« L’attentisme des investisseurs est le produit de l’incertitude sur les taux d’intérêt, tant qu’on ne sait pas comment offre et demande vont se retrouver », analyse une responsable d’un grand acteur de la banque et de la commercialisation immobilière. Le mouvement arrière des investisseurs institutionnels dans le marché des logements est relevé par tous, ainsi que la levée de crayon des investisseurs tertiaires. L’inflation, les taux, les conditions de financement, se combinent pour provoquer un arrêt de la machine. « Pourtant les liquidités sont là », témoignent un promoteur, une banque et un grand assureur, pris isolément.
Beaucoup d’acteurs de la finance arbitrent en faveur des obligations. « La mise en perspective des arbitrages financiers a pris une importance qu’elle n’avait pas », selon un banquier. Et un grand assureur actif soutien de la promotion de préciser : « Sur les marchés du logement, il n’y a eu aucune transaction d’actifs en janvier et février 2023. Les offres sont revenues en mars de façon plus importantes, mais sans que l’on sache sur quelles valeurs le marché va atterrir. » Les calculateurs des experts ont beau tourner, « on reste dans une période de re-pricing, où l’on a du mal à avoir des références. » Et, lorsque des valeurs sortent, elles concluent souvent à une dépréciation des actifs, avec des rendements qui se maintiennent et une petite marge d’augmentation de loyers.
Projet plantés et chasse aux fonciers
Sur le marché de la vente aux particuliers, on l’a dit et redit, la fermeture du robinet des crédits immobiliers, et le maintien de prix de sortie élevés par les promoteurs ont conduit à une désolvabilisation des ménages. Sur ce, le ministère du Logement minimise la crise en minimisant les besoins : on n’aurait besoin que de 370 000 logements neufs par an, dont 120 000 logements sociaux, est venu dire Olivier Klein au Mipim.
D’où l’impression générale qui ressort à la fin de ce Mipim’2023. A la fois, des professionnels de l’investissement et des promoteurs qui temporisent, à l’extrême, des acteurs plantés avec des projets dont l’équation n’est plus tenable – on a entendu proposer discrètement la reprise d’une belle opération lauréate d’un IMGP -. Et en même temps, certains, parfois les mêmes, préparent l’avenir, en tentant de se placer sur les quelques fonciers mis sur le marché.
L’espoir que « tout peut re-basculer »
« Cela peut re-basculer très vite », veut en effet croire un promoteur, « d’où l’intérêt de développer des projets sur-mesure et adaptables, en se rapprochant des besoins. Il faut, plus que jamais, être au coeur des usages et de leur évolutivité. »
De fait, malgré ce contexte général d’incertitude, les professionnels européens ont été au rendez-vous de Cannes, mais pas autant qu’attendus. Les élus de grandes villes et régions, et notamment françaises, sont venus à la rencontre du marché pour s’expliquer, mais porteurs d’offres limitées. L’intérêt pour les projets des autorités publiques locales a été soutenu mais prudent. L’heure était manifestement à l’attentisme, ce qui n’a pas empêché les échanges, intéressés, avec de l’écoute, mais le contexte politique et de marché a pesé sur cette édition 2023 du Mipim.
Moins d’inscrits, plus de directeurs
Les délégations étaient moins fournies, économies obligent, mais, de plus, de grands acteurs avaient choisi de ne pas occuper de stand : Kaufman & Broad, Icade, Nexity, Quartus, pour ne prendre que ces exemples, avaient choisi des formules plus souples, et pour certains en dehors du Palais des Festivals, sur les plages ou dans les hôtels. La conjoncture a réduit les budgets, et aussi les prix au mètre carré demandés aux exposant étaient un peu plus dissuasifs, confient certains. Le Pavillon Grand Paris, ainsi, a été mutualisé avec des acteurs autrefois installés sur des stands en propre, comme SNCF Immobilier. Economies, donc.
Avec 23 000 inscrits enregistrés à la veille de l’événement, les organisateurs reconnaissaient ne pas être revenus au niveau des 27 000 de 2019. « Mais la qualité est là, disent-ils, avec des délégations « au niveau du board des grandes sociétés », pouvait-on entendre. Et, cette année, le Mipim accueillait le mercredi un « Forum des élus », avec 80 participants qui ont déjeuné sur la plage après des échanges autour de projets urbains.
Les élus des régions fortement mobilisés
Parmi les élus français, ceux de villes dotées de majorités vertes et roses ont été très présents. Montpellier, dont le maire Michaël Delafosse a présenté ses « Folies du 21e siècle » ou débattu avec l’architecte Sou Fujimoto. Et Lyon, dont la marque OnlyLyon a été portée par le président de la Métropole et par le maire de la ville centre, mais aussi par les directeurs de trois des grandes Spl d’aménagement, la Serl, la Spl Confluence et la Spl Part-Dieu. Des collectivités préparent donc, elles aussi, l’avenir. On peut aussi compter le Grand Toulouse, la Métropole de Lille, et même Dijon ou Calais… De fait, confirme un propriétaire foncier comme SNCF Immo, les projets dans les métropoles autres que Grand Paris arrivent à un stade de maturité qui va permettre de les sortir.
En revanche, côté élus, point de Paris. Si la présence du directeur de l’urbanisme de la capitale, et de Sem et Spl, a été très appréciée, aucun des élus de premier rang n’a fait le déplacement, contrairement aux éditions précédentes. La Métropole du Grand Paris, modeste avec ses 8 lauréats sur 27 sites d’IMGP3, ses quatre opérations d’intérêt métropolitain, a été éclipsée par l’échelle régionale. Le Pavillon du Grand Paris était porté cette année par Choose Paris Région, une structure dépendant de la région. De fait, il a été beaucoup question, dès le premier jour, des opportunités d’implantation industrielle que va ménager le prochain schéma directeur, en offrant 50 fonciers dédiés à la réindustrialisation. Pour beaucoup, en grande couronne.
Quelques fonciers en Île-de-France
En Île-de-France, les aménageurs présents avaient peu à offrir en matière foncière. On notera quand même l’annonce par Paris-Saclay du lancement de 1 000 logements en 2023, autour de futures gares du Grand Paris Express dont les premières ouvriront en 2026 – dans trois ans. Et quatre consultations présentées par EpaMarne jeudi matin aux opérateurs.
Les échanges en revanche ont été nombreux. La période d’attentisme est propice à se rencontrer, à réfléchir ensemble, pour définir les conditions des projets de demain sans précipitation, ni la frénésie qu’on a pu connaître ici en d’autres temps. Même si on entend toujours certains se plaindre de la lenteur des choses.
Quant aux thèmes de rencontres, ils ont été variés et d’actualité. Comment proposer des parcours économiques et résidentiels ? comment bâtir bas carbone sur des terrains pollués ? Investir dans la logistique urbaine ? Concilier croissance et transition écologique ? Smart-cities versus low-tech cities, quel modèle pour l’avenir de nos villes ? Comment permettre le changement d’échelle des solutions prometteuses ? Valorisation foncière, valeur sociale et environnementale même combat ?
Finalement, on peut toujours tirer profit d’une période de crise.
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