Avec quelles structures publiques dans l’habitat Finance Active travaille-t-il ?
Nous intervenons principalement auprès des bailleurs sociaux, toutes typologies confondues : OPH, ESH, Coop d’Hlm, ainsi que de nombreuses Entreprises publiques locales, et notamment les Sem immobilières. En plus de l’habitat social, nous accompagnons tous les acteurs publics et institutionnels, dans tous les domaines, en France comme en Europe. Nous intervenons de deux manières : d’abord à travers la mise à disposition d’une plateforme dédiée à la gestion de la dette et connectée aux marchés financiers, pour un suivi en temps réel de l’évolution des emprunts et de leurs caractéristiques. Et d’autre part, par un accompagnement conseil sur mesure, dans tous les aspects associés à la gestion de la dette : refinancement, réaménagement, gestion de trésorerie, audit, et plus globalement l’apport de solutions financières dans un secteur très réglementé.
Avec un financement unique en Europe…
Oui puisqu’il repose quasi-exclusivement sur la Banque des Territoires, qui reste le principal partenaire du secteur (à peu près 75 % de l’encours total). L’offre repose en grande majorité sur des emprunts sur fonds d’épargne de longues durées indexés sur le Livret A, pouvant aller jusqu’à 60 ans ou plus pour le foncier. Trois principales typologies d’emprunt se distinguent (PLAI, PLUS, et PLS), chacune avec des marges respectives associées. Ces financements présentent des caractéristiques et des modalités d’amortissement propres, qui diffèrent des financements classiques. Ils ouvrent également droit à certaines exonérations, notamment s’agissant de la taxe foncière. Le secteur bancaire classique répond à hauteur de 15 à 20 % du besoin, mais avec une proportion qui devrait croitre sur les années à venir.
Le taux du Livret A ne cesse de croître, ce qui est une bonne nouvelle pour l’épargne des Français, un peu moins pour les caisses des bailleurs sociaux. Expliquez-nous pourquoi ?
En effet, comme expliqué, la très grande majorité des financements à destination des bailleurs sociaux sont indexés sur le Livret A. Le secteur est de ce fait particulièrement sensible aux variations de cet index. Pour rappel, en janvier 2022, le taux du Livret A était de 0,5 % ; en février 2023, il a bondi à 3 %, soit une multiplication par 6. D’autre part, les méthodologies d’amortissement propres aux emprunts de la Banque des Territoires (Intérêts Différés en l’occurrence), initialement paramétrés et pensés pour lisser les échéances en cas de forte variation du Livret A, génèrent d’autres phénomènes préoccupants. La hausse du Livret A est telle que dans la majorité des cas, la charge d’intérêt ne peut être supportée en totalité par l’échéance. L’excédent d’intérêt est ainsi stocké sous forme d’intérêt différé, et l’emprunt n’est pas amorti. L’amortissement ne pourra se faire qu’à extinction complète du stock d’intérêts différés. En fonction des caractéristiques associées, ces périodes sans amortissement peuvent être plus ou moins longues. Toute l’architecture qui avait été mise en place pour lisser les échéances semble atteindre ses limites, d’où l’inquiétude légitime des bailleurs sociaux, dont beaucoup découvrent le phénomène avec sidération.
Votre valeur ajoutée a donc encore plus de sens aujourd’hui. Existe-t-il des solutions pour faire face à cette situation inédite ?
Nous encourageons nos clients à avoir une vision à 180 degrés de leur stock de dettes. Pas mal de paramètres entrent en compte, des notions de révisabilité, de taux de progressivité, qui en fonction peuvent atténuer la charge de la dette. Il est également important de raisonner en contexte de taux de marché anticipé. Ce qui nécessite d’avoir une bonne vision en l’occurrence de ce que le marché anticipe sur le Livret A. Le tout devant permettre à la fois d’identifier les mesures de réaménagement efficaces, mais aussi de calibrer les nouveaux financements. Au final nous devons faire du cas par cas. Certains organismes gèrent très bien leurs annuités, et peuvent supporter une hausse, d’autres sont au ras des pâquerettes. Le secteur du logement social a déjà été secoué avec la RLS (Réduction de loyer de solidarité) en 2018. L’allongement de la dette a déjà largement été utilisé, avec les surcoûts financiers qu’il induit. Les années 2023 et 2024 pourraient être très compliquées pour les bailleurs les plus fragiles. Les regroupements entre organismes (fusions, Sociétés de Coordinations (SAC)…) permettront de réaliser des économies d’échelles, tout en conservant une certaine autonomie de gestion.
Le taux du Livret A va-t-il poursuivre sa hausse ? La Banque des Territoires prépare-t-elle des mesures d’accompagnement ?
La Banque des Territoires est logiquement attendue pour accompagner les bailleurs dans cette période trouble. Des premières mesures ont commencé à émerger, mais nécessitent un peu plus de précisions pour plus de visibilité. Une des pistes pourrait également être l’ouverture à une plus grande diversification dans le financement, notamment le financement obligataire, et les placements privés. S’agissant de l’évolution du Livret A, les anticipations de marché actuelles tablent sur une nouvelle hausse qui pourrait atteindre 4 % au prochain fixing d’août 2023. Il est toutefois à noter que le Livret A étant un indice dérogatoire, son niveau peut être fixé à la hausse ou à la baisse par le gouvernement, indépendamment de sa formule qui est donc anticipée à 4 %. Il devrait diminuer par la suite, toujours selon les anticipations actuelles, à compter d’août 2024, début 2025, pour se stabiliser autour de 2,7 % sur le long terme.
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Cette interview a été réalisée par Stéphane Menu, journaliste et consultant éditorial à la FedEpl.
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