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Le marché du logement neuf proche du blocage

Publié le 23 septembre 2022

Les chiffres du 2e trimestre présentés par la FPI ce 15 septembre augurent un risque de croisement des courbes des coûts de construction, et donc des prix, et de la solvabilité des ménages. « Ce n’est pas à écarter, je le crains », commente le président de la Fédération des promoteurs immobiliers, Pascal Boulanger. Ce dernier rappelle de fait la demande de la FPI présentée lors de son congrès, d’obtenir une TVA à 10% pour les opérations de rénovation, et modérer les prix de sortie. Sur fond de chute marquée des investissements des acteurs économiques dans le logement, la lente baisse des ventes au détail, assortie d’une hausse des désistements va dans ce sens.

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Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.

La santé du secteur de la promotion privée est une des questions de la rentrée de septembre 2022. En effet, le ministre de la Ville et du Logement, Olivier Klein a annoncé, devant les députés de la commission des affaires économiques, vouloir conclure un « nouveau pacte de confiance avec le monde HLM pour relancer la production ». Or, compte tenu du poids de la vente en Vefa, cet objectif dépend en grande partie des promoteurs.

Pascal Boulanger, président de la FPI, avoue quelques séances d’analyse des chiffres propices aux maux de tête. En effet, avoue-t-il, il faut se garder d’une lecture au premier degré des chiffres du deuxième trimestre 2022, au risque de contresens. Ces chiffres pourraient annoncer des jours difficiles pour la promotion neuve.

Tout d’abord, le tableau de l’activité au T2 2022 de la promotion immobilière met en relief des différences notables entre ventes en bloc et vente au détail. De façon spectaculaire, par exemple, les ventes aux bailleurs sociaux ont chuté, affichant un -55 % ! Explication avancée par Pascal Boulanger : la hausse des coûts de construction, tirée par la hausse des prix des matériaux et celle du transport, impose des réexamens des accords de cession en Vefa. « Dans l’ensemble, les bailleurs sociaux se montrent compréhensifs », rapporte le président. « Ils vivent eux aussi cette situation dans leurs opérations en maîtrise d’ouvrage directe. Mais les élus se montrent réticents, et notamment parce qu’ils apportent des aides et des garanties à la construction de logements sociaux. » Un temps de renégociation a donc été ouvert, et explique pour partie la chute des transactions en bloc.

Une crise de l’offre

Globalement, le trimestre ne se présente pas de prime abord sous un mauvais jour : la FPI retient le chiffre de 128 000 logements neufs autorisés entre avril et juin, soit +10,2% par rapport au T2 2021, un chiffre tiré par 66 000 logements collectifs en projet (+23,7%), 17 200 individuels groupés (+20,7%), alors que l’individuel pur tombe à 30 800 unités (-21,9%). Un mouvement semble-t-il animé par la volonté d’échapper à la RE2020, et qui constitue des réserves d’autorisations pour des mises en vente futures.

Cependant, dans l’immédiat, c’est à une crise de l’offre qu’on assiste, reconnaît Pascal Boulanger. Le nombre de logements neufs mis en vente reste bien en-dessous des niveaux antérieurs à la crise sanitaire. La baisse des mises en vente est, à nouveau, conséquente, au T2 2022 : 29 588 logements nouveaux ont été mis en vente ‘-10,5%). Sur tout le premier semestre, 49 644 logements ont été mis en vente (-14,6%). Le nombre d’autorisations de logements collectifs, demandées et obtenues pour anticiper la RE2020, ne se retrouve pas dans l’offre nouvelle, toujours orientée à la baisse.

Au global, l’offre disponible sur le marché reste bien inférieure aux 11-12 mois d’offre jugés « satisfaisants » par la profession. Elle se situe à 8,4 mois au deuxième trimestre, après 8 mois au premier. « Cela ne traduit pas une amélioration avertit Pascal Boulanger, c’est le résultat de la baisse des ventes. » L’offre s’accroît des produits non consommés, cependant que le nombre de mises en vente décroît.

Le rebond dû aux invendus ne doit pas aveugler. Ainsi, les hauts niveaux atteints par les délais d’écoulement à Bordeaux, Nantes ou Lyon, ou les quasi-douze mois en Île-de-France, ne traduisent pas une augmentation de l’offre, mais reflètent la forte baisse des ventes dans ces métropoles. « Il y a beaucoup d’invendus », reconnaît Pascal Boulanger qui ajoute : « Beaucoup de logements, et pas les meilleurs, restent sur le marché. Des queues de programmes, par exemple, qui s’écoulent mal. »

Les ventes en bloc s’effondrent de 42,3%

Crise de l’offre il y a donc. Mais y a-t-il une crise de la demande ? « Il est trop tôt pour le dire », estime prudemment Pascal Boulanger qui ajoute : « On observe des signes d’un léger attentisme de la clientèle ». « Il faut distinguer entre ce que j’appelle les acteurs économiques (institutionnels, bailleurs sociaux, particuliers investisseurs), et, d’autre part les particuliers accédants », détaille Didier Bellier-Ganière, délégué général de la Fédération..

Entre avril et juin, après le rebond de 2021, les ventes totales décrochent à nouveau, et se situent bien en-dessous de leur moyenne de longue période. La fédération annonce 31 540 réservations (-24,3% par rapport à 2021). Si tous les postes de vente reculent ce trimestre, néanmoins, la baisse la plus marquée concerne les ventes en bloc (-42,3%), et les ventes aux particuliers investisseurs (-25,9%), alors que les ventes aux particuliers occupants ne diminuent « que » de 8,2%. « La part des ventes investisseurs s’effondre », commente Pascal Boulanger, qui fait remarquer que, traditionnellement, on est sur un rapport de 50/50 entre investisseurs et accédants. « Certes, les particuliers investisseurs « font toujours montre d’un fort attentisme en année électorale présidentielle et législative », nuance le président de la FPI. Cependant, leur attentisme s’inscrit ici dans un mouvement d’ensemble.

Une « hausse technique » des prix, au moment où la solvabilité des acquéreurs se dégrade

Offre faible, demande en baisse, hausse des coûts et des prix… La situation inquiète à ce point la FPI : « la question du soutien de la demande resurgit brutalement au regard du contexte géopolitique et économique. En effet, la demande pourrait être amenée à faiblir rapidement à la lecture des indicateurs macro-économiques (inflation galopante, taux d’intérêt en hausse…) qui pèse sur le pouvoir d’achat immobilier. Décidée pour contrer l’inflation, la brusque remontée des taux d’intérêt a accentué le recul des réservations nettes au détail. »

Et la Fédération de conclure : « les perspectives pour l’année 2022 montrent une lente dégradation des conditions de financement, conjuguée, pour les ménages les plus modestes, principalement primo-accédants, à une aggravation de l’inflation et à la poursuite de la hausse des prix des logements, grevant toujours plus leur pouvoir d’achat immobilier. » Une hausse des prix « technique » selon Pascal Boulanger, que les promoteurs n’absorberont pas, et dont la répercussion contribuera à rendre le m² neuf difficilement accessible aux Français. La courbe des prix et celle de la solvabilité pourraient bientôt se croiser.

« L’effet des hausses dues à l’inflation, et à la hausse générale des coûts de construction ne se fait pas encore sentir au deuxième trimestre », commente Pascal Boulanger, pour qui, déjà aux conditions d’avant le choc d’inflation, les prix continuaient à monter en régions par effet de réajustement, cependant qu’ils arrivaient à un plateau en Île-de-France. Les prix atteignent semble-t-il leurs limites.

La crise du logement neuf se traduit corollairement par un report sur le marché de l’ancien. Un marché non strictement dépendant des banques, car en partie auto-financé par les cessions de propriétaires occupants qui se délocalisent (par exemple, la pression à la hausse des prix dans les zones littorales ou de villes moyennes est alimentée par les cessions dans les grandes villes). L’indice de la FPI des prix du neuf comparatif avec celui de l’Insee des prix de l’ancien montre que l’augmentation des prix de l’ancien est supérieure à celle des prix dans le neuf.

La crise de la demande se traduit également dans le bond du taux de désistement après réservation (qui alimente encore artificiellement l’offre restant sur le marché). Ce taux, en moyenne de 13%, bondit à 26% ! Notamment, rapporte Pascal Boulanger, du fait d’un taux de refus de prêts par les banques proche de 50%. A quoi s’ajoutent des désistements formulés quelques jours seulement après réservation, donc non liés à des refus de prêts, mais à un climat général d’incertitude.

Le gouvernement en situation d’attente

De ce point de vue, l’ambition d’Olivier Klein de conclure « un nouveau pacte de confiance » prend tout son sens. Mais, si le ministre de la Ville s’occupe aussi du logement, il a, jusqu’à présent, surtout évoqué le logement social, dont le destin est lié à celui du logement libre, compte tenu de la part de Vefa (plus de 50% en Île-de-France).

Quelles mesures pourraient être prises ? La FPI rappelle son souhait de voir un taux de TVA réduit à 10% accompagner les opérations de rénovation et de mutation urbaine, considérées comme vertueuses d’un point de vue foncier, et de nature à revitaliser les quartiers anciens.

Pascal Boulanger rappelle : « Une des propositions de l’Appel de Strasbourg consiste à mettre en œuvre une TVA réduite de 10% pour les opérations de démolition-reconstruction. La réforme d’avril 2022 de la directive européenne TVA le permet. Par ailleurs, nous proposons également de flécher une partie de la TVA immobilière vers les communes des maires bâtisseurs. Loin d’être une perte pour l’Etat, cette mesure, en incitant les maires à construire, va générer des recettes supplémentaires. Il est préférable pour l’Etat de collecter 50% de quelque chose plutôt que 100% de rien. »

Pour avancer, encore faudrait-il pouvoir rencontrer le ministre. Cela n’a pas encore été possible depuis sa prise de fonction tout début juillet. Très occupé par l’Anru et la politique de la ville qui restent son sujet prioritaire, il s’attelle maintenant à la question du logement social et du dialogue avec l’univers des HLM. Une piste qui devrait, à un moment, le conduire à la promotion privée…

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Par Peggy BANGET-MOSSAZ
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