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Densité urbaine : une perception négative 2/2

Publié le 14 mars 2024

Comment concilier qualité et densité ? Comment allier désir d’intimité et de vivre ensemble ? Un deuxième article sur une thématique essentielle à l’urbanisme de demain.

Les hauts immeubles donnent un sentiment de densité urbaine (Photo Pixabay).

Après avoir constaté que la densité du milieu urbain est une notion trompeuse, car elle correspond à un ressenti et non à des formes urbaines spécifiques ni synonymes de grande hauteur, il faut examiner comment concilier qualité et densité.

Aujourd’hui, la « métropolisation » conduit à une concentration croissante des populations et des activités. Un zoom sur les villes permet d’observer une  « dédensification » et un étalement des habitants du centre et des activités vers la périphérie, repoussant de plus en plus loin les limites de la ville.

La croissance des déplacements en voiture et des prix du foncier moindres en périphérie ont permis à la classe moyenne d’accéder à la propriété et en particulier au rêve de la maison individuelle. Cette extension des territoires urbains est incompatible avec le principe d’un développement durable prônant une gestion plus économe des territoires.

La France est peu urbanisée. L’espace artificialisé représente seulement environ 10 % du territoire. Mais sa progression est rapide. En 10 ans, la consommation d’espace par l’urbanisation équivaut à la surface d’un département français. Cette progression se fait en majorité aux dépens de terres agricoles.

Dans les décennies antérieures, les villes centres et les espaces ruraux ont perdu des habitants au profit de la croissance des espaces périurbains. Depuis les années 2000, cette tendance s’est rééquilibrée. Les espaces centraux et ruraux connaissent à nouveau une croissance positive. Les espaces périurbains restent cependant les plus dynamiques.

Cette moyenne nationale varie selon les régions. La diagonale qui va du Nord-Est au Massif central connaît encore un déclin démographique, tandis que les côtes atlantique et méditerranéenne représentent les espaces les plus attractifs.

Face à une forte demande en logement individuel, plusieurs questions sont à se poser :

  • Comment économiser l’espace tout en préservant l’intimité de chacun ?
  • Comment répondre à la demande de logement tout en ayant une gestion économe de l’espace ?

Densifier : pour quoi faire ?

L’Histoire montre que les pouvoirs publics ont toujours lutté contre la tendance naturelle des constructions à s’entasser, notamment pour lutter contre les incendies, faciliter la circulation ou améliorer les conditions d’hygiène. A partir de la fin du 19ème et surtout au 20ème siècle, la dynamique s’est inversée. Les villes se sont étalées rapidement, quand les infrastructures l’ont permis et que les habitants ont pu accéder à l’automobile. De sorte qu’aujourd’hui, les politiques publiques essayent de lutter contre les excès qui conduisent à l’étalement urbain.

De nombreuses communes périphériques ont un profil de logements déséquilibré, dominé par la maison individuelle familiale. Elles cherchent à nouveau à requalifier leur centre, attirer les commerces et diversifier l’offre de logements, pour prendre en compte les besoins des jeunes, des personnes âgées et des familles monoparentales. Elles sont soucieuses de construire davantage en harmonie avec le centre-bourg, de façon à préserver leur identité paysagère. Elles souhaitent que l’urbanisme n’oblige pas les habitants à prendre leur voiture pour le moindre déplacement et favorise la desserte par les transports en commun.

Eléments de mesure de la densité

La densité est le rapport entre un élément quantifiable – habitant, emploi, mètre carré de plancher, par exemple – et la surface d’un espace de référence.

La question de la densité est complexe. En effet, il n’existe pas une seule densité, mais des densités… la densité brute ou nette, de contenant ou de contenu, réelle, vécue ou perçue… De plus de nombreux facteurs entrent dans sa composition : selon l’échelle des territoires considérés, leur composition et les objectifs recherchés ; la densité se calcule de manière différente.

On distingue alors plusieurs éléments de mesure de la densité :

  • Le coefficient d’occupation du sol ;
  • La densité bâtie ;
  • La densité résidentielle (ou densité de logements) ;
  • La densité de population et d’activité;
  • Densité de contenant ou de contenu :

Cette distinction est fondamentale, la relation entre densité de contenant et densité de contenu n’est pas directe. Dans les discours politiques transparaît la volonté d’augmentation des simples densités bâties pour accroître concurremment la densité en habitants. Or, pour une forme bâtie similaire, divers usages peuvent être affectés. De même, pour un Coefficient d’Occupation des Sols (COS) identique, plusieurs propositions de formes bâties peuvent être formulées, auxquelles seront associées un taux de remplissage propre. La connaissance des densités de contenant gagnerait à être complétée par celle des contenus.

C’est pourquoi une densité hybride, la densité d’activité humaine, a été définie. Il s’agit de la somme des habitants et des emplois par unité de surface. Elle permet de mesurer en partie la densité d’usage d’un espace ; elle prend en compte le nombre potentiel de personnes fréquentant le site. Cet outil n’est pas encore idéal, mais il permet une comparaison facilitée entre les densités de différents tissus urbains et rend mieux compte de la réalité des densités.

La densité perçue, vécue : des notions trompeuses

La densité perçue correspond à l’appréciation subjective que font les usagers du nombre de personnes présentes dans un espace donné, en regard des caractéristiques physiques. La densité perçue est trompeuse. Les habitants voient des immeubles qui se construisent, alors que le nombre d’habitants n’augmente pas pour autant. De même les tours, donnent l’impression d’une densité plus forte que les bâtiments traditionnels, alors qu’il n’en est rien. Des maisons serrées produisent une densité réelle plus forte que de grands immeubles séparés. Cette perception de la densité peut aller jusqu’à un état de stress dont le plus étudié est le sentiment d’entassement ou d’étouffement.

Différents facteurs interagissent et contribuent à la perception de la densité : les qualités physiques du cadre urbain, les paramètres cognitifs individuels et les facteurs socioculturels.

La densité a mauvaise image et se nourrit de représentations qui n’ont souvent pas grand chose à voir avec la réalité. Celles-ci expriment au contraire des frustrations et des attentes. En effet, les quartiers vécus comme denses le sont souvent bien moins que les quartiers centraux des grandes villes dont le cadre de vie est apprécié.

Est-ce la densité en soi qui pose problème ?

Les résultats de plusieurs enquêtes démontrent que la hauteur objective des bâtiments constitue un critère déterminant de la perception de la densité. Plus les habitants vivent dans des immeubles hauts et plus ils ont tendance à considérer que la hauteur des bâtiments est oppressante, mais aussi qu’il y a trop de construction dans leur quartier.

Par ailleurs, le tissu continu et resserré des quartiers anciens, la hauteur quasi identique des constructions procurent des sentiments d’intimité et de bien-être plus que d’oppression. Les petits immeubles, considérés comme étant à échelle humaine, faciliteraient les échanges entre habitants. La convivialité et l’animation d’un quartier contribuent donc à la perception positive de la densité.

Les fortes densités sont bien vécues lorsqu’elles s’accompagnent d’une diversité des populations et des activités susceptibles de créer de l’animation.

En conclusion, la densité a mauvaise presse car elle fait référence à l’urbanisme des grands ensembles. Les tours et les barres sont souvent dénoncées par les habitants comme appartenant à des quartiers trop denses, sans qu’ils le soient en réalité. Cette densité urbaine est ressentie comme oppressante, alors qu’elle est nettement inférieure à la densité bien réelle des centres historiques.

La densité perçue est trompeuse, en effet la densité ne correspond pas à des formes urbaines spécifiques et n’est pas synonyme de grande hauteur. Ce qui est refusé n’est donc finalement pas la densité en tant que telle mais le fait qu’elle se voie.

Des facteurs de perception comme l’image de la ville ou du quartier, la mixité fonctionnelle, la place du végétal, le climat social local, l’animation et l’ambiance urbaine… sont déterminants dans l’appréciation d’un lieu et de son urbanité. De ce fait, il est primordial lors de la conception d’un projet, de porter attention à la qualité urbaine, c’est-à-dire à l’ensemble de ce processus qualitatif conjuguant qualité d’usage, qualité paysagère, confort des espaces, vie intime et commodités publique.

Si l’on veut faire de la densité, il apparaît essentiel de penser le désir de vivre ensemble. La densité n’est pas à aborder comme dans les grands ensembles. Il est possible de concevoir une densité douce, généreuse en espaces publics, en espaces à vivre, en service, loisirs, etc. Les projets doivent être faits sur mesure, en tenant compte de leur contexte, leur environnement.

L’habitat intermédiaire, qui concilie densité urbaine et besoin d’individualité peut être un compromis entre l’habitat collectif et l’habitat individuel, permettant ainsi d’allier le désir d’intimité et le désir de vivre ensemble des habitants

Par Philippe CLEMANDOT
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