Le patrimoine naturel des territoires ultramarins est un atout : soleil, vent, courants et houle, géothermie, énergie thermique des mers. Les entreprises de l’économie mixte locale en Outre-mer impulsent des projets résilients, mettent en place un service public conciliant innovations technologiques et environnementales.
Sortir de la dépendance au pétrole
Les territoires d’Outre-mer sont confrontés à un défi énergétique majeur : La dépendance à une énergie d’origine fossile parfois importée, notamment le pétrole, reste importante selon David Zobda, conseiller exécutif de Martinique, Vice-Président de la communauté d’agglomération du Centre de la Martinique, Maire du Lamentin. Pour autant, il est à remarquer une progression d’un mix énergétique autour de la biomasse (granulés de bois et du biocarburant, du photovoltaïque, de l’éolien et des déchets ménagers. Si le gaz à effet de serre régresse à certains endroits, la neutralité carbone reste difficile à atteindre car la biomasse et le biocarburant font encore l’objet d’arrivées sur les territoires par cargos naviguant au fuel selon Maurice Gironcel, président de la Communauté d’agglomération Intercommunale du Nord de la Réunion (Cinor), maire de Sainte-Suzanne.
Des freins à lever
Les intervenants présents s’accordent sur une prise de conscience tardive de l’importance de la trajectoire énergétique. Il faut, en outre, traiter les problématiques liées à la disponibilité foncière, l’imbroglio des études préalables, le temps long d’aboutissement des projets (délai administratif, plan de financement), le manque de concertation avec les entreprises pour porter des projets, le déficit de concertation citoyenne engendrant de nombreux refus.
Le financement des Enr reste un écueil à surmonter pour Muriel Malfar Pauga, vice-présidente du congrès de la Nouvelle Calédonie, élue à l’Assemblée de la Province Sud, Présidente de la Sem Sud Habitat : « L’enjeu est de réussir à capter les financements européens pour financer notre transition énergétique. On peut avoir toutes les idées et la meilleure volonté pour accélérer la transition énergétique sur le territoire, mais sans financement, comment fait-on ? »
Pour Anthony Cellier, commissaire de la Commission de régulation de l’énergie, les programmations pluriannuelles de l’énergie non révisées créent un vide juridique rendant difficile la validation de projets qui vont impacter les 20 prochaines années. A ceci, il faudrait rajouter le manque de prévision de la demande électrique sur la mobilité. Force est de constater que les énergies fossiles continueront à être utilisées largement pour la mobilité.
Des exemples de résilience et des perspectives d’innovation
Les élus des territoires d’Outre-mer militent pour développer des Enr en tenant compte des atouts du territoire : volcans (géothermie), vent (éolien offshore), solaire (thermique et photovoltaïque), biomasses (bagasse, biogaz, bio éthanol), l’eau (hydraulique)
Jean-Gabriel Faget, DG d’Enercal met en exergue une filiale de la Sem dont il a responsabilité : Enercal Energies Nouvelles avec La Banque des Territoire. Cette filiale répond aux appels à projet et représente à ce jour 20 % de part de marché en solaire. Il insiste, par ailleurs, sur la décarbonation de la métallurgie répondant à une demande forte des industriels qui souhaite bénéficier du prix le plus bas et le plus stable possible.
Pour accélérer les projets sur l’île de la Réunion, le Sidelec a initié une Sem énergie renouvelable, en partenariat avec la région, pour aller plus vite dans les projets de transition énergétique. Pour Maurice Gironcel, il est primordial d’inclure le privé. Et à ce titre, l’idée de créer une Sem avec les intercommunalités et partenaires privés prend tout son sens afin de porter des projets emblématiques tels que : nouvelles éoliennes sur Sainte-Suzanne, un village solaire à Mafat et de l’hydrogène vert, notamment pour la mobilité.
Stocker dans les zones non interconnectées
Enfin, ces énergies renouvelables non pilotables doivent idéalement être associées à un système de stockage afin d’assurer la stabilité du réseau et une disponibilité de l’électricité indépendante de l’horaire ou de la météo. L’une des techniques consiste à installer des batteries géantes ou encore des stations de transfert d’énergie par pompage. La Commission de régulation de l’énergie porte une attention toute particulière à ce levier important de la transition énergétique dans les zones non interconnectées. « On a besoin de stockage dans les ZNI pour injecter de l’énergie en cas de besoin » affirme Anthony Cellier. L’Outre-mer pourra compter sur la Commission de régulation de l’énergie dont l’ambition est d’aider les élus à trouver la meilleure efficacité technologique et économique selon leurs spécificités territoriales, avec l’impératif climatique en ligne de mire. Il y a une grande différence de coût entre un objectif 100 % renouvelable et un objectif 100 % autonome.
Le modèle de l’économie mixte locale fait la preuve de sa pertinence dans un système de plus en plus complexe. Jean-Gabriel Faget le confirme en ces termes : » Dans un domaine aussi stratégique et complexe que celui de l’énergie où il faut avoir des visions à 20 ans et admettre que la rentabilité n’est pas immédiate, un montage en Sem met le plus à l’aise la puissance publique et génère le plus de performance à partir du moment où on a un régulateur garant de la performance. »
Un débat utile pour éclairer les prises de décision de la puissance publique qui fera l’objet d’un suivi par la Commission OM de la FedEpl présidée par Sophie Charles, Maire de St Laurent du Maroni.
L’auditoire a pris d’ores et déjà rendez-vous pour continuer de porter ce sujet dans le cadre des réunions des Fédérations régionales (Océan indien, Caraïbes et Nouvelle-Calédonie) et y consacrer du temps à l’occasion de la prochaine Conférence des Epl OM qui aura lieu en Guyane du 25 au 29 novembre 2024.