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Sonia de La Provôté (Sénatrice) : « L’ANCT cherche encore ses marques »

Publié le 31 octobre 2022

Le rapport d’information du Sénat sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs a été rendu public. Sénatrice centriste du Calvados, Sonia de La Provôté, par ailleurs présidente de la commission aménagement de la FedEpl, en est l’un des trois auteurs, avec Serge Babary, Gilbert-Luc Devinaz et dont le président da la mission conjointe est Rémy Pointereau. Décryptage.

Sonia de la Provôté, sénatrice du Calvados et présidente de la commission aménagement de la FedEpl (Photo DR).
Sur quelle traduction législative pourrait déboucher ce rapport d’information ?

Nous avons rédigé une proposition de résolution qui sera débattue prochainement afin d’acter des préconisations précises. Nous préconisons le renforcement du rôle de l’ANCT, le maintien de l’accompagnement sur le terrain en matière d’emploi, notamment pour les coordinateurs des programmes Action cœur de ville (ACV) et Petites villes de demain (PDV) et les managers de centre ville, et ce dans la perspective de la période 2026-2032, au moment du renouvellement du bloc communal. Les maires ont besoin de profondeur de calendrier pour atteindre leurs objectifs, un peu comme ce qui se passe avec l’ANRU concernant les quartiers prioritaires. L’association des Petites villes de France (APVF) mène actuellement une étude pour réfléchir aux meilleurs moyens de sanctuariser les projets en cours. Nous souhaitons aussi donner plus de visibilité au dispositif Denormandie, particulièrement adapté aux petites villes avec un patrimoine bâti à réhabiliter. Nous considérons que la manière dont l’Etat accompagne ce dispositif dans les territoires manque de volontarisme. Nous proposons aussi par exemple l’extension de ce dispositif aux locaux commerciaux car les rez-de-chaussée sont difficiles à détacher des logements dans les petites villes. Nous proposons aussi d’organiser une réunion d’information chaque année en préfecture avec les maires des communes, notamment celles qui n’ont pas été labellisées PDV. Elles peuvent mettre en place des ORT, utiliser le fonds friches pour donner une seconde vie à ce patrimoine.

Vous présidez depuis juillet 2014 l’Agence d’urbanisme de Caen Métropole (AUCAME). Comment le ZAN est-il perçu à l’échelle de votre territoire ?

Beaucoup de maires s’interrogent sur la loi, ne la comprennent pas. Le travail d’appropriation du sujet est très technique, percute de plus les communes engagées dans la révision de leur PLU ou les intercos avec le PLUi, des risques de chevauchements sont pointés avec la mise en œuvre des Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) ou encore les SCoT. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, a eu raison de demander aux préfets via les DDT de lever le pied. Il est nécessaire de bien comprendre comment fonctionne le ZAN pour que chacun puisse avoir des perspectives de développement et non une stérilisation de son territoire.

Comment jugez-vous et anticipez-vous le rôle de l’ANCT ?

L’agence cherche encore ses marques. Une de ses missions était de palier les carences d’ingénierie dans les petites communes. Or, il se trouve que là où s’engage l’ANCT, l’ingénierie est déjà en place. A l’échelle de l’AUCAME, nous avons pris les devants en contactant directement les maires des petites communes pour leur rappeler que nous sommes à leur disposition. Même si notre rôle n’est pas de nous substituer à des professionnels, nous servons de conseil et produisons des données utiles pour se projeter dans les 10 années à venir. Mais tout se joue là : l’ingénierie territoriale est la clé de la réussite des projets dans des communes sous-dotées pour relever de tels défis. L’ANCT doit jouer ce rôle de catalyseur, puis transmettre ensuite le dossier, notamment à des Spl d’aménagement, qui savent faire. Je pense que les services déconcentrés de l’Etat n’ont pas les moyens en ressources humaines pour faire face à l’afflux des demandes.

Quid de la jonction avec l’Ademe, le BRGM pour les questions de sols pollués ou miniers, là où sont les friches ?

Participerez-vous à la mission du Sénat sur l’ANCT ?

Je fais partie de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales. J’y serai donc attentive. Un état des lieux s’impose. Est-il bon que les agences s’autonomisent des services déconcentrés de l’Etat ? Prenons le cas de l’ANRU, qui intervient sur des territoires spécifiques et dont le savoir-faire est essentiel. L’ANRU produit pour les communes concernées de la contrainte administrative et souvent technocratique mais ce processus s’inscrit sur un temps long, et l’Etat est aussi conseil et ses outils sont utiles. Elle a su faire face aux reproches qu’on lui adressait, notamment pour mieux intégrer le rôle des habitants et de la cohésion sociale dans la réussite de la mixité sociale ou encore l’aménagement des espaces publics et de vie en commun hors du logement. L’ANCT cherche sa place. Sur le ZAN, elle peut apporter sa pierre à l’édifice mais le sujet est multiforme. Quid de la jonction avec l’Ademe, le BRGM pour les questions de sols pollués ou miniers, là où sont les friches ? Il faut simplifier la tâche des maires, jouer le rôle de conseil et amener les éléments techniques là où les compétences sont rares.

Comment percevez-vous le rôle des autres échelons de collectivité, notamment des départements, dans la redynamisation des centres-villes ?

Les départements contractualisent avec les Epci et, historiquement, jouent un rôle central dans la redynamisation des centres-bourgs. Ils veillent à l’équité territoriale, entre le rural, l’urbain et le périurbain, confortent les services publics de proximité, les aménités comme la culture ou l’éducation. Dans mon département, le Calvados, les points infos du département ont permis aux établissements France Service de se déployer. Les départements jouent donc un rôle essentiel dans la bonne diffusion des informations au plus près des habitants et des élus des communes. L’échelle départementale en lien avec le Préfet et le conseil départemental allie à la fois vision d’ensemble et proximité, l’enjeu est d’aménager le territoire en évitant d’accroître les inégalités ou le sentiment d’isolement perçu par certains élus du bloc communal et habitants parce que trop loin des grosses centralités urbaines. L’échelle départementale est la bonne clef de lecture.

Par Olivier LAMOUREUX
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