Julien Denormandie, tout jeune Secrétaire d’Etat chargé du Logement d’Emmanuel Macron, avait annoncé avec force dès 2018 vouloir « déchirer une page sur trois du Code de la Construction », pour simplifier – déjà – l’acte d’aménager et de construire. Il fut ensuite l’un des inspirateurs du « permis d’innover » dans les OIN, les opérations d’intérêt national posant un cadre autorisant un droit dérogatoire du fait de leur intérêt public. Aujourd’hui, le président de la République élargit le propos, dans le droit fil d’une de ses analyses glissées dans un interview au magazine Challenges en mai 2023. Il évoquait déjà « un choc de simplification et de réduction des délais pour produire de nouveaux logements ». Ce sera sur la feuille de mission du gouvernement. Emmanuel Macron a en effet demandé, lors de sa conférence de presse du 16 janvier, que le nouveau gouvernement Attal fasse de la simplification des procédures un des axes de réponse à la crise du logement – dans le cadre d’une grande loi de simplification de l’économie. Déjà, Patrice Vergriete, ministre délégué au Logement dans le gouvernement d’Elisabeth Borne, avait mis en place des territoires dérogatoires dits « engagés pour le logement », laboratoire d’expérimentation de nouvelles façons de faire. Le même Patrice Vergriete a posté ce commentaire après l’intervention présidentielle : « le Président a donné le cap »…
Le logement pour accompagner vers l’emploi
Dans son propos liminaire, déjà, le président avait annoncé « une réforme des marchés du travail » comprenant notamment « l’accompagnement vers l’emploi sur des choses très concrètes comme le logement et les transports ». Pour « atteindre le plein emploi », le président intègre dans son logiciel la question du logement des salariés. Il y est revenu aussi en évoquant le logement des infirmières et des infirmiers – bref des « key workers », les « travailleurs-clés » en pointant les tensions qu’ils subissent. « Il est trop cher pour eux de se loger en ville », dit le président.
Ce sera à l’évidence un enjeu pour le logement social, et en particulier pour Action Logement et ses filiales de services et de construction – y compris In’Li, puisque l’organisation qui emploie les produits de la PEEC met sur le même plan l’intermédiaire et le social. Ces produits sont aidés, et contribuent à produire du logement abordable, a encore répété Bruno Arcadipane, son président, lors de ses vœux. Mais tant l’USH qu’Action Logement se sont déjà saisis de l’objectif. » Pas de plein emploi sans plein logement », avance notamment Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH.
Le démonstrateur de simplification des JOP 2024
Le président est également revenu sur son annonce d’une grande loi pour l’économie. « Oui, il y aura un temps 2 de la simplification, par exemple de l’obligation de garder des documents pendant des années. Il faudra aussi bouger des seuils réglementaires et légaux, ou opérer une réduction drastique des délais d’instruction par exemple. »
Le président avait déjà, lors de ses vœux de Nouvel An le 31 décembre, annoncé vouloir « simplifier la vie des entrepreneurs, notamment dans le domaine du logement ». Il y est revenu.
On a donc appris mardi soir que l’une des réponses portées par le gouvernement à la crise du logement tiendra dans la simplification des procédures. Au-delà de mesures d’urgence qui pourraient être nécessaires, les professionnels de la filière, publics comme privés, mais aussi les élus, se plaignent du temps nécessaire à la mise sur pied des projets, entre contraintes réglementaires combinées des Codes de l’Urbanisme et de l’Environnement, délais d’instruction des autorisations d’urbanisme, risque contentieux…
De ce point de vue, le président a cité en exemple les dispositifs d’exception mis en œuvre dans le cadre de la loi olympique. C’est pour Emmanuel Macron « un très bon exemple » prouvant qu’il est possible de « remettre de l’audace et de l’énergie dans le système ».
« Le foncier est trop cher, les délais sont trop longs »
« Le logement est en crise, c’est vrai », reconnaît d’abord le président de la République. « Une partie de la crise du logement est conjoncturelle », a-t-il analysé, « due à la montée des taux du crédit alors que l’économie du logement a reposé entre autres pendant longtemps sur des taux bas. Beaucoup de gens n’accèdent plus au logement. Les promoteurs sont sous pression. »
Au-delà de cet aspect conjoncturel, pour le président, « on a un système [du logement] qui est un maquis très compliqué : le foncier est trop cher, les délais sont trop longs ». Or, relève Emmanuel Macron, « dans un des endroits où c’est le plus compliqué de construire, la région parisienne, parce qu’il y a les jeux Olympiques et Paralympiques, on a pris une loi d’urgence il y a cinq ans et demi… Et les logements sont maintenant livrés, à l’heure, un énorme programme de bureaux et de logements construit avec plusieurs communes de la Seine-Saint-Denis. »
« Des OIN, des simplifications importantes »
Et d’annoncer : « donc, c’est possible, et nous allons provoquer d’importantes simplifications, créer des opérations d’intérêt national, réduire les délais, contraindre les procédures, éviter les recours multiples à tous les étages, toutes règles prises pour de bonnes raisons, mais qui se sont sédimentées avec le temps. Et font qu’aujourd’hui on se demande souvent s’il est possible de faire, en cherchant ce qui n’est pas interdit… »
Donc « les seuils, les délais, les simplifications, les procédures uniques » vont venir toucher tous les secteurs de l’économie, et pas seulement celui du logement, a affirmé le Président.
Le logement sera aussi, pour le président, l’une des clés pour atteindre ses objectifs de réindustrialisation et de plein emploi. La question se pose particulièrement, selon lui, pour « aider au recrutement de personnels paramédicaux ». « Dans les grandes villes, où cela coûte très cher de se loger, il est difficile à beaucoup d’infirmiers et d’infirmières, ou d’aides-soignants, d’habiter près de l’hôpital. Nous allons y travailler avec les communes. Si tant de lits sont fermés c’est beaucoup parce que, dans les grandes villes, il est compliqué de recruter des personnels paramédicaux. »
Face aux conséquences du changement climatique
Du logement à l’urbanisme, il n’y a qu’un pas, que le climat pousse à franchir. « Le gouvernement aura à bâtir durant le prochain semestre « une ambitieuse revue des dépenses de l’Etat », qui représentera « une vraie réforme », « pour plus d’efficacité ». La France sera alors notamment « armée face aux aléas du changement climatique », veut croire le président de la République, qui rappelle ce qu’ont vécu « nos compatriotes de La Réunion ou du Pas-de-Calais, et il y a quelques mois en Bretagne ou en Normandie ». « Nous allons devoir réduire nos fragilités face aux tempêtes, aux incendies, mais aussi face aux canicules et aux sécheresses ». Et d’annoncer « un plan d’adaptation et de résilience bâti sur nos territoires avec maires et élus locaux ».
Le président de la République a rappelé la nécessité incontournable de s’adapter au changement climatique. Il faudra notamment restaurer le fonctionnement oublié ou délaissé de milieux naturels, a-t-il soulevé, pour permettre dans les zones littorales l’évacuation des eaux. Et ce, même si « par endroits on devra créer des interdictions d’installation. » Le maire de Saint-Omer a été chargé d’une mission sur cette question d’écoulement des eaux.
« Changer nos villes, nos paysages, nos régions »
Le discours de Christophe Béchu sur la nécessaire adaptation est désormais porté au plus haut niveau de l’Etat. « Les conséquences du changement climatique sont déjà là et nous allons devoir changer nos villes, nos paysages, nos régions, pour faire face à des événements climatiques inhabituels. Les fortes chaleurs en ville, et pas un ou deux jours par an, vont obliger à créer des îlots de fraîcheur, à végétaliser, dans une organisation différente. Il faudra conduire cette adaptation avec le beau et le résistant. « Mais, rassure le président, « on continuera à vivre à Dunkerque ou à Calais ou dans l’Audomarois, dans le marais ou dans le Montreuillois ».
« Des régions vivent déjà le recul du trait de côte », relève Emmanuel Macron, qui cite le Grand Ouest, et la Nouvelle Aquitaine. « Des gens voient leur maison, leur entreprise, touchées par ce recul. Nous serons là pour accompagner. C’est un investissement de la Nation déjà engagé, et un changement de nos habitudes ». Le président de la République attend là encore, « audace, efficacité, action » : « la simplification de certaines normes, la conception paysagère, de l’innovation industrielle, et l’accélération des investissements », doivent permettre cette adaptation qu’il va bien falloir conduire.
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