Les deux dernières années ont été marquées par d’importants défis aussi bien conjoncturels que structurels dans les Outre-Mer. Cette période difficile et couplée aux conséquences des crises aussi bien sanitaires qu’économiques, place l’action européenne à un niveau de premier plan sur la question du logement social, dans un contexte généralisé de relance européenne. Lutte contre l’habitat indigne, financement des logements, aménagement et équipement du foncier (FEDER), mais aussi recours à des matériaux trop couteux hors des Outre-mer sont des enjeux pour la pérennité des Epl. Les représentants du logement social et les opérateurs du secteur des Epl ont ainsi eu l’occasion d’échanger sur les différentes opportunités offertes par l’Union européenne (UE) pour le développement des Epl dans les régions et territoires d’Outre-mer.
Agir au niveau local
Véronique Rano Roul, secrétaire générale de l’Association régionale des maîtres d’ouvrages sociaux de la Guadeloupe, souligne « la complexité » du logement social dans les Outre-mer. « Ces fonds européens sont très difficiles à mobiliser. L’Armos, association régionale des bailleurs sociaux, a été créée en 1996 pour faire entendre la parole des bailleurs sociaux et faire remonter les problématiques spécifiques aux instances régionales ». Pour Mahieddine Hedli , directeur des Outre-mer de l’Union sociale pour l’Habitat (USH), « nous sommes sur des territoires très différents avec des besoins diversifiés. Nous avons de fortes contraintes en amont du logement social avec la question foncière, pas seulement le terrain nu, pour produire du foncier à destination des collectivités locales. Les contraintes s’accumulent, elles sont normatives, administratives, législatives, parfois liées au parcours du combattant pour construire, avec des recommandations descendantes. Nous avons besoin de plus de marge de manoeuvre au plan local avec une logique de développement local. On n’est pas loin d’un certain nombre de défis portés par la nouvelle programmation des financements européens 2021-2027. L’Europe veut aussi contribuer à ces enjeux ». Sabrina Mathiot est directrice de l’Ushom (Union sociale pour l’habitat Outre-mer). Son constat est sans appel : « Nous sommes petits par rapport aux enjeux nationaux. Or, l’action locale est de loin la plus pertinente. Cette prise de conscience de la nécessité d’avoir une action plus proche du citoyen est palpable au niveau européen : les RUP disposent de 9 milliards d’euros du FEDER ».
Généraliser la simplification de l’accès aux fonds européens ?
Les intervenants ont ensuite échangé sur l’état du besoin aujourd’hui. Pour Véronique Rano Roul, « l’engagement fort dans la transition énergétique réclame un besoin de financement réel. C’est un enjeu fort sur lequel nous sommes attendus alors que la Guadeloupe a le taux de loyer le plus fort. Les financements européens existent mais il faut faciliter leur accès ». Carole Mancel Blanchard, membre française du cabinet de la Commissaire pour la Cohésion à la Commission Européenne, rappelle que c’est « essentiellement le FEDER qui va intervenir sur le logement via deux angles : efficacité énergétique et projets d’inclusion sociale. Dans les RUP, la problématique du logement a été identifiée à la fois dans la stratégie renouvelée en mai 2022 en insistant sur la nécessité d’une croissance durable et inclusive et d’un droit à un logement décent. Je pense que la stratégie en matière d’efficacité énergétique est pertinente, la complexité est de donner vie à ces stratégies sur le terrain. C’est un effort collectif, on essaie de simplifier la mise en œuvre avec un minimum de règles permettant la gestion efficace des fonds. Le problème en France, c’est que la politique de cohésion ne représente pas des montants importants par rapport au reste de la dépense publique. On a un phénomène d’accumulation de règles complexes à combiner. Des options de coûts simplifiés ont été introduites, on essaie de convaincre les autorités nationales de les adopter. On pourrait envisager des prêts standards octroyés aux particuliers », assure-t-elle.
Aller vers le financement européen, vaille que vaille
Dans la salle, la question est posée sur une généralisation de la simplification des règles : « On ne peut pas simplifier pour tout le monde en raison de la diversité des pays. On ne peut pas faire une règle universelle pour tout le monde. L’objectif est d’accélérer l’indépendance vis-à-vis des énergies fossiles russes et encourager l’énergie renouvelables, on essaie d’accélérer l’octroi des permis pour la rénovation énergétique. Cette législation devrait entrer en vigueur rapidement puisqu’elle sera adoptée en fin d’année ». L’USH répond en écho : « On est sur des sujets qu’on ne connait pas bien, on a un bureau à Bruxelles, une mission européenne et nous travaillons sur des guides pour monter des projets européens. C’est long du point de vue du montage du projet car il faut respecter une subsidiarité des financements et parce que nous avons aussi dans les RUP, des situations avec des normes européennes difficiles à respecter. On n’a pas le choix, nous devons aller sur ces dispositifs pour améliorer l’action publique, aller vers un développement durable sur nos territoires ».
Pour l’USH, le compte n’est pas bon
L’USH a brossé un tableau de la situation des logements sociaux dans les Outre-mer. 110 000 logements manquent à l’appel dans les DROM alors que 80 % de la population est éligible au logement social et un peu plus de 70 % au logement très social. 88 % des demandeurs de logement social disposent de ressources inférieures aux plafonds de ressources Logements Locatifs Très Sociaux LLTS. En 2021, ont été financés 5 267 logements locatifs sociaux mais seulement 3 036 logements locatifs sociaux ont été livrés (contre 6 090 logements locatifs sociaux financés en 2016 pour 4 881 logements locatifs sociaux livrés cette même année). On dénombre 18 970 logements sociaux dans les COM. Le financement du logement social passe par un contrat avec l’État. Pourtant, les besoins sont élevés et l’insalubrité est tout aussi prégnante. L’accès à un logement digne est abordable est donc tout aussi essentiel dans les COM », a conclu Mahieddine Hedli.
La direction des outre-mers et la FedEpl organisera au cours du 1er semestre 2023 deux séminaires professionnels sur la mobilisation des financements européens pour l’aménagement urbain foncier et les projets FSE+ avec les ARMOS et en direction des organismes de logement social dans la zone Antilles – Guyane d’une part et dans l’océan indien d’autre part.