ZAN oblige, « le foncier est remonté à l’agenda politique » en 2023 pour reprendre l’expression de Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l’aménagement durable à la DHUP (Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages), qui s’exprimait lors d’une journée d’échanges organisée mi-novembre à Bordeaux, à l’initiative de la DGALN (Direction générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature), du réseau des EPF d’État et de l’association nationale des EPFL. Au niveau national, la question du foncier, qui avait cristallisé les débats dans le cadre du CNR Logement sans toutefois déboucher sur des mesures concrètes, devrait en effet figurer au menu du projet loi Logement attendu au printemps 2024.
Retour en force des opérateurs fonciers
Mais les initiatives se multiplient aussi sur le terrain, notamment à travers la montée en puissance des opérateurs fonciers qui s’affirment de plus en plus comme de nouveaux donneurs d’ordre. Alors que les aménageurs et les promoteurs sont en peine face à la crise immobilière, les établissements publics fonciers affichent, eux, des records d’activité. Après une année 2022 qualifiée « d’exceptionnelle », l’Epfif a poursuivi son activité sur des bases élevées en 2023. Début décembre, les cessions s’établissaient à 330 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 40 millions d’euros de recettes locatives. En Ile-de-France, l’EPF a notamment lancé un AMI pour céder des parcelles « à haut potentiel » à Deuil-la-Barre afin de faire émerger un programme mixte.
L’activité opérationnelle de l’EPF Paca est elle aussi très encourageante. En 2023, l’établissement a enregistré 121 millions d’euros de cessions. Il a notamment cédé de nombreux fonciers pour réaliser des programmes de logements, à Nice, Avignon, Six-Fours-les-Plages, Beaulieu-sur-Mer ou encore Saint-Jeannet. L’EPF Paca a même dû augmenter en cours d’année son budget de 15M€ pour renforcer ses capacités d’action foncière.
Localisation des friches textiles de Nomexy
De son côté, le Grand-Est, moins concerné par la crise du logement, a décidé de se concentrer sur la question de la réindustrialisation et la reconversion de friches industrielles pour accueillir des projets économiques. Citons, par exemple, la dépollution de l’ancienne cokerie de Carling pour accueillir un projet international de recyclage de plastique et l’installation d’une manufacture du groupe Hermès, sur la friche Deville, à Charleville-Mézières ou encore le réaménagement des friches textiles de Nomexy dans les Vosges.
Une demande d’outils de portage foncier croissante
Avec le temps, les opérateurs fonciers sont de plus en plus amenés à jouer « un rôle de régulateur et d’anticipateur sur la question foncière » comme l’indiquait Gilles Bouvelot, directeur de l’EPF d’Ile-de-France en clôture des Entretiens du Cadre de Ville le 17 octobre dernier, notamment « sur les fonciers de demain, qui ne sont sans doute pas ceux d’hier ni d’aujourd’hui ». Près de Bordeaux, l’EPF de Nouvelle-Aquitaine a commencé à s’interroger sur la stratégie à mener autour du pôle gare de Langon en prévision de l’arrivée du RER métropolitain.
Le développement de nouveaux outils de portage foncier est d’ailleurs au cœur des discussions. Il y a bien-sûr le déploiement des OFS et par là même du BRS qu’il faut continuer d’accompagner. Pour du logement mais bientôt aussi pour de l’activité puisque que la création du bail réel solidaire d’activité a été approuvée par ordonnance en début d’année. Pour pallier les limites des OFS qui ont tendance à se concentrer sur les zones tendues et qui mobilisent les canaux traditionnels de financement du logement social, la Région Ile-de-France envisage aussi de créer un Office foncier citoyen ouvert cette fois aux collectifs de particuliers.
Outre les OFS, figurent aussi les portages de très long terme. A l’EPF de Vendée, on réfléchit en effet à créer une filiale dédiée au portage foncier de long terme pour conserver des fonciers stratégiques dans les zones littorales et rétro-littorales et ainsi « lutter contre la dérive spéculative ». Face à la demande croissante de portage, le Département du Maine-et-Loire se pose quant à lui la question de réformer l’outil Anjou Portage Foncier, créé il y a 10 ans et confié à l’aménageur Alter, afin de mieux répondre aux besoins actuels des territoires.
Les aménageurs appelés à se réinventer
Alors que le territoire national n’est pourtant pas encore entièrement couvert par des établissements publics fonciers, l’objectif de Zéro Artificialisation Nette pousse aussi les EPL d’aménagement à s’intéresser de plus près aux questions foncières et à réinventer leurs métiers. « Avec de moins en moins de concessions d’aménagement, de plus en plus d’opérations en propre, posant la question des ressources et des moyens pour porter en direct, pas forcément dans le cadre de contrats de commande publique » relevait Isabelle Bonnaud-Jouin, responsable du pôle EPL à la direction de l’investissement de la Banque des Territoires, à l’occasion du Congrès de la Fédération des élus des EPL réunis à Cannes ce mois de décembre.
Comme le soulignait François-Xavier Desprez, consultant au sein du Groupe Scet, le ZAN amène les EPL à trouver des « relais de croissance » en diversifiant leurs missions en intervenant plus en amont, côté foncier, et plus en aval, côté co-promotion. C’est d’ailleurs le pari que fait la Séquano, aménageur du Département de la Seine-Saint-Denis. Après avoir investi le champ de la promotion immobilière et de la gestion des locaux commerciaux et après avoir créé la SPL Séquano Grand Paris, la Séquano projette à présent de créer une foncière pour assurer du portage de fonciers stratégiques à moyen et long terme.
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