L’annonce de la création de cette ressource financière avait été faite par le Premier ministre Gabriel Attal, lors de son discours de politique générale, après que le président de la République Emmanuel Macron avait affirmé que « le foncier est trop cher » lors de sa conférence de presse du 16 janvier. Encore fallait-il mettre la mesure en musique – une mesure étudiée par la Caisse des Dépôts et Consignations déjà en 2023. « Les emplois des fonds d’épargne sont opérés par la Caisse sur mandat de l’Etat », a rappelé Ludovic Valadier en table-ronde ce vendredi 8 mars. Ce dernier a été pendant près de cinq ans à la direction de l’investissement et du développement local à la Caisse, le directeur innovation et développement. Il rappelle que, en conséquence, tout emploi nouveau doit être négocié avec l’Etat.
« Nous avons reçu la Note du ministre qui donne l’arbitrage de Bercy. Je peux donc vous dire que ce nouveau prêt, Gaïa Territorial, sera mis en marché début avril 2024. » Le nouveau prêt sur fonds d’épargne élargit les emplois qui étaient ceux du « prêt Gaïa ». Ce dernier a une fonction sociale, de financement de l’action des organismes fonciers solidaires, les OFS, qui portent les terrains des opérations de logement cédés en bail réel solidaire (le BRS). Ce sont déjà des prêts de long terme, mais le nouveau Gaïa Territorial va beaucoup plus loin.
Financer la renaturation, la réinvention de zones urbaines
Gaïa Territorial va pouvoir financer aussi bien la préservation – autrement dit la sanctuarisation – d’espaces naturels qui pourraient être aussi des zones inondables, que leur restauration par transformation d’espaces dégradés ou artificialisés. Cette action va devenir une obligation après l’adoption par le Parlement européen le 27 février du règlement pour la restauration de la nature. La France va se doter d’un plan national de restauration en 2024.
Mais les emplois du Gaïa Territorial vont aussi soutenir la mutation urbaine – souvent coûteuse, mais déjà soutenue par le fonds friche, aujourd’hui intégré dans le fonds vert. Le nouveau prêt pourra financer la réinvention de zones urbaines, comme les zones commerciales, ou d’entrées de ville, les zones d’activité, et plus largement les friches.
Un prêt in fine dans sa version court terme
Les bénéficiaires de ces prêts sont plus nombreux également : les EPF, établissements publics fonciers et leurs filiales, les collectivités territoriales directement et leurs groupements, les chambres consulaires, les EPA de l’Etat et leurs filiales, les EPIC, les Sem et filiales de Sem, et les structures montées par toutes ces entités, Les filiales seront éligibles même lorsque l’établissement public est minoritaire dans le tour de table d’une personnalité morale de droit privé. « Il suffit que l’on soit un investisseur institutionnel référencé pour que ses structures aient accès au Gaïa Territorial », indique Ludovic Valadier, qui précise : « élargissement des emplois et des bénéficiaires sont deux évolutions très importantes, pour imaginer de nouveaux montages économiques. »
Les prêts seront conclus selon deux modalités principales :
– des prêts de court terme de moins de quinze ans, destinés à soutenir le montage d’un projet, et qui prévoit un remboursement in fine, « de sorte que l’aménageur ne débourse rien en amortissement du capital, sauf le coût des intérêts,
– des prêts dans une logique de très long terme, comme dans le cas des prêts à 80 ans qui financent le portage foncier du BRS.
Favoriser un nouveau modèle économique
« La Banque des Territoires poursuit ici une action contracyclique. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, 2023 a été une année exceptionnelle en termes de prêts au logement social et de prêts aux collectivités territoriales. Et le début de 2024 s’annonce encore plus fort, hors LLI. C’est dans cet esprit que nous ouvrons ce nouveau prêt. »
Ludovic Valadier en est convaincu : L’ère de transformation de fonciers nus à la main des promoteurs, avec peu de valeur ajoutée, est derrière nous. Aujourd’hui la question est de faire avec ce qui est déjà en place, et artificialisé. Ce qui suppose un nouveau modèle économique. » L’élargissement du prêt Gaïa va dans ce sens.
Le directeur adjoint de la Banque des Territoires en Île-de-France détaille son analyse : « On partait d’une valeur de foncier de départ relativement faible, on part désormais de biens plus chers qu’il va falloir retravailler – donc dépenser de l’argent – dépolluer, déconstruire, réaménager, mettre aux normes, pour sortir un produit d’un autre usage et d’une autre valeur ajoutée. C’est pourquoi nous développons des outils alternatifs, tout en adaptant nos outils de prêt. »
Voici comment l’approche prêteur de la Banque vient complèter un peu plus loin son approche investisseur et son apport en études et ingénierie de projet et stratégie.
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