C’est Benoit Payan en personne, maire de la deuxième ville de France, qui présidera la Spem. On peut lire dans cette décision, fortement inspirée par l’Etat, un symbole : celui de mener à bien en partenariat un chantier de redressement des écoles marseillaises dont le patrimoine bâti est unanimement reconnu comme étant bien mal en point.
Le directeur de la Spem a été recruté sur la base du profil d’un aménageur bien expérimenté : Vincent Bourjaillat cochait toutes les bonnes cases et a été officiellement installé le 19 septembre 2022 : il remplissait auparavant une fonction similaire au groupement d’intérêt économique (GIE) regroupant les deux sociétés d’aménagement de la Métropole et de la ville de Grenoble, la Spl Sagès et la Sem Innovia. Avant de rejoindre Grenoble, Vincent Bourjaillat a tenu les rênes pendant huit ans de la Spl Le Bourget Grand Paris (2013-2021), impliquée dans les projets de gares du Grand Paris Express et de l’accueil des JOP en 2024. Les reconstructions-rénovations de grande ampleur n’ont donc plus de secrets pour lui.
Un financement à aller négocier auprès des banques, notamment la Banque des Territoires
Depuis sa nomination, Vincent Bourjaillat planche sur la méthodologie opérationnelle : la Spem et la ville de Marseille se partageront le travail ; la première assurera la gestion des rénovations lourdes de 188 écoles, soit 40% du parc, dont certaines se transformeront en reconstruction, sans oublier la construction de plus d’une trentaine de nouvelles écoles.
De son côté, la ville de Marseille prendra à sa charge les interventions plus légères dans les autres écoles, à hauteur de 350 M€. Sur le plan financier, la participation de l’Etat s’élève à 400 M€ (254 M€ de subvention ad hoc et le reste relevant de financements de droit commun Anru ou assimilés).
La ville passera commande à la Spla-In qui assurera, sur le moyen-long terme, le financement et les risques. Vincent Bourjaillat aura donc à aller chercher les financements dans le cadre d’emprunts au long cours, notamment du côté de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de la Banque des Territoires, dont l’Etat garantira le volume à hauteur de 650 M€.
La ville de Marseille devra ensuite rembourser à la Spem les prêts contractés, via des loyers dont le versement s’étalera sur des années. En 2022, la ville de Marseille a déjà traité « près de 300 écoles, en menant à bien des travaux plus ou moins urgents », assure Pierre-Marie Ganozzi, adjoint au maire au Plan écoles et au bâti scolaire.
Vincent Bourjaillat : « Nous devons encore travailler à définir un référentiel urbain et architectural »
Où en est à ce jour la Spem ? Est-elle en mode opérationnel ?
La ville et la Spem finalisent actuellement un accord cadre de partenariat. L’objectif est d’agir en six ou sept vagues de rénovations lourdes ou constructions pour les 188 écoles. Chaque vague permettra de traiter plusieurs dizaines d’écoles, le volume des travaux à réaliser évoluant en fonction de leur nature. Ce seront essentiellement des rénovations lourdes, avec un petit quart d’écoles à construire sur les 188 recensées, sur des terrains appartenant à la ville. Pour quelques écoles, nous avons encore à trouver ou à sécuriser le foncier. L’objectif global sera certainement atteint sur une petite dizaine d’années. Nous verrons ensuite comment la Spem perdurera. Elle s’occupera de la maintenance et de l’entretien et son actionnerait évoluera sans doute, la présence de l’Etat n’étant plus indispensable.
Comment les travaux vont-ils se dérouler concrètement ?
L’organisation des travaux est un enjeu en soi compte tenu, tant des usages et de la continuité du service public à assurer, que de la grande diversité de situations existantes. Donc, pas de règle à priori : parfois l’on pourra phaser les chantiers et les travaux en maintenant les élèves dans les locaux, parfois on devra transférer tout ou partie des élèves dans d’autres écoles déjà rénovées ou dans des écoles en sous-effectif. Cela réclamera à l’évidence une organisation précise et efficace pour éviter au maximum les impacts négatifs sur la scolarité des enfants marseillais.
Quelles sont seront les partis-pris architecturaux ? Une école devra-t-elle ressembler à une autre ?
Un référentiel technique et fonctionnel a été élaboré pour les grandes orientations du bâtiment. Dans ces référentiels figure par exemple la volonté exprimée par la ville de recréer des groupes scolaires, là où aujourd’hui bien souvent la maternelle et le primaire sont installés dans des bâtiments distincts et sans liens fonctionnels. A chaque fois que ce sera possible, nous essaierons d’aller dans cette direction, pour optimiser le patrimoine de la ville, créer davantage d’espaces communs, positionnés la plupart du temps sur la rue pour qu’ils soient utilisables par les acteurs associatifs ou institutionnels de la ville, en dehors de la vie scolaire. L’idée est de faire de l’école un équipement ouvert sur son environnement immédiat.
L’accent sera mis aussi sur la végétalisation des écoles, avec la création d’îlots de fraîcheur ou de cours Oasis. Marseille est et sera encore plus exposée à la canicule. Ce n’est donc plus une option mais une nécessité d’aller dans cette direction-là.
Et sur le plan architectural ?
Nous devons encore travailler sur le sujet et définir un référentiel urbain et architectural. Ce sera l’une de mes priorités en ce début d’année. L’objectif est de retrouver des éléments d’unité d’une école à l’autre pour que les Marseillais sachent tout de suite qu’ils sont face à une école comme ils pourraient être face à un autre équipement public. La situation actuelle est très disparate, nous allons travailler sur des éléments de repérage et d’identification.
Mais il ne s’agit pas d’encourager une uniformisation architecturale. Nous allons aussi travailler sur les rues des écoles, avec l’aménagement des parvis et des accès là où c’est possible. Dans une ville très consommatrice de déplacements en voitures, nous pourrions envisager des zones 30 ou des usages différenciés dans la journée des rues aux entrées et sorties d’écoles, avec poses de barrières pour assurer un maximum de sécurité. L’aménagement des trottoirs est aussi important. Nous devons concevoir des espaces adaptés pour les familles qui récupèrent les enfants ou qui discutent entre elles, sachant qu’une grande partie du lien social se joue souvent là, à Marseille comme ailleurs.
Comment se déroulera la concertation avec les parents d’élèves et les habitants ?
Elle sera bien sûr systématique sur chaque projet de rénovation lourde ou de construction nouvelle. Il est capital, cela va de soi, que le projet soit porté par les parents d’élèves, les habitants mais aussi les acteurs éducatifs, enseignants et personnels municipaux. Au-delà de ces concertations ciblées, nous envisageons que la Spem puisse initier et animer des débats sur la place des écoles et l’éducation dans la ville, dans des formes qui restent à définir.
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