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Sénat : une troisième loi ZAN ?

Publié le 5 avril 2024

Le ZAN avance : l’arrêté définissant le détail des projets inclus dans l’enveloppe des 12 500 ha de « projets d’envergure nationale » est sur le point d’être publié. Et pourtant. Huit mois seulement après le vote de la loi correctrice de juillet 2023 visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre du ZAN, le Sénat ne baisse pas la garde. Il vient de mettre sur pied successivement un groupe inter-commissions de suivi de la politique de sobriété foncière et une mission d’information sur le financement du ZAN. En fonction des conclusions de ces deux instances, attendues pour septembre 2024, une troisième loi ZAN, portée par la Chambre haute pourrait se profiler, a indiqué le sénateur Jean-Baptiste Blanc, lors d’un colloque organisé récemment par l’association Villes & Droits. Le bras de fer entre le gouvernement et les élus se poursuit donc. Et ce, alors qu’une « victoire » obtenue par les sénateurs, comme la franchise d’1 ha artificialisable par commune, laisse perplexes les élus locaux, pour qui il est évident que certaines communes n’en auront jamais besoin, et que ce potentiel pourrait donc être utilisé ailleurs, là où sont les besoins.

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Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.

Une nouvelle mission sénatoriale pour contrôler et apporter des réponses

Selon la circulaire du 31 janvier 2024 sur la mise en œuvre de la réforme vers « le zéro artificialisation nette », l’édifice législatif et réglementaire du ZAN serait stabilisé. Le Sénat, vigie depuis 2021 avec la loi Climat et Résilience, de la mise en œuvre de cette politique de sobriété foncière semble en douter.

À l’approche de la première phase de redistribution des enveloppes foncières et de la modification des Sraddet (Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), prévue au plus tard le 22 novembre prochain, pour intégrer les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols, le Sénat a constitué le 6 février dernier un groupe de suivi, commun aux commissions des affaires économiques, de l’aménagement du territoire et des finances.

Son but : évaluer les difficultés persistantes posées par la mise en œuvre du ZAN. Car malgré les adaptations apportées par la loi d’initiative sénatoriale de juillet 2023, les interrogations et les inquiétudes demeurent vives chez les collectivités. Selon Jean-Baptiste Blanc, sénateur LR du Vaucluse et rapporteur de ce groupe de suivi : « L’heure est venue de se dire la vérité, ce qui marche, ce qui ne marche pas, pour envisager, si nécessaire, un troisième véhicule législatif d’ajustement du ZAN. »

Et de redire (il a également été rapporteur de la loi Climat et résilience en 2021) : « On est d’accord sur l’objectif, mais pas sur la méthode ! » Il s’exprimait ainsi lors d’un colloque organisé le 19 mars dernier par l’association Villes & droits, où était notamment présent Damien Botteghi, directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP).

« La vérité doit venir des territoires »

Jean-Baptiste Blanc estime que la territorialisation du ZAN reste délicate à mettre en œuvre en raison de son caractère encore trop uniforme. « Nous voulons que les régions appréhendent l’objectif de réduction de l’artificialisation, mais restent des lieux où l’on parle d’orientation et de stratégie, pas de planification. La vérité doit venir des territoires, Scot par Scot. Il faut faire de la dentelle, car aucun territoire ne ressemble à un autre », revendique-t-il.

Autre motif d’inquiétude pour le sénateur, la montée en puissance du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), chargé de coordonner l’élaboration des stratégies nationales en matière de climat, d’énergie, de biodiversité et d’économie circulaire.

Cette instance, comme les conférences des parties (COP) régionales, avec chacune leurs mesures prescriptives, semble marquer le retour d’un pouvoir centralisateur, regrette le parlementaire.

Garantie universelle et grands projets sous surveillance
Le régime spécifique mis en place pour les projets d’envergure nationale ou européenne est de nouveau ausculté par le Sénat, alors que la liste de ces projets n’est toujours pas arrêtée.

Pour rappel, les grands projets sont décomptés dans une enveloppe spéciale (12 500 hectares sur la période 2021–2031), dont 10 000 hectares mutualisés entre les Sraddet au prorata de leur enveloppe d’artificialisation. Jean-Baptiste Blanc soulignant à cette occasion que le Sénat souhaitait la sortie pure et simple des grands projets du décompte ZAN.

Parmi les questions soulevées, quid de la comptabilisation de ces grands projets au-delà de 2031, alors que certains d’entre eux pourraient ne pas être terminés à cette date ?

Les sénateurs vont également se pencher sur la garantie communale d’un hectare, destinée à rassurer les petites communes rurales et périphériques en leur réservant un potentiel minimal d’urbanisation.

Avec cette garantie universelle d’un hectare, environ 75 000 hectares devront être répartis à une échelle locale, soit 62 % de l’enveloppe initiale des 120 000 hectares à consommer entre 2021 et 2031, indique un rapport d’étude du ministère de novembre 2023 : https://artificialisation.developpement-durable.gouv.fr/sites/artificialisation/files/inline-files/conso_enaf_docurba.pdf

« Cette garantie est-elle ou non nécessaire ? Va-t-elle ou non fonctionner ? », s’interroge aujourd’hui Jean-Baptiste Blanc. De plus, la prise en compte des spécificités des communes littorales et de montagnes sera aussi réinterrogée, par le Sénat.

Idem pour les instances de dialogue et de concertation fixées par la loi de juillet 2023, à savoir la conférence régionale du ZAN et la commission de conciliation pour les grands projets.

Clairement, après deux ans de bataille parlementaire pour assouplir les règles du ZAN, les sénateurs n’ont toujours pas épuisé le sujet, inquiets de la complexité du dispositif.

Toujours à la recherche d’un modèle économique du ZAN
Depuis la loi Climat de 2021, les sénateurs dénoncent sans relâche l’absence d’outils financiers et fiscaux pour soutenir le ZAN. « L’État fait porter la mise en œuvre du ZAN sur les collectivités, sans les doter de financements dédiés ! », s’exclame Jean-Baptiste Blanc. Un sujet qu’il maîtrise bien puisqu’il a été l’auteur en juin 2022 d’un rapport d’information sur le modèle économique du ZAN.

Le rapport avait été complété par une étude sur la prise en compte par le système fiscal français de l’objectif ZAN, réalisée par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) à la demande du Sénat.

Malgré toutes ces initiatives, le gouvernement n’aurait pas apporté de réponse satisfaisante. La loi de finances pour 2024 représenterait notamment un rendez-vous manqué, exception faite de la reconduction du fonds vert, récemment impacté par des coupes budgétaires.

Aussi, la commission des finances du Sénat a lancé en février 2024 de nouveaux travaux sur le financement du ZAN, dans un contexte économique assez défavorable dans la mesure où le déficit public s’élève à 5,5 % du PIB en 2023, vient de révéler l’INSEE. Or, ces mauvais chiffres devraient conduire le gouvernement à imposer des économies à l’ensemble de la sphère publique, collectivités comprises.

« Il reste néanmoins impérieux de trouver un modèle économique pour un foncier qui va devenir plus rare et donc plus cher », insiste Jean-Baptiste Blanc, également rapporteur de cette mission d’information. Il s’agit non seulement de mieux connaître les coûts générés par la mise en œuvre du ZAN, mais encore de proposer des pistes de solution pour apporter des réponses aux collectivités.

Pas de nouvel impôt ZAN

« Attention, le but n’est pas de créer un nouvel impôt, ni de rajouter des règles supplémentaires » rassure le parlementaire. Et de compléter : « Un nouveau versement pour sous-densité destinés à inciter les porteurs de projet à densifier et donc à lutter contre la consommation d’espaces pourrait, en revanche, être une piste intéressante ». Le CPO aurait été de nouveau saisi par la commission sénatoriale pour nourrir les travaux en cours, apprend-on.

Sachant que cette instance rattachée à la Cour des Comptes, dans son récent rapport de décembre 2023 « Pour une fiscalité du logement plus cohérente », formulait déjà plusieurs recommandations en faveur du ZAN.

Notamment, la nécessité de mieux mobiliser le parc de logements existants en étendant à tout le territoire la taxe sur les logements vacants ou en ouvrant le PTZ aux logements anciens avec travaux dans les zones tendues.

D’autres pistes à explorer

Décidément, le sénateur du Vaucluse ne ménage pas sa peine pour essayer « d’épuiser » le sujet ZAN. Il a demandé récemment, en sa qualité de vice-président de la commission des finances, deux études comparées.

La première, rendue publique en décembre 2023, concerne les procédures de délivrance des permis de construire dans quatre pays européens, Allemagne, Espagne, Italie et Royaume-Uni.

Il en ressort que les délais légaux d’instruction des demandes de permis de construire se situent généralement entre deux et trois mois à compter de la réception du dossier complet auprès des autorités compétentes. Soit des délais plus courts que ceux observés en France. « Il faudrait donc réfléchir à fluidifier la délivrance des permis de construire en France, pour libérer plus rapidement le foncier disponible », commente Jean-Baptiste Blanc.

La préoccupation est partagée par le ministre délégué chargé du Logement, Guillaume Kasbarian, qui a annoncé lors du dernier MIPIM 10 mesures de simplification des procédures d’urbanisme, pour raccourcir les délais et réduire les coûts.

La seconde étude, réalisée en septembre 2023, s’attache à observer les politiques de réduction de l’artificialisation menée chez nos voisins européens, ces derniers privilégiant d’autres outils que la loi pour limiter la consommation d’espace : « Il faudrait également se pencher de nouveau sur le secteur du renouvellement pavillonnaire à l’aune du ZAN », conclut le sénateur.

Rendez-vous donc en septembre prochain, avec – peut-être – une traduction législative de ces travaux sénatoriaux pour corriger une troisième fois le ZAN.

La citation du poète Nicolas Boileau : « Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage, vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage : polissez-le sans cesse et le repolissez ; ajoutez quelquefois, et souvent effacez », n’aura jamais été autant d’actualité.

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Par Cadre de Ville
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