Le 105e Congrès des maires de France était l’occasion de renouveler les instances de l’AMF, après l’élection, en 2021, de David Lisnard, avec une année de décalage due au Covid. Le maire de Cannes avait été choisi face au maire de Sceaux, Philippe Laurent, dans un scrutin qui avait occasionné une participation record de 30%. Cette année, et bien qu’il n’y eût que le seul candidat à sa succession, 25,5% des 34 325 maires appelés à voter se sont exprimés… pour élire ou réélire à 100% le président, son bureau, et son comité directeur.
Convoqué du 21 au 23 novembre sur le thème « Communes attaquées, République menacée », le congrès interroge notamment la question des finances locales. Des finances notamment pénalisées par l’actuelle crise immobilière, qui voit chuter les recettes des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) « de 6% au niveau national en 2023, et de 15% pour la part communale à fin septembre », selon l’AMF. « Les communes vont-elles devoir réduire leur offre de services à la population », interroge l’un des débats du congrès. Dans le domaine de l’urbain, on pourrait s’interroger aussi sur la capacité du bloc communal à soutenir, par l’investissement public une filière de l’aménagement et de l’immobilier en panne de financements privés.
Un bon niveau d’épargne et un investissement maintenu
L’AMF elle-même, ainsi que la Banque Postale, ont livré deux études comme deux points de repère pour mener les débats, et entendre les annonces du gouvernement, prévues jeudi 23.
L’AMF a tiré avant le congrès la sonnette d’alarme sur une « croissance en 2023 des dépenses de fonctionnement de plus de 5%, » plus rapide que celle des recettes, dont la principale cause tient dans l’inflation, cependant que le produit des impôts locaux devrait avoir décru entre 2022 et 2023. La suppression de la taxe d’habitation, puis celle de la CVAE, marquent les budgets (-7 milliards selon l’AMF).
Et pourtant. Même si, pour l’AMF, « en 2023, l’épargne augmente mais la faiblesse de l’investissement perdure » avec un +5% sur un an en euros constants, à lire l’étude de la Banque Postale, le niveau des investissements du bloc communal, s’il « stagne », reste élevé, et relativement égal en euros par habitant sur tout le territoire, sauf dans les métropoles et les zones rurales…
C’est en effet ce que met en évidence le travail fin livré par la Banque Postale avec l’AMF sur l’année 2022. Les comptes ont a été passés au crible, et interrogées les dépenses des communes, ainsi que leurs grands équilibres comptables, selon 7 strates démographiques.
Bloc communal : des investissements pour 33,4 milliards d’euros en 2023
En cette année 2022 marquée par le choc de l’inflation, le niveau des dépenses de tous ordres, fonctionnement et investissement confondus, en euros par habitant (hors remboursements de dette), augmente avec la taille de la commune (de 1 078 euros par habitant pour les communes entre 500 à 2 000 habitants jusqu’à 1 889 euros pour la strate 30 000 – 100 000 habitants). Les communes les plus petites et celles de plus de 100 000 habitants ont présenté des montants de dépenses par habitant atypiques : 1 152 euros pour la strate la plus petite (- de 500 habitants) et 1 583 euros pour la plus grande (+ 100 000 habitants).
Concernant l’investissement, le total des 34 955 communes françaises a investi plus de 23 milliards d’euros selon les comptes DGFIP des communes pour 2022, hors Paris, et hors communes isolées. En2023, en comptant toutes les communes, et en ajoutant les établissements à fiscalité propre, l’AMF anticipe un niveau de 33,4 milliards d’euros investis, soit le même montant qu’en 2011 – une stagnation selon l’AMF.
Un niveau d’investissement par habitant comparable dans toutes les strates de communes, sauf deux…
Les communes de plus de 100 000 habitants ont investi 297 euros par habitant (au total 2,422 milliards d’euros, ce qui n’en fait pas les communes les plus dynamiques. En effet, les communes de 30 000 à 100 000 habitants ont investi 100 euros de plus par habitant que les 41 plus grandes, à 393 euros/h (au total 4,7 milliards).
Les strates démographiques communales de milieu de tableau sont les plus nombreuses, et rassemblent 37,5% de la population française. Soit respectivement 12,370 millions d’habitants en communes de 10 000 à 30 000 habitants, et 12,542 millions en communes de 3 500 à 10 000 habitants. Elles sont, en 2022, dans des situations comparables.
Un investissement entre 349 et 352 euros par habitant
Les communes qui les composent ont, en moyenne, investi 352 euros par habitant. Les premières ont financé 4,354 milliards d’investissements, et les secondes 4,414 milliards d’euros. Il faut tenir compte, de plus, pour ces dernières, qu’elles ont dû mettre de côté 34 euros par habitant d’abondement de leur fonds de roulement, un signe qu’un déséquilibre des budgets de fonctionnement a dû être compensé – et qu’en tout cas, des investissements n’ont pas pu être effectués. C’est autant- plus de 400 millions -, qui n’est pas allé à l’investissement
Les petites communes, celles dont la population est comprise entre 2 000 3 500 habitants (6 millions d’habitants), ont, elles aussi, dû détourner de leurs 2 milliards d’investissements (349 euros par habitant) des financements destinés à leur fonds de roulement.
Le maillon faible des communes de 500 à 2 000 habitants
Les communes rurales de 500 à 2 000 habitants et les villages de moins de 500 habitants regroupent au total 15,2 millions de Français. Les 18 139 plus petits des villages parviennent à mobiliser en moyenne chacun 386 euros d’investissement par habitant, soit 1,6 milliard au total, en tenant compte d’un abondement de leur fonds de roulement de 66 euros/hab.
Les 11 294 plus gros bourgs, de 500 à 2 000 habitants, soit en moyenne un millier par commune, disposent des capacités financières les moins importantes pour investir, de toutes les strates communales distinguées par leur démographie : en 2022, c’était la tranche de communes qui investissait le moins par habitant : 334 euros, cependant que 39 euros sont extournés vers le fonds de roulement. Soit, au total 3,7 milliards investis quand même.
Hors du monde des métropoles
Appartenant aux deux tiers à des communautés de communes, et pour un tiers à des communautés d’agglomérations, ces bourgs d’un millier d’habitants sont loin, sauf quelques-uns, de la sphère des métropoles et des communautés urbaines. Ce sont eux que, sans nul doute, le programme Villages d’Avenir, annoncé par Christophe Béchu, devra soutenir, ainsi que les programmes d’aide à la ruralité. Leur apporter des moyens, financiers, en ingénierie, des services, apparaît crucial, pour ne pas laisser en retard de développement 28% de la population française. Ce derait être un des volets du discours de la Première ministre ce jeudi 23 novembre.
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