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Anne-Claire Mialot : « la baisse générale de production de logements handicape nos projets »

Publié le 15 décembre 2023

Trois projets de quartiers résilients sont déjà validés. La directrice générale de l’Anru, présente à Nancy fin novembre pour les journées régionales Grand Est, met en avant un bilan chiffré spectaculaire en termes de quartiers accompagnés, et de logements construits ou réhabilités depuis 20 ans, date de création de l’agence. Une agence qui s’est étoffée, et restructurée en 2022 en se dotant d’une direction de la stratégie et de l’accompagnement des acteurs, forte de cinq pôles d’expertise et notamment le pôle aménagement, diversification de l’habitat, quartiers anciens, reconstitution de l’offre et transition écologique. Anne-Claire Mialot s’inquiète cependant des difficultés rencontrées lorsque certaines opérations nécessitent des destructions d’immeubles et donc des relogements d’habitants, rendus compliqués par la dureté foncière, et la baisse de production de logements.

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Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.
L’Anru a fêté ses vingt ans d’existence. Quel bilan peut-on en tirer ?

En quelques chiffres, l’Anru a permis d’agir dans 700 quartiers populaires, au bénéfice de plus de 3 millions d’habitants. Depuis 2004, ce sont 230 000 logements construits, 415 000 logements réhabilités ou encore 2 500 équipements publics construits ou restructurés. Au-delà de ce chiffre, l’agence, c’est une méthode, profondément partenariale, qui permet d’accompagner financièrement et techniquement les projets portés par les élus locaux, à destination des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Depuis 20 ans, à l’Anru, dans les collectivités territoriales, les services de l’Etat, chez les bailleurs, s’est construite une réelle expertise en matière de renouvellement urbain.

Où en est-on de la mise en œuvre du NPNRU ?

Aujourd’hui, les 12 milliards du NPNRU ont été alloués à des projets portés par les élus locaux. Par ailleurs, la mise en œuvre opérationnelle du programme accélère. En octobre dernier, 1 394 opérations ont été déclaré livrées (+122 depuis mai 2023) soit près de 9 000 logements construits et 16 000 réhabilités. C’est aussi près de 150 équipements publics construits ou restructurés. Cette accélération répond à l’attente forte des habitants qui souhaitent voir leur quartier changer, et vite. Nous devons la poursuivre pour faire du NPNRU une réalité concrète pour les habitants

Quelles sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du programme ?

Dans les projets de renouvellement urbain, nous sommes amenés à détruire certains logements ou à les réhabiliter lourdement, ce qui implique de reloger celles et ceux qui y vivent. Pour cela, il faut des logements disponibles, notamment sociaux. La baisse générale de production de logements est donc une difficulté à surmonter dans nos projets. Nos projets sont aussi percutés par l’augmentation des coûts de construction et les difficultés, parfois, à trouver du foncier pour des constructions neuves. Ces difficultés sont réelles et nous trouvons, avec les élus locaux, des solutions pour les dépasser et faire avancer les projets.

Quid des relogements ? Comment y faire face ?

Le relogement est central dans les projets de renouvellement urbain, et il s’agit, par nature, d’une affaire complexe car profondément humaine. Quitter son logement n’est pas anodin, même si celui-ci est insalubre. C’est parfois là qu’on a vu grandir ses enfants. Il y a une dimension émotionnelle et personnelle très forte qu’il faut respecter et accompagner.
Lorsqu’on a affaire à une question humaine, il faut une réponse humaine. C’est le sens de MOUS (maîtrise d’œuvre urbaine et sociale) financées par l’ANRU : accompagner les personnes relogées pour mieux comprendre leurs besoins et s’assurer que le relogement symbolise, pour eux, une amélioration de leur cadre de vie. C’est aussi tout le travail réalisé sur le parcours résidentiel afin de permettre, à l’occasion d’un projet de renouvellement urbain, à des habitants de pouvoir changer de typologies de logement, par exemple en bénéficiant de l’accession sociale à la propriété.

Se pose aussi le problème de l’acceptabilité sociale par les habitants des autres quartiers ?

La question est-elle posée lorsqu’on rénove un centre-ville ou qu’on aménage une zone pavillonnaire ? Pourquoi, seuls les habitants de quartiers devraient justifier la pertinence des investissements réalisés ?
Nous intervenons dans des quartiers qui sont, par construction statistique, les plus pauvres de notre pays. En plus de ces difficultés économiques et sociales, se cumulent des dysfonctionnements urbains ainsi qu’une plus grande exposition aux impacts du changement climatique. Que se passerait-il si nous n’intervenions pas dans ces quartiers ?
Finalement, la meilleure réponse à votre question, c’est un extrait du discours du président Jacques Chirac prononcé le 14 octobre 2002 à Troyes : « La République ne peut pas accepter de voir des quartiers entiers s’enfoncer dans la violence, le non-droit et le désespoir. La République ne serait plus elle-même si elle acceptait que, sur son territoire, un nombre grandissant de ses habitants soient abandonnés à eux-mêmes (…). Ce problème n’est pas seulement celui des habitants des quartiers difficiles. C’est celui de la Nation tout entière. »

Toujours est-il que le foncier manque pour reconstituer l’offre ? Comment y faites-vous face ?

La disponibilité du foncier, l’augmentation des coûts de construction, la baisse de la construction de logements sociaux, tous ces éléments participent des difficultés dans la mise en œuvre de projets de renouvellement urbain. Nous veillons à trouver des solutions, au cas par cas, avec les collectivités territoriales et les bailleurs. Le NPNRU, ce sont 450 projets singuliers dans des territoires très différents. Les enjeux ne sont pas les mêmes en région parisienne ou à Vierzon ou Nevers.

Où en est-on de la démarche des quartiers résilients (24 nouveaux quartiers désignés après les 25 premiers d’avril 2023) ? Quelles réalisations concrètes ?

Nous sommes en train de travailler avec les porteurs de projets pour les affiner. Pour l’instant, 3 projets ont été validés par le comité d’engagement à Allonnes, Rouen et Nantes. Il s’agira d’améliorer la performance énergétique de réhabilitation des logements, de créer un centre de santé, une crèche, de raccorder des logements à un réseau de chaleur alimenté en biomasse, ou encore de créer de nouveaux ilots de fraîcheur. Cette démarche « Quartiers résilients » permet d’offrir aux porteurs de projets un guichet unique afin d’améliorer la résilience de leur quartier et de ceux qui y vivent. En lien avec l’Ademe, la Banque des territoires, le SGPI, le Cerema, les agences de l’eau, les ARS et de nombreux autres partenaires.

En déplacement à Marseille du 26 au 28 juin 2023, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé le lancement d’un concours international auprès de jeunes concepteurs pour renaturer dix quartiers prioritaires de la politique de la ville en France métropolitaine et dans l’outre-mer. Comment l’Anru est-elle associée à la démarche ?

Les habitants de nos quartiers ont droit au beau. Le mois dernier, Christine Leconte, présidente du CNOA nous a fait l’honneur de préfacer un carnet présentant 20 réalisations remarquables mises en œuvre dans le cadre des programmes de renouvellement urbain, qu’il s’agisse de bâtiments mais aussi d’aménagements publics, de renaturation.

De la réhabilitation des tours nuages à Nanterre [par l’agence RVA], à la bibliothèque de Vaulx-en-Velin [Rudy Ricciotti], en passant par l’écoquartier de Noés à Val-de-Reuil [Philippe Madec], nous mesurons la valeur du patrimoine architectural et naturel de nos quartiers et ne pouvons que soutenir une démarche qui vise à mobiliser les professionnels au service de l’amélioration du cadre de vie des habitants des quartiers. L’Anru est ainsi associée à la démarche annoncée par le président de la République, même si les QPV retenus ne seront pas forcément dans le périmètre du NPNRU. Nous n’avons cependant pas pour l’heure de date précise concernant le lancement de ce concours.

Vous étiez à Nancy pour des journées Grand Est Bourgogne France-Comté après un déplacement en Guyane à Cayenne. Comment l’Anru intervient-elle en Outre-mer, notamment pour traiter l’habitat informel et redynamiser les centres anciens ? Quelles difficultés ? 

Dans les Outre-mer, l’Anru intervient dans 16 communes pour 34 quartiers prioritaires. Son intervention concerne des ensembles d’habitat social (Guadeloupe, 5 des sites de La Réunion), des quartiers anciens de centre-ville (St-Laurent du Maroni, Cayenne, Fort-de-France), un quartier en développement (Saint-Pierre de la Réunion) et de l’habitat informel (les 3 sites de Mayotte, Cayenne, Matoury et dans une moindre mesure St-Laurent du Maroni, Fort-de-France, Les Abymes).

La mobilisation de l’ANRU dans ces quartiers se traduit donc par un engagement financier plus important qu’en métropole (4,75% du budget du NPNRU en subvention alors qu’ils représentent 3% des 453 sites) et un accompagnement renforcé en ingénierie 43 ETP financés chez les porteurs de projet pour 14 projets (en moyenne 2 postes/projet en métropole).

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Par Cadre de Ville
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