Après cinq premières années d’existence, la Banque de Territoires renforce encore sa capacité d’intervention financière de terrain, et la structure autour de neufs enjeux territoriaux et 16 « mesures stratégiques », qui devraient donner une lisibilité supplémentaire à son action, en mobilisant des enveloppes financières pour une part déjà connues, mais désormais augmentées, et, surtout, mises en oeuvre selon une démarche de recherche renforcée de partenariats, et des modalités nouvelles.
La Banque des Territoires était présente aux derniers Entretiens du Cadre de Ville pour annoncer la montée en puissance de son accompagnement des expériences territoriales. Une annonce favorablement reçue par les acteurs de terrain, élus, Sem ou SPL notamment. « Le foncier sera une de nos priorités pour les années qui viennent », avait expliqué Michel-François Delannoy, directeur à la banque de l’appui aux territoires « dans le cadre du nouveau plan stratégique de la banque, pour contribuer, à notre place, à la mobilisation active de la ressource foncière au service de l’aménagement, du développement, mais aussi de l’intérêt général ».
Transformation des positionnements traditionnels
La Banque des Territoires oriente donc de façon plus visible et plus forte sa stratégie vers la transformation écologique et la cohésion sociale et territoriale vers le terrain. Elle soutient les initiatives qui vont dans ce sens, « au service de territoires durement touchés par de multiples crises (guerre en Ukraine, conséquences de la crise sanitaire, crise climatique…), et qui voient leurs secteurs économiques bouleversés par la transition numérique ».
Ces enjeux transforment les positionnements traditionnels de la Banque des Territoires dans l’immobilier ou les infrastructures (la plateforme Alentour dans le domaine du tourisme est, à cet égard, un bon exemple), le tout sur fond d’adaptation au changement climatique et à une transformation écologique, qui, estime Olivier Sichel, son directeur général, vont exiger une résilience inconnue jusque-là, pour œuvrer « à des territoires plus verts et plus solidaires ». De ce point de vue, la banque annonce que la moitié des 16 mesures qui structureront son plan stratégique seront dédiées à favoriser « des territoires plus verts ». L’autre moitié des mesures visera l’objectif de « territoires plus solidaires ».
Seize mesures pensées avec les directions territoriales
Pour son nouveau cycle stratégique, la Banque des Territoires s’approprie la raison d’être du groupe Caisse des Dépôts « en miroir » des grandes orientations stratégiques validées cet été, et la décline en une « nouvelle promesse ». La conviction affirmée par Olivier Sichel est que la transformation écologique et la cohésion sociale et territoriale « sont les deux faces d’un seul et même défi ». C’est pourquoi, la Banque donne une dimension nouvelle à sa mission historique, « au service de tous ses clients, et avec l’appui de l’ensemble de ses partenaires ».
Seize mesures stratégiques chiffrées
1 – 900 M€ pour accompagner le développement territorial dans la trajectoire de la sobriété foncière
2 – 1,8 Md€ pour contribuer à préserver la ressource en eau, en quantité et en qualité : 1 600 projets d’eau et assainissement financés
3 – 56,5 Md€ pour créer du logement social et abordable : 787 000 personnes logées grâce aux 351 000 logements sociaux et intermédiaires financés ou acquis
4 – 2,1 Md€ pour dynamiser l’activité économique des territoires en développant les compétences et un immobilier tertiaire plus écologique
5 – 900 M€ pour réindustrialiser les territoires et maîtriser les impacts environnementaux de l’industrie : 270 projets industriels soutenus par la Banque des Territoires
6 – 3,3 Md€ pour soutenir l’habitat des personnes âgées ou en perte d’autonomie sous toutes ses formes (hébergement, logement, services) : 53 100 places dans 850 établissements pour personnes âgées, financés construits ou acquis (RSS, Ehpad, Ehpa)
7 – 180 M€ pour accompagner la transition alimentaire des territoires : plus de 200 projets territoriaux accompagnés sur les enjeux de transition alimentaire
8 – 350 M€ pour accompagner des projets locaux de prévention, de collecte, réemploi et de valorisation des déchets : objectif 490 000 tonnes de déchets valorisés
9 – 1,2 Md€ pour accompagner l’adaptation des territoires aux effets du changement climatique
10 – 16,8 Md€ pour accélérer la réhabilitation du parc public : 295 000 logements sociaux rénovés thermiquement ; 10 000 projets de rénovation de bâtiments scolaires accompagnés dans EduRénov ; 4,4 millions m² de bâtiments publics rénovés thermiquement
11 – 1,5 Md€ pour accompagner la mise en place du nouveau mix énergétique décarboné : objectif 6 630 MW de puissance nouvelle d’énergie renouvelable ; 181 mâts d’éoliennes dont le démantèlement est garanti à la Caisse des Dépôts
12 – 1,3 Md€ pour accélérer le basculement vers une mobilité décarbonée : 14 450 bornes IRVE (infrastructure de recharge de véhicule électrique) financées ; 37 000 places dans des véhicules propres financés
13 – 240 M€ pour favoriser l’accès aux services publics pour tous les Français grâce aux France services et à l’inclusion numérique : 1 000 espaces France services accélérés
14 – Lutter contre les déserts médicaux
15 – 3,8 Md€ pour favoriser l’accès au droit et à la justice grâce à la digitalisation : 2 500 projets d’entreprise des professions juridiques accompagnés
16 – 400 M€ pour accompagner les acteurs territoriaux à piloter leurs politiques publiques par une gestion durable et souveraine de la donnée : 5 000 collectivités accompagnées sur les sujets Données
Sur quelles grandes dynamiques territoriales ce « nouveau cycle stratégique » de la Banque des Territoires la conduit-il aujourd’hui à intervenir, et pourquoi ?
Les nouvelles 16 mesures phares de la Banque des Territoires pour la prochaine période à l’horizon 2028 ont été pensées collectivement par les directions de la banque, nous explique-t-on. La banque revendique ainsi « plus que jamais » le « faire ensemble », en développant des partenariats stratégiques sur et pour les territoires. Ce qui passe notamment par des actions spécifiques en soutien des entreprises publiques locales. La méthode mise en oeuvre par la Banque des Territoires veut accompagner tous les territoires selon leurs enjeux de développement propres, et adapte son action en fonction de leurs spécificités.
Au plus près des territoires : villes moyennes, petites villes rurales, quartiers prioritaires de la politique de la ville, réindustrialisation, montagne, littoral
Les neufs enjeux territoriaux prioritaires de la stratégie à l’horizon 2028, ce sont la redynamisation des centralités des villes moyennes, la redynamisation / confortation des petites villes rurales dans leurs fonctions de centralité au sein d’un bassin rural, la remise en capacité de développement et l’adaptation au changement climatique des quartiers prioritaires de la politique de la ville, la réindustrialisation des territoires, l’adaptation au changement climatique des territoires de montagne, la cohésion territoriale des territoires ruraux, l’adaptation au changement climatique des littoraux, l’adaptation au changement climatique et la remise en capacité de développement des outre-mer, et enfin, l’adaptation au changement climatique et l’amélioration du cadre de vie dans les métropoles.
Une place majeure pour le développement économique des territoires
Parmi les neuf enjeux territoriaux du plan de la banque, celui de l’aménagement lié au développement économique occupe une place particulière. La banque veut permettre à chacun, en tout point du territoire, d’avoir accès à des opportunités économiques sur des territoires qui se développent de manière équilibrée. Sur ce champ d’intervention, la Banque des Territoires se positionne sur la stimulation des capacités d’accueil de l’activité économique, à travers l’aménagement urbain et économique, mais aussi la construction et la réhabilitation des lieux d’accueil de cette activité.
Stratégiquement, la Banque des Territoires oriente son action plus spécifiquement en faveur de la redynamisation urbaine et commerciale, la réindustrialisation, l’optimisation des circuits de distribution et de la transition économique et sociale des territoires.
« Accompagner les trajectoires de sobriété foncière »
La stratégie à horizon 2028 met ainsi l’accent sur deux mesures phares : « renforcer l’attractivité économique des territoires par le développement des compétences, et d’actifs immobiliers plus écologiques », et « réindustrialiser les territoires en maîtrisant les impacts environnementaux ».
En outre, l’action dans ce champ contribue fortement à la mesure phare baptisée « Accompagner le développement territorial dans la trajectoire de la sobriété foncière », qui rentre dans le champ d’intervention sur l’environnement, la biodiversité et l’adaptation au changement climatique. Des dispositifs d’intervention et des aides spécifiques viennent en appui de chacune de 16 mesures phares de la Banque.
L’un des vecteurs d’intervention de la Banque dans les territoires passera par l’économie mixte et les entreprises publiques locales. Par exemple, sur la question de la réindustrialisation et du développement économique, dans laquelle on retrouve les enjeux de sobriété foncière, il est clair pour la banque que les EPL d’aménagement, en parallèle et en partenariat avec les EPF et EPFL, « s’engagent et vont le faire de plus en plus, dans la maîtrise foncière amont des projets ».
De nouvelles modalités d’action
Les modalités d’action de la banque vont évoluer pour répondre à cette nouvelle ambition, et même « le retour sur investissement ». « Nous intervenons sur des moyens d’ingénierie, d’aide à la décision, par exemple des outils de datas, avait expliqué Michel-François Delannoy lors des Entretiens du Cadre de Ville le 17 octobre. Nous sommes aussi en négociation avec Bercy pour pouvoir dédier des outils de prêts mais aussi de l’investissement à l’accompagnement de la maîtrise foncière de long terme, voire de très long terme, par exemple pour renaturer des espaces. Nous pourrons accompagner des acteurs publics, mais aussi des sociétés de projet qui vont pouvoir hybrider les ressources publique et privée, via des Sem ou des filiales dédiées au portage foncier, certaines avec des établissements publics fonciers. »
« Nous allons les accompagner dans cette maîtrise foncière, également dans d’autres enjeux comme celui des centralités urbaines, le nouveau volet d’Action Cœur de Ville 2, les centralités autour gares, l’évolution des zones commerciales », explique-t-on à la banque. Trois des mesures phares de la stratégie 2028 se combinent ainsi dans un appui spécifique aux EPL.
L’axe de la mesure « aménagement et développement économique » comprend aussi bien la redynamisation des zones d’activités et commerciales existantes que la réindustrialisation des territoires en maîtrisant les impacts environnementaux de l’industrie. Et il s’inscrit aussi dans la mesure d’accompagnement du développement territorial dans la trajectoire de sobriété foncière.
Le puissant effet de levier de l’économie mixte et des entreprises publiques locales
Si on fait le lien avec l’économie mixte, on voit par exemple combien les entreprises publiques locales sont impliquées dans la réindustrialisation des territoires. Le webinaire que la Banque des Territoires a organisé avec Cadre de Ville le 21 septembre dernier montre l’efficacité de l’outil EPL dans cet objectif. Et pas seulement : les EPL d’aménagement sont à la pointe des projets ZAN et sobriété foncière.
L’économie mixte est une vraie solution pour les collectivités locales, estime la Banque des Territoires, qui a vocation de ce fait à accompagner les EPL. Ce sont des collectivités locales qui interviennent à travers elles, « intervenants de confiance » dans le portage des projets locaux. La Banque des Territoires les accompagne dans une action de long terme, « dans un alignement d’intérêts partagés avec les les collectivités locales ».
Elles représentent à ce titre un levier de prise d’initiative dans des territoires moins centraux. L’économie mixte permet la pluralité des territoires.
Des outils locaux en plein renouvellement
Les EPL sont des outils en plein renouvellement : on en compte plus 20% en dix ans. Parmi elles, les foncières de redynamisation. On arrive à 80 foncières de ce type, outils polyvalents avec les Sem/SAS patrimoniales. La banque y est déjà présente et et annonce vouloir accompagner maintenant les EPL d’énergie renouvelable qui se multiplient, pour diversifier le parc énergétique des territoires.
« L’intérêt des EPL n’est pas que nous leur apportions une réponse simple avec un produit unique », explique-t-on à la banque, ne serait-ce que pour tenir compte de la différence entre SPL, qui interviennent toujours dans le cadre d’un contrat de commande publique, et les Sem qui ont aussi la capacité à porter des opérations en propre, comme c’est le cas notamment des Sem patrimoniales et des Sem EnR.
Une hybridation public-privé
Du côté du banquier public, on est convaincu que va monter la nécessité pour ces outils EPL variés de pouvoir mener des opérations en propre, tout en restant dans la droite ligne de la volonté politique locale – y compris en travaillant pour le privé. Depuis début 2023, les équipes de la banque peuvent mobiliser les prêts sur fonds d’épargne pour le portage d’opérations en propre.
« Cette pluralité d’interventions et de configurations fait le succès de l’économie mixte, et c’est pourquoi nous y croyons ». Les EPL s’avèrent être le client le plus transversal de la Banque des Territoires, qui concerne tous ses métiers traditionnels. La création de filiales d’EPL irrigue aussi la manière d’intervenir dans les territoires – la banque accompagne aussi ce mouvement de filialisation.
Pour mesurer la montée en puissance des interventions de la Banque des Territoires dans l’économie mixte, deux chiffres sont parlants : la Caisse des Dépôts mobilisait en 2017 dans l’économie mixte entre 20 et 25 millions d’euros par an. A fin 2022, la Banque des Territoires avait investi 700 millions d’euros sur 5 ans. Le niveau d’engagement est incomparable, en tenant compte de la démultiplication des projets engagés. La banque met parfois des « petits tickets » dans les projets, mais le ticket moyen a quasi doublé, selon les équipes. Cela veut dire que les EPL portent beaucoup d’investissements.
S’appuyer sur ses métiers bancaires
Dans ce mouvement, la banque a su assouplir ses critères d’investissement, notamment pour accompagner les foncières de redynamisation des centres-villes, en s’appuyant sur ses métiers bancaires : aide à la trésorerie et prêts court et moyen terme jusqu’à 20 ans, activité de consignation qui concerne beaucoup les EPL d’aménagement, et puis tout ce qui est prêts sur fonds d’épargne notamment Gaïa pour l’aménagement et le logement.
Ont joué aussi dans cette montée en puissance toutes les nouvelles compétences acquises par les collectivités locales – notamment les sujets de santé. La lutte contre les déserts médicaux fait partie des mesures phares de la Caisse des Dépôts, qui va embarquer dans cette action les EPL d’aménagement, les SAIEM, les Sem et SAS pat, et les foncières de redynamisation pour du service et du développement économique en plus de l’offre de santé proprement dite.
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