’autonomie financière et fiscale aux collectivités territoriales. Il s’agirait aussi d’accorder davantage d’autonomie aux territoires insulaires, mais aussi de revoir l’organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie en élargissant le corps électoral. Valérie Pécresse souhaite enfin des adaptations s’agissant de la mise en œuvre de la politique du « zéro artificialisation net », mais aussi en matière de logement social.
Autre candidat à l’investiture présidentielle, Éric Zemmour dresse le constat que les différentes étapes de décentralisation auraient paradoxalement dépouillé le pouvoir des maires. Il souhaite restaurer ce pouvoir selon un principe de subsidiarité et provoquer un choc de simplification. Il ne souhaite cependant de nouvelle étape de décentralisation et n’est pas favorable à un big bang territorial, malgré un intérêt pour la réforme des collectivités territoriales de 2010 qui avait ouvert à la création du conseiller territorial. Les multiples changements observés ces dernières années auraient conduit à un manque de lisibilité dans la mise en œuvre de l’action publique et à des dérapages budgétaires. L’essentiel de son action consisterait à rechercher des économies en luttant contre la bureaucratie et contre les surcoûts liés à la décentralisation. Par ailleurs, Éric Zemmour souhaite réorienter les financements de la politique de ville vers les territoires ruraux, interdire tout nouveau projet de construction d’éoliennes et supprimer la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU).
Marine Le Pen s’inscrit dans la continuité de ses positions adoptées lors de la précédente élection présidentielle et entend mener une politique de démétropolisation et de rééquilibrage des territoires. La candidate du Rassemblement national souhaite s’appuyer sur le trio Etat-département-commune et perçoit négativement les régions et les intercommunalités. La loi 3DS est perçue comme un bon premier pas pour permettre aux communes de transférer à la carte certaines compétences aux intercommunalités, mais elle se méfie du risque que cette loi fait peser en termes de différenciation territoriale et de violation du principe d’égalité. Elle souhaite revenir sur la loi NOTRe pour rendre des compétences aux communes en matière d’urbanisme et projette de réinstaurer les primes d’aménagement du territoire (PAT) dans cette perspective. La fiscalité locale serait remise à plat et il serait mis fin aux compétences partagées ou connexes, en interdisant les financements croisés qui peuvent conduire selon elle à des investissements superflus et à un traitement inéquitable des communes.
Notons que dans sa dernière lettre, l’Institut de la gestion déléguée (IGD), dont la FedEpl fait partie du conseil d’administration, en partenariat avec Séance Publique, a fait parallèlement état des propositions des principaux candidats à l’élection présidentielle en matière de gestion déléguée.