Dorénavant, il est acquis qu’il faut agir pour limiter l’étalement urbain, l’artificialisation des terres, la destruction des paysages, qui sont tout autant nocifs pour la planète que pour la qualité de vie de chacun. Or l’accroissement de la population, le besoin de logements, l’amélioration attendue du confort, nécessitent toujours davantage de foncier pour la construction de logements.
Comment limiter la consommation du foncier pour la construction de logements, sinon en favorisant la densification des centres villes et des communes rurales et en proposant une offre d’habitat compact, diversifié et de qualité.
La densification de la ville comme une des réponses au problème de l’étalement urbain semble être une idée difficile à faire passer.
La notion de densité est encore pour les particuliers, ainsi que pour certains élus, synonyme d’entassement et de promiscuité et renvoie à l’habitat social composé de tours et de barres des années 60-70. Or, les « grands ensembles » sont souvent moins denses que les quartiers centraux des grandes villes dont le cadre de vie est pourtant apprécié ou que certains lotissements d’habitat groupé. La forme des tissus urbains peut-elle être alors une explication du rejet de la densité ?
Les attentes en matière d’habitat et les perceptions de la densité rendent compte d’un désir paradoxal d’intimité et de vivre ensemble. D’où, notamment, l’ambivalence de la notion de densité.
Près de neuf citoyens sur dix séduits par l’habitat individuel
De nombreuses enquêtes ont monté que le désir de la maison individuelle isolée qui remporte le plus de suffrages de notre population (60%). Viennent ensuite la maison individuelle dans un ensemble pavillonnaire (20% des répondants) et le petit habitat individuel en ville (11%). L’habitat haussmannien (5%), le petit / moyen habitat collectif en ville et les grands ensembles d’habitat collectif (barres et tours) avec 4%. Toutes ces données ont été compilées dans un mémoire de thèse, « Densité et formes urbaines, Vers une meilleure qualité de vie » par Megane Lefebvre, Septembre 2013.
La maison individuelle isolée séduit : les jeunes familles, à la recherche de place – à l’intérieur comme à l’extérieur – privilégient plus que la moyenne des Français ce type d’habitat (71%). A l’inverse, les seniors retraités sont moins de quatre sur dix à choisir la maison individuelle isolée, à un âge où le désir d’intimité doit composer avec la contrainte de la mobilité et la nécessité d’un accès facile et rapide aux services.
La hiérarchie des choix varie également en fonction de la catégorie socioprofessionnelle et de la classe économico-sociale : l’habitat haussmannien, quatrième au classement des Français, est la deuxième option des foyers les plus aisés (17%), et des cadres supérieurs et professions intellectuelles (14%).
L’essentiel à portée de mains
A 82%, les habitats souhaitent des espaces verts à moins d’un kilomètre de chez eux. Dans le même périmètre, viennent ensuite, pour les services quotidiens essentiels – école, modes de garde et commerces – et le médecin.
Dans un rayon de 10 kilomètres autour du domicile, deux habitants sur trois souhaitent trouver un hôpital et un sur deux un supermarché, des équipements de loisirs (piscine publique, terrain de sports, bibliothèque), un cinéma et une gare TGV : les services et structures de la mobilité et du loisir.
Deux sur cinq évaluent également à 10 kilomètres la bonne distance entre le domicile et les cafés et restaurants, ses amis, sa famille, et son travail.
Percevoir intuitivement le paradoxe de nos attentes
En effet, si intimité et calme sont les versants positifs de la maison individuelle isolée, près d’un habitant sur deux lui attribue également son revers : l’anonymat.
Au contraire, la maison individuelle dans un ensemble pavillonnaire est surtout conviviale, l’isolement étant rompu par un environnement immédiat, comme pour le petit habitat individuel en ville.
Les citoyens associent les grands ensembles d’habitats collectifs de tours et de barres, les grands immeubles et l’habitat haussmannien à l’insécurité, la densité et l’anonymat.
D’une façon générale, l’habitat collectif semble faire peur, et ce d’autant plus qu’il est haut. Ces formes d’habitats les moins plébiscités sont associées à la densité.
Spontanément et en premier, la densité génère des représentations négatives qui se déclinent en nuisances (35%) : nuisances sur la qualité de vie (22% des citations) avec un espace de vie restreint, l’insécurité, la peur, la solitude et l’anonymat auxquelles renvoient la foule ; nuisance sur la santé (5% des citations), en termes de fatigue, stress ; nuisance sur l’environnement (2%), la densité générant trafic et pollution.
D’une façon générale, les nuisances de la densité sont fortement représentées parmi les classes aisées (45%), les cadres et professions intellectuelles (40%) et les diplômés de l’enseignement supérieur (44%).
Au final, près de deux tiers des citoyens (65%) pensent que la densité est quelque chose de négatif, dont 17% déclarent qu’elle est quelque chose de très négatif. Cette perception est homogène, bien qu’également surreprésentée parmi les classes aisées (74%).