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Loi Zan, quels impacts et opportunités pour les Epl ?

Publié le 27 juillet 2023

La loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux modifie le cadre de l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols et apporte des outils en ce sens. Le cabinet Adaltys décrypte pour la FedEpl ce texte porté par le sénateur Jean-Baptiste Blanc, également auteur du rapport d’information « Les outils financiers pour soutenir l’atteinte de l’objectif de zéro artificialisation nette ».

(Photo DR)

Guillaume Chaineau, avocat associé au cabinet Adaltys, partenaire conseil de la FedEpl, répond à un certain nombre de questions posées par la FedEpl.

 

Cette loi rebat-elle les cartes du ZAN dans le contexte actuel ?

Cette loi ne compte que 9 articles, mais elle n’en reste pas moins essentielle pour tout acteur de l’aménagement en ce qu’elle est destinée à compléter ou modifier (tout est question de point de vue) un texte majeur du gouvernement adopté il y a moins de 2 ans. Si cette nouvelle est d’importance parce qu’elle touche à l’organisation de notre territoire pour les prochaines décennies, elle l’est également parce qu’elle traduit une évolution de la répartition des rôles respectifs de l’Etat et des collectivités en matière en matière de lutte contre l’artificialisation.
 

Avec ce texte, vers quelle « comptabilisation » et gouvernance du ZAN s’oriente-t-on ?

C’est d’abord le calendrier d’entrée en vigueur des documents climatisés qui se trouve détendu. Les documents régionaux (SRADDET, SDRIF, SAR et PADDUC) doivent désormais entrés en vigueur le 22 novembre 2024, contre le 22 août 2023 aux termes de la loi Climat-résilience, échéance qui avait déjà été reportée au 22 février 2024 sous l’effet de la loi 3DS. 

Les documents d’urbanisme locaux bénéficient de 6 mois supplémentaires par rapport aux échéances initiales : les SCoT doivent intégrer la trajectoire ZAN pour le 22 février 2027, et les PLU(i) et cartes communales pour le 22 février 2028.  

Concernant la gouvernance du ZAN, si cette loi paraît offrir des garanties aux collectivités territoriales, et notamment au bloc communal/intercommunal à travers par exemple la « garantie d’un hectare » ou de nouveaux outils opérationnels(cf. infra), elle consacre dans le même temps des prérogatives nouvelles à l’Etat. La conférence des SCOT est ainsi supprimée au profit, dans chaque région, d’une conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols au sein de laquelle l’Etat sera représenté. Et si les modalités de prise en compte de la consommation foncière résultant de projets de l’Etat sont clarifiées, c’est l’Etat qui arrêtera la liste de ces projets.

 

Quel impact juridique pour l’aménagement et la consommation des espaces ?

Il faut insister sur le fait que cette loi ne modifie pas les objectifs de réduction, à savoir la réduction de moitié du rythme de l’artificialisation sur la décennie 2021-2031, puis l’absence d’artificialisation nette à l’horizon 2050).  Concernant la nomenclature de l’artificialisation des sols, elle n’est d’ailleurs pas modifiée par la loi malgré la tentative du Sénat. Le décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 demeure donc en vigueur, même si les élus locaux semblent avoir obtenu du gouvernement une évolution prochaine du texte. 

Il en résulte dès lors un décalage qu’il faudra parvenir à gérer puisque les documents d’urbanisme devant traduire la réduction de 50 % du rythme de l’artificialisation des sols sur la décennie 2021-2031 pourront donc être approuvés jusqu’au début de l’année 2028. La réalité de la démarche incitative et d’encadrement que doivent porter notamment les PLU(i) pour lutter contre l’artificialisation se trouve donc interrogée, puisque le compteur de la consommation tourne depuis 2021 et qu’il faudra justifier de l’atteinte de l’objectif en 2031.  

NDLR : Le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a mis en consultation, mardi 25 juillet 2023, deux décrets relatifs à la toute récente loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux. Le premier concerne les modalités relatives au contenu des Sraddet, et le second porte sur la composition et le fonctionnement des commissions de conciliation]

 

Le texte comprend la possibilité de préempter les friches par l’extension du périmètre du droit de préemption urbain, pouvez-vous nous expliquer ce mécanisme ?

Une nouvelle possibilité de faire usage du droit de préemption urbaine DPU est effectivement créée par la loi : la commune ou l’EPCI pourra ainsi délimiter, au sein du document d’urbanisme, des « secteurs prioritaire à mobiliser qui présentent un potentiel foncier majeur pour l’atteinte » des objectifs de la loi Climat et résilience. Ce nouveau motif de préemption concerne donc non seulement les espaces propices à la renaturation, mais aussi ceux à privilégier pour pratiquer le recyclage foncier, notamment les friches à réhabiliter mentionnées à l’article L. 111-26 du code de l’urbanisme ou les espaces urbanisés susceptibles d’être densifiés.

 

Le texte institue-t-il d’autres nouveaux outils pour répondre aux enjeux du ZAN ?

D’abord, on mentionnera que les opérations de renaturation d’espaces urbanisés – c’est-à-dire ayant pour effet de rendre des espaces artificialisés à l’état d’ENAF – pourront être comptabilisées dans l’atteinte des objectifs pour la période 2021-2031. Il s’agit d’une évolution notable dès lors que la mise en œuvre du ZAN demeure comptable et qu’elle permet de prendre en compte les efforts passés des collectivités vertueuses. 

Ensuite, pour répondre à une demande forte des élus locaux, la loi pose également une surface plancher pour la consommation d’ENAF pour les communes couvertes par un PLU(i), un document en tenant lieu ou une carte communale prescrit, arrêté ou approuvé avant le 22 août 2026. Pour la première décennie (2021-2031), cette surface minimale est fixée à 1 hectare par commune, sous réserve de mutualisation à l’échelle intercommunale. 

La loi comporte également un dispositif visant à tenir compte des spécificités des communes littorales soumises au recul du trait de côte.

 

Pouvez-vous développer la possibilité de « sursoir à statuer » sur les demandes d’autorisation d’urbanisme ?

L’article 6 de la loi instaure un nouveau mécanisme de sursis à statuer sur les demandes d’autorisation d’urbanisme, destiné à la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et de réduction de la consommation d’ENAF. En l’état, ce sursis vise à permettre à l’autorité compétente (commune ou EPCI) de faire obstacle à une demande d’autorisation d’urbanisme dont la mise en œuvre pourrait compromettre l’atteinte des objectifs de réduction de la consommation d’ENAF pour la décennie 2021-2031. 

Ce sursis à statuer ne pourra en l’état être mobilisé que temporairement, puisqu’il ne pourra être fondé que sur un document d’urbanisme en cours de modification ou d’élaboration pour intégrer la trajectoire ZAN, et s’éteindra une fois le PLU(i) climatisé. La motivation d’une telle décision devra faire l’objet d’une attention particulière, reposant soit sur l’importance de la consommation d’ENAF que le projet implique, soit sur la faiblesse des capacités résiduelles de consommation d’ENAF. Ce sursis à statuer ne pourra cependant pas être mis en œuvre si la réalisation du projet est compensée par la renaturation d’une surface au moins équivalente à l’emprise du projet. 

Les friches, parce qu’elles offrent des perspectives importantes de foncier recyclable, sont particulièrement concernées par ce dispositif, qui vise à permettre de maîtriser l’intérêt accru envers de tels gisements de foncier. 

 

Que sont les grands projets d’intérêts nationaux  et comment vont-ils être décomptés ?

La loi prévoit que la consommation des sols résultant de certains projets d’intérêt d’ampleur nationale ou européenne – à la condition qu’ils soient identifiés par arrêté ministériel et qu’ils présentent un intérêt général majeur – n’est pas prise en compte pour le calcul des objectifs dans les documents régionaux et les documents d’urbanisme, mais fait l’objet d’une comptabilité distincte au niveau national. Il peut s’agir de travaux ou opérations faisant l’objet d’une DUP, de travaux ou opérations de construction de lignes ferroviaires à grande vitesse ou encore d’opérations d’aménagement réalisées par l’Etat ou, pour compte, par l’un de ses établissements public ou le cas échéant par un concessionnaire, dans le périmètre d’une OIN. 

Pour ces projets, la loi a prévu un forfait national de 12 500 hectares pour l’ensemble du territoire, dont 10 000 hectares sont mutualisés entre les régions couvertes par un SRADDET en fonction d’un arrêté ministériel à intervenir. 

Cette évolution législative répond à une aspiration forte des élus locaux qui, depuis déjà longtemps, était confrontée à cette difficulté lorsque leur territoire était destiné à accueillir un équipement national majeur (p. ex. le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes). 

En l’état, cette règle ne vaut que pour la décennie 2021-2031. 

Par Léopold SANCHEZ-VILLAESCUSA
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