Les sujets liés au vieillissement de la population doivent être traités non seulement du point de vue du logement et de l’habitat, de la ville, des territoires et de la mobilité, mais aussi sur un plan plus général : « Comment, demain, pourrais-je vieillir chez moi ? ». Dans notre société, chaque individu sera à son tour atteint par le vieillissement et aspire à vivre heureux et en bonne santé le plus longtemps possible. Or, la crise sanitaire a montré une fois de plus à quel point nos concitoyens tiennent à cette solidarité intergénérationnelle, loin des clichés sur une prétendue guerre des générations. Plusieurs points doivent être pris en compte :
– La prise en compte de la longévité impose une prise de conscience collective dans le cadre de l’intérêt général.
– Vieillir chez soi suppose un logement adapté à ses fragilités présentes ou futures.
– Vivre chez soi suppose de bénéficier d’un quartier sécurisant, d’une ville bienveillante qui soient gages du maintien des liens sociaux.
– Vieillir chez soi suppose aussi des moyens adaptés de mobilités et de transports qui permettent que la vie à domicile ne se transforme pas en assignation à résidence.
– Vieillir chez soi suppose enfin de prendre en compte la « géographie du vieillissement » puisque nous ne vieillirons pas de la même façon selon l’environnement dans lequel nous évoluons (urbain, péri-urbain, rural, régions riches et jeunes, territoires âgés et dépeuplés…).
La longévité fait sa révolution
L’adaptation à la longévité doit impliquer l’ensemble des les acteurs concernés : l’Etat, ses administrations et ses agences, les collectivités locales, les organismes de protection sociale, les acteurs de l’immobilier et notamment les bailleurs sociaux, les entreprises, les artisans, les professionnels sanitaires et médico-sociaux, le monde associatif et évidemment les citoyens eux-mêmes. Ce ne sera possible qu’avec la capacité collective de mise en œuvre d’un véritable pacte entre les générations et entre les territoires pour que tous les concitoyens se sentent tous impliqués dans cette révolution de la longévité.
La table ronde organisée à l’occasion de la commission logement du 26 octobre dernier a permis un échange libre et riche sur le thème de l’accompagnement au vieillissement de la population de façon générale, avec un focus sur le logement et la place que pourront prendre les Epl face à cet enjeu structurant de notre société.
« Arrêtez de nous prendre pour des vieux ! »
Muriel Boulmier est intervenue le 26 octobre dernier ; elle connaît bien le sujet : conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine, présidente de l’union régionale USH de Nouvelle Aquitaine, chargée de deux missions ministérielles successives sur le vieillissement et l’habitat en 2009 et 2010 et auteure des rapports sur les thèmes de l’adaptation de l’habitat au défi de l’évolution démographique et ses 32 propositions visant à préserver l’autonomie des personnes âgées et le maintien à domicile, « Vivre chez-soi : autonomie, inclusion et projet de vie et ses 6 volets prioritaires ». Il en est sorti un livre, « Arrêtez de nous prendre pour des vieux », publié en 2013.
Delphis ouvre la voie
Laurent Bourgoin a aussi participé au débat. Il est chargé de mission et référente du label Habitat Senior Service au sein de l’association Delphis qui, comme association de bailleurs et pôle de R&D, accompagne les bailleurs sociaux dans leur activité au service des habitants et des territoires. Fort de son engagement dans l’innovation sociale depuis plus de 30 ans, Delphis intervient dans trois domaines : la responsabilité sociétale des organisations, la qualité de service et la relation client, l’autonomie des publics fragiles. Organisée en réseau, l’association réunit des bailleurs sociaux implantés dans toute la France y compris des Epl.
Sur le thème : « Améliorer l’accueil et l’accompagnement des publics fragiles (seniors, personnes en situation de handicap notamment) pour favoriser leur autonomie », Delphis aide les bailleurs à :
• développer une offre d’habitat adaptée aux besoins des publics fragiles pour plus de confort, de sécurité et d’accessibilité
• proposer une offre de services avec les partenaires locaux, pour favoriser le lien social et faciliter le quotidien des locataires
Delphis a développé depuis 2012 un label : Habitat Senior Services
Le choix de rester chez soi
Olivier Subra, directeur général de Pau-Béarn Habitat, a livré aussi son témoignage ainsi que d’autres dirigeants de Sem immobilières, sur l’accompagnement des Epl en la matière. En effet, l’enjeu majeur réside dans les constats suivants :
– A 90 ans, trois-quarts des Français vivent à la maison et 67% souhaitent vouloir échapper à l’Ehpad.
– A 85 ans, une majorité (55%) de françaises vivent seuls à domicile.
– 74% des seniors sont propriétaires de leur logement.
Chaque retraité est et sera donc confronté : dois-je adapter mon logement ? et jusqu’où cela est-il raisonnable ? Partir de son chez-soi historique pour un nouveau chez-soi mieux adapté ?
De plus en plus, apparaît la volonté de mixer le « chez soi » et le « avec les autres », l’individuel avec le collectif, le « à la maison » mais sans l’isolement social.
Les Résidences Services Seniors (RSS) plébiscitées par les femmes veuves de 80-85 ans
La RSS, à l’inverse des Résidences Autonomie ne sont pas des institutions médico-sociales.
13 % des seniors vivent dans un logement social mais 54% des locataire du parc social ont plus de 50 ans. Chaque bailleur devra évaluer sa capacité à faire évoluer le parc de logement sociaux en fonction du vieillissement et l’intégrer dans la stratégie patrimoniale. Les règles d’attribution du logement doivent évoluer en fonction du profil et de la possibilité d’adaptation du logement. Comment encourager les mutations au sein même du parc sur la base du volontariat dans un parc social en offrant de réelles compensations aux locataires âgés ? Et enfin permettre aux bailleurs sociaux de délivrer des prestations aux locataires âgés et de les facturer en sus des charges, ce qui n’est pas possible dans le cadre de la réglementation actuelle.
Les échanges ont fait apparaître que la notion d’adaptation est difficile à normer puisqu’elle se définit en fonction des besoins de la personne.
Un logement accessible : l’escalier, l’ennemi de l’autonomie, il faut donc porter une attention particulière à la mobilité verticale des personnes âgées dans le parc social.
Un logement adapté c’est plus que jamais un logement connecté, dans le logement le numérique ne doit pas être le trou dans la raquette. Plus personne ne doit douter désormais de l’apport essentiel du numérique et technologies.
Un logement adapté pour les aidants et les professionnels
Près de 400 000 personnes interviennent à domicile pour la quasi-totalité des femmes (85 %) et dont plus de la moitié ont plus de 50 ans et un taux d’accident du travail de 99 pour 1000 en 2017. Le Répertoire des logements locatifs sociaux (RPLS) distingue :
– Les logements non accessibles aux personnes à mobilité réduites (PMR)
– Ceux accessibles mais non adaptés ;
– Ceux accessibles aux PMR.
Mais le sujet de l’adaptation se distingue de celui de l’accessibilité au sens où on ne peut pas comparer une personne qui va vivre en situation de handicap parfois pendant des décennies et une personne âgée dont la période de grande fragilité n’excède généralement que quelques mois ou années.
Le thème de la prise en compte du vieillissement de la population et de son accompagnement par le modèle Epl fait l’objet d’une forte attente des territoires et des élus qui les gèrent.
C’est plus globalement le secteur de la Silver Economie que les EPL doivent explorer en particulier pour ce qui concerne les services à la personne, mais au delà du logement, l’adaptation des services publics (transports, aménagement, tourisme et culture, etc..) à une transition démographique qui constitue un enjeu majeur, durable et irréversible.
La fédération des élus des Epl peut et doit contribuer à cette réflexion collective compte tenu de l’enjeu et être force de proposition.