La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, autorise la création de Splu. Où en est-on à ce jour ?
Nous sommes encore dans l’attente des décrets d’application. Et c’est comme toujours dans le détail de ces décrets que les choses vont se préciser. La FedEpl a mené un travail énorme sur le sujet pour le glisser dans la loi 3DS. La Splu va permettre à deux mondes qui ne se connaissent pas d’entrer en relation. Je suis un ancien président d’université (Ndlr, Université de Lorraine de 2003 à 2008), j’ai été vice-président de la Conférence des universités, appelée aujourd’hui France Universités.
Permettez-moi de replacer le débat dans le contexte : l’université représente aujourd’hui en France 22 millions de m² de bâtiments. L’Etat, pour plein de raisons, a eu du mal à investir sur le bâti ces dernières années. Mais on arrive aujourd’hui à ce jour à un point de non-retour : il va bien falloir s’occuper de ces bâtiments, dont la plupart sont dans un état difficile.
Il faut aussi replacer ce débat dans le cadre du décret tertiaire et de l’obligation pour l’Etat d’adapter ses bâtiments aux exigences de la sobriété énergétique, surtout au regard du prix de plus en plus élevé des fluides et du chauffage. Bref, l’Etat ne pourra pas se détourner du traitement d’un sujet qui devient urgent, au regard de bâtiments dont l’état, à certains endroits, est inquiétant.
Très peu d’universités ont demandé la dévolution du patrimoine détenu par l’Etat : une dizaine sur 76 universités
Comment fait-on à ce jour pour traiter le bâti universitaire ?
Cette préoccupation télescope une autre question, de nature plus politique : l’autonomie des universités. La loi Pécresse de 2007 proposait la possibilité de la dévolution du patrimoine. Très peu d’universités ont demandé cette dévolution, une petite dizaine seulement (Ndlr, sur les 76 universités publiques recensées).
On peut le comprendre car un président d’université fait de la recherche et sa priorité est d’accroître ce potentiel pour bien pointer notamment au classement de Shangaï. Pour les présidents d’université, recruter des chargés du patrimoine n’a jamais été une priorité, et quand des problèmes se posaient sur les bâtiments, il suffisait de demander des subventions. Or, ce modèle n’est plus viable, au regard des contraintes qui pèsent sur les finances publiques. La stratégie consistant à parer au plus pressé n’est plus possible. Beaucoup d’universités n’ont pas de connaissance réelle de leur patrimoine.
C’est assez inquiétant !
C’est très inquiétant. Mais on est à la limite de l’exercice. Et nous avons rencontré des difficultés avec France Universités pour aboutir au principe de cette Splu. La Splu verra le jour avec la Région, les métropoles dans le capital. C’est donc tout un pan de l’urbanisme qui s’ouvre, avec notamment le logement des jeunes et des étudiants en toile de fond, dont le sujet est aussi très sensible. Les présidents d’université ont peu conscience de cette urgence, pour la simple et bonne raison qu’ils ont peu de contacts avec les élus, du fait de leur autonomie. Il faudra renouer ce lien.
Au passage, avec les Centres hospitaliers régionaux (CHR), avec lesquels nous avons essayé – sans y parvenir – de valider le principe de la Société publique locale hospitalière (Splh), qui finira par voir le jour, les relations devraient être plus fluides, les élus étant représentés fortement dans les conseils d’administration. La FedEpl travaille aujourd’hui sur le principe de la validation de cette Splh.
Concrètement, où en est-on aujourd’hui ?
Certaines universités se positionnent. Tout dépend du tropisme des présidents, élus quatre ans et dont le mandat est renouvelable une fois, et des élus. Il faut aussi convaincre les syndicats, qui nous perçoivent comme des acteurs du privé.
Juste avant de quitter le parlement (Ndlr, Richard Lioger a été battu aux dernières législatives), vous avez réalisé ce rapport d’information sur le logement des jeunes. Quelle est la situation ?
Les logements destinés aux étudiants aujourd’hui ne sont pas en harmonie avec la courbe démographique. On dénombre à ce jour 175 000 chambres du côté des résidences universitaires gérées par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) et 180 000 chambres gérées par des résidences estudiantines privées. En face, on recense 2,7 millions étudiants, dont 710 000 boursiers. D’année en année, la situation se tend, avec notamment des établissements d’enseignement supérieur qui reçoivent 35 000 à 40 000 étudiants supplémentaires. Faute de disponibilités, beaucoup de jeunes trouvent d’autres solutions, des plans B ou de la colocation.
L’Etat a-t-il su répondre à cette situation de pénurie ?
Les objectifs annoncés n’ont pas été atteints (lire encadré). Durant la crise sanitaire, des aides financières ou alimentaires, comme le repas à un euro pour les étudiants, ont été débloquées. Mais rien n’a été fait concernant le logement, qui reste le premier poste de dépenses des jeunes, avec 60% en moyenne de leur budget qui y est consacré. Le sujet reste un angle mort politique.
Propos recueillis par Stéphane Menu
Cet article est issu d’un partenariat éditorial avec cadredeville.com, la plateforme des projets urbains qui fournit un service complet d’informations et de data pour ceux qui font la ville de demain.
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