Le nouveau ministre n’hésite pas à évoquer la nécessaire construction neuve de logements, quoique pas partout – la décision devant dépendre des réalités locales, et des acteurs locaux. Assumer le besoin de la construction neuve, ce n’était pas arrivé depuis longtemps du côté des pouvoirs publics, et du gouvernement en particulier, faisait remarquer à Cadre de Ville un grand acteur du logement français neuf, après le speed dating de l’immobilier et du logement organisé par Crédit Mutuel Arkéa le 13 septembre, et qu’a introduit Patrice Vergriete, en évoquant cette question de la production neuve. Il l’avait aussi clairement défini fin août, lors des entretiens de Bunus.
La production du logement dans ses différentes gammes est nécessaire, là où il y en a besoin, défend le ministre, pour qui « il n’y a pas forcément besoin de production de logement partout en France. Mais le logement social, le logement abordable, l’accession à la propriété, cela suppose de produire. » Le ministre renvoie cette responsabilité aux acteurs locaux, publics, sociaux et privés, avec l’intention de leur donner des outils supplémentaires. Ce qui n’empêche pas d’interpeller. Ainsi, le ministre souhaiterait qu’une réflexion soir menée par les bailleurs sociaux sur la mobilité interne au parc HLM, notamment pour permettre l’accès des jeunes au parc social…
Dans cette logique, Patrice Vergriete a réuni le 19 septembre préfets de régions et préfets de départements pour les mobiliser en faveur de « la production de nouveaux logements ».
« La production de logements connaît d’importantes difficultés »
Le ministère commentait en termes pudiques cette journée : « Alors que la production de logements connaît d’importantes difficultés, le ministre délégué au Logement, Patrice Vergriete, a souhaité réunir les préfets de région et de département pour qu’ils appuient les projets de logements et les collectivités qui s’engagent dans la production de nouveaux logements. »
Le ministre a également appelé à une mobilisation très forte en faveur du logement social, rappelant que près de 100 M€ de subventions restaient disponibles, et pouvaient être déployés sur les zones où il y a le plus de besoins.
Patrice Vergriete défend en particulier l’article 55 de la loi SRU du 13 décembre 2000, dont il a été un des rédacteurs au cabinet de Claude Bartolone ministre de la Ville. Pour le ministre, l’accueil des publics fragiles ne peut pas faire l’objet d’un marchandage entre élus locaux. Chacun doit y prendre sa part. « Il y aura plus d’outils et plus de moyens, promet-il, mais c’est un donnant-donnant. Chacun doit contribuer à l’accueil des plus fragiles. »
Accélérer la signature de 400 contrats de mixité sociale
Patrice Vergriete a de fait rappelé aux préfets l’importance de développer une offre de logements sociaux sur les communes concernées par la loi SRU. Il a en particulier demandé aux préfets d’accélérer la signature des 400 contrats de mixité sociale en projet, créés par le Gouvernement en 2022 et qui doivent permettre de lister et planifier les opérations de logements sociaux.
Enfin, Patrice Vergriete insiste sur la mise en œuvre du second plan Logement d’Abord, annoncé en juin 2023. Ce nouveau plan doit permettre d’accélérer l’accès au logement des personnes sans domicile. Le ministre insiste sur la création de places de pensions de famille comme priorité du Gouvernement pour maintenir la dynamique développée entre 2017 et 2022, avec près de 8 000 logements créés dans ces structures plébiscitées par les élus locaux.
Organiser la décentralisation de la politique du logement
Maire confronté à la difficulté de construire du logement, il avait été amené, en accord avec le préfet du Pas-de-Calais, à lui signaler les blocages quand ils survenaient. « J’envoyais un SMS tous les trois jours », raconte-t-il aujourd’hui en forme d’anecdote… Sans doute une bonne raison pour faire passer des messages aux préfets.
Patrice Vergriete a des convictions. Il a commencé à les exprimer – notamment au Pays Basque fin août, et passe à l’acte. Il prend notamment son poste, rappelle-t-il, pour organiser la décentralisation de la politique du logement, et la confier aux élus locaux, avec les outils de régulation locale qui l’accompagneront. « En tant que maire, je n’ai cessé d’évoquer la politique nationale du logement, pour dire qu’il était urgent de la décentraliser. Je ne vois pas pourquoi j’aurais changé en un mois. »
« Une crise du désenchantement »
« Je vois le contraste entre ce qu’est le logement pour nos concitoyens, un enjeu de vie, un droit encore plus important pour les jeunes, et l’état de désenchantement des acteurs. » Pour le ministre la crise que traverse le monde du logement est plus profonde qu’une crise économique. « C’est peut-être une crise de désenchantement », glisse-t-il.
Le ministre veut de la cohérence. Il ne croit pas aux « recettes magiques, » l’a-t-on entendu dire plusieurs fois. « Cela a été fait dans le passé : crise de 2008, on invente le Sellier… Mais peut-être toutes les recettes magiques ont-elles été les causes de la situation actuelle. Car si le prix du logement a décroché de l’évolution du pouvoir d’achat des populations, c’est peut-être parce qu’à des moments cruciaux on a cru en une recette magique, à une relance artificielle, sans vouloir regarder le fond de la question. »
Se poser de nouvelles questions
De fait, il est établi aujourd’hui que la progression des prix du logement depuis trente ans est directement corrélée à la facilité du crédit, et non pas à la courbe de l’évolution des revenus des Français. L’Insee le rappelait en ce début septembre : pour retrouver le pouvoir d’achat des Français, les prix du logement neuf devraient baisser de 27% ! Ce que confirment des promoteurs : « Si on baisse les prix de 30%, on vend. » Cette montée artificielle des prix, dont ont profité tant les promoteurs que les vendeurs de foncier, comment en sortir ?
« La production de logements doit se poser de nouvelles questions », estime Patrice Vergriete, qui pense pouvoir « remobiliser les acteurs de terrain », chez qui il ressent « une énergie », « une envie de faire ». « Les collectivités locales ont envie de s’investir sur la politique du logement », affirme-t-il avec force, tout en reconnaissant que « oui il y a des maires malthusiens »… Mais je connais peu d’agglomérations qui le sont, et j’en connais beaucoup qui ont envie de répondre aux enjeux de logement pour leurs concitoyens. Il y a une envie d’agir de certains bailleurs sociaux, des associations, des acteurs privés. Mais on ne s’est pas assez posé de questions depuis des années, sous le coup des mesures magiques. »
Maintenant, il faut donner de moyens aux acteurs de terrain, défend le ministre qui précise que ces moyens ne sont pas seulement financiers.
Des moyens supplémentaires pour réguler le foncier
La question centrale c’est la question du foncier, pour le ministre. Il faut donner demain beaucoup plus de moyens aux collectivités pour renforcer leur intervention foncière. Et d’évoquer le renforcement du droit de préemption urbain, une possibilité d’encadrer les prix, le renforcement des EPF… L’heure n’est pas encore au choix des meilleures solutions, mais « il faut donner plus d’outils sur le foncier » ! Sur les meublés touristiques, pouvoir aller plus loin que la seule obligation de compensation, cependant que, sur le plan fiscal, « ça prendra un peu de temps ». Le ministre pense tout juste pouvoir « engager » ce chantier. « Il faut donner le plus vite possible aux collectivités des moyens de régulation publique qui ne soient pas seulement la compensation ».
« Le foncier n’est pas tout à fait dans l’économie de marché, parce qu’il n’est pas extensible. La terre est unique. Donc le foncier se régule par la puissance publique, et c’est aux agglomérations de le faire. Il faut leur en donner le pouvoir. » Le ministre annonce être « en train de travailler » pour donner des outils de régulation beaucoup plus forts sur la question des meublés touristiques. »
Accepter la différenciation
Alors, aller vers une décentralisation véritable ? « Oui », répond Patrice Vergriete. « Je m’appuie sur une volonté du président de la République. Nous allons la mettre en œuvre. Je fais des propositions en la matière. » Il y aura forcément une loi, mais peu importent les moyens dit-il. Le ministère, déjà, va donner un feu vert à la possibilité d’encadrer les loyers par les agglomérations.
« A titre personnel j’ai envie de donner aux autorités organisatrices de l’habitat, les AOH, le maximum d’outils de régulation, qu’elles les utilisent ou pas. Ce n’est pas aujourd’hui la position du gouvernement, mais je me battrai pour cela. »
« Si on veut une politique du logement juste socialement, mais aussi au sens d’adaptée au territoire, il faudra assumer qu’elle ne soit pas la même au Pays Basque ou à Strasbourg, ou dans la Creuse. » Patrice Vergriete entend pousser ce principe « le plus loin possible ».
L’Etat garant des principes
L’Etat là-dedans ? Il doit être garant d’abord de ce que le nouveau ministre appelle « le cadre d’intervention national ». Autrement dit, la définition des outils de régulation mis à disposition des élus locaux. Le choix de les utiliser relève des collectivités locales, mais leur élaboration, c’est l’Etat.
L’Etat doit aussi rester garant du système socio-économique du logement, à commencer par le Livret A, les prêts sur fonds d’épargne, l’ensemble des aides qui font ce modèle. Troisièmement, l’accueil des plus fragiles, par le Dalo, par le logement social, par le plan Logement d’abord, n’est pour lui pas négociable. La réunion nationale des préfets est là pour le rappeler.
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