Tous les experts convergent vers un même constat : la crise du logement, avec ses incidences dans les secteurs de la construction et de l’aménagement, dure depuis une trentaine d’années et le contexte actuel n’incite pas à l’optimisme. « Il faut donc faire sauter les verrous », comme aime à le répéter Lionel Royer-Perreaut, député des Bouches-du-Rhône, vice-président de la Fédération des élus des Epl. Ce dernier est l’un des deux corapporteurs du projet de loi récemment adopté relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement. « Cette loi a été votée à l’unanimité, ce qui est rare à l’Assemblée nationale. Nous sommes dans une phase compliquée : cette crise impacte la dynamique des territoires et rend la situation sociale intenable pour de nombreuses personnes. Les contraintes sont connues. Le phénomène de décohabitation influe en outre sur le besoin croissant de logements dont il faut repenser la typologie. L’acte de bâtir reste encore contesté ; on veut des logements mais pas devant chez soi. La densification de la ville est l’une des rares solutions mais elle ne bénéficie pas d’un a priori positif dans la population. La loi sur l’habitat dégradé entre en résonnance avec d’autres, comme celle qui vient d’être votée pour limiter les locations saisonnières, en attendant la grande loi sur le logement annoncée en automne par le gouvernement », assure le député marseillais.
Habitat dégradé, réhabiliter pour élargir l’offre de logements
Guillaume Vuilletet, député du Val-d’Oise, rappelle que la loi « complète la boîte à outils pour lutter contre l’habitat dégradé. La plupart des outils était présent mais il faut renforcer leur délai d’application, en pesant notamment sur les syndics de copropriété dont la responsabilisation est désormais plus affirmée. L’idée reste quand même que le respect du droit de la propriété, que personne ne conteste, ne soit pas un prétexte utilisé par des personnes mal intentionnées, comme les marchands de sommeil, pour tirer profit d’une situation sociale difficile », explique-t-il. Avant d’ajouter que la quantification de l’habitat dégradé était difficile à établir, entre 1,2 million et 400 000 selon les estimations. « Ce qui signifie qu’une action forte et coordonnée sur le terrain est en mesure de libérer des logements pour les remettre dans le marché libre ou social, en location ou à la vente. C’est aussi une manière de répondre à la crise du logement », poursuit-il.
CDC Habitat dans une dynamique « contracyclique »
Autre temps fort de cette matinée : le regard des institutionnels sur la conjoncture économique et financière du logement. Pour Clément Lecuivre, directeur général de CDC Habitat, les chiffres sont sans appel : « Grosso modo, dans le privé comme dans le social, on construit 100 000 logements en moins en France. Et en 2022, nous avons assisté à une chute brutale de la production, que nous n’avions pas connu depuis 25 ans. Les taux d’emprunt ont bondi de 1 % en moyenne en 2020 à 4 % aujourd’hui ; la hausse du Livret A à 3 % à ce jour rend difficile la production de logements sociaux ». Un mot est souvent revenu dans la bouche des intervenants : « contracyclique ». « En tant que filiale de la Caisse des dépôts et consignations, nous avons apporté une réponse d’urgence avec un plan de soutien qui, en 2023, a permis d’accélérer la production de 17 000 logements sociaux et abordables. Nous sommes au cœur de la tempête, mais le fait de s’interroger comme aujourd’hui sur les outils à mettre en œuvre pour en sortir prouve une mobilisation sans précédent des acteurs et une réelle volonté d’entraîner tout le monde dans cette dynamique ».
La CGLLS appelle au renforcement de la vigilance
Maryse Prat, présidente de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), a invité les bailleurs sociaux et les Sem à bien utiliser en amont les outils disponibles pour éviter leur fragilisation. « Les organismes qui ont puisé dans leurs fonds propres risquent forcément à un moment ou un autre d’être confrontés à des difficultés. Tout le monde doit se doter de l’outil Visial, qui permet de repérer les signes de faiblesse pour les traiter le plus rapidement possible. Nous allons renforcer cette démarche de vigilance et pour ce faire, nous avons adapté nos outils ». La baisse du taux de Livret A « permettra de redonner du souffle au secteur », estime la présidente.
Action Logement explore toutes les pistes
Dernier intervenant de cette matinée, Koumaran Pajaniradja, directeur général d’Action Logement Immobilier, a rappelé que les logements construits « devaient faciliter le lien entre les bassins d’emploi et les salariés. Face à la crise, nous avons activé plusieurs leviers : la production de 40 000 logements, dont 60 % en Vefa. Quand la promotion privée tousse, nous toussons ensemble. Nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) en 2023 pour favoriser la construction de 30 000 logements privés. Enfin, nous sommes engagés dans un plan de décarbonation intensif, avec 35 000 réhabilitations programmées chaque année », explique le directeur. Le recours aux BRS et la création d’une foncière de transformation immobilière (transformation des bureaux en immeubles, 10 500 bureaux transformés en logements sur 3 ans) sont autant de possibilités de démultiplier les solutions face à la crise.