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120e Congrès des notaires : sécuriser les opérateurs urbains dans la conduite de leurs projets

Publié le 20 juin 2024

Alors que la plupart des travaux parlementaires sont suspendus, et les textes en cours annulés, suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, les notaires ne cèdent pas à l’immobilisme. Dans le cadre de leur prochain Congrès, prévu à Bordeaux en septembre prochain, sur le thème de l’urbanisme durable, ils avancent plusieurs pistes pour accompagner les projets face notamment aux défis environnementaux. Bien sûr, on ne peut pas présager du risque d’une éventuelle volte-face gouvernementale sur ‘importance de ces défis, le pire n’étant jamais certain. Optimiser « le déjà-là », encourager de nouveaux modes de propriété, ou encore réinterroger la condition suspensive d’obtention d’un permis de construire purgé de tout recours, font donc partie des propositions sur la table. Zoom sur la commission dédiée à la réalisation des projets, présidée par Michèle Raunet, notaire à Paris.

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Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.

Trois commissions pour un même objectif : réaliser autrement l’aménagement du territoire

Après avoir exploré en 2023 la question du logement https://www.cadredeville.com/announces/2023/09/28/congres-des-notaires-et-si-les-permis-de-logements-devenaient-concertes, le Congrès des notaires de France s’attaque cette année, à un sujet connexe, à savoir l’urbanisme durable. Ou plutôt, comment mieux accompagner les projets face aux défis environnementaux ? Trois commissions s’attellent à ce travail. Elles s’intitulent : anticiper, convaincre et réaliser.

Partant du constat de la nécessité d’adapter le cadre légal actuel pour faciliter des projets urbains respectueux de l’environnement, la 120e édition du plus ancien congrès professionnel européen, dévoilera ses propositions, du 25 au 27 septembre à Bordeaux.

En attendant, de premières pistes ont été esquissées le 11 juin dernier lors de la conférence de presse de présentation de cette grande messe annuelle.

Marie-Hélène Pero Augereau-Hue, notaire à Chevreuse (78) et présidente du 120e Congrès explique en synthèse : « Notre objectif est d’inventer de nouvelles solutions juridiques pour répondre à la demande sociétale forte de vivre autrement dans nos logements et dans la ville ».

Pour ce faire, il conviendrait notamment de d’instaurer des relations plus harmonieuses entre les droits de l’urbanisme, de l’environnement et de la propriété, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Certains n’hésitant pas à dire que le droit de l’urbanisme, qu’il s’agisse de documents d’urbanisme ou d’autorisations d’urbanisme, est désormais percuté de plein fouet par le droit de l’environnement.

Preuve en est, plusieurs jugements récents ont sanctionné des documents d’urbanismes, estimés trop gourmands en foncier : https://www.cadredeville.com/announces/2024/03/14/le-plu-du-grand-bornand-en-sursis-pour-consommation-excessive-d2019eau-et-d2019espaces https://www.cadredeville.com/announces/2024/04/04/les-plui-tourmentes-par-lartificialisation-nette-zero. Idem des permis ont été annulés au nom de la raréfaction en eau. > Lire : « Le refus de permis de construire motivé par l’insuffisance de la ressource en eau est légal »

En bref, il est plus facile aujourd’hui d’attaquer un permis sur le fondement du Code de l’environnement que sur celui du Code de l’urbanisme. Focus sur les travaux de la troisième commission di Congrès dédiée à la réalisation des projets.

Où trouver des terrains à l’heure du ZAN ?

« Plusieurs questions s’invitent aujourd’hui aux débats pour que les projets puissent sortir de terre, et notamment celle de la recherche de terrains », lance Michèle Raunet, notaire associé au sein de l’étude Cheuvreux et présidente de la troisième commission.

« Indépendamment des friches et toujours dans une logique d’optimisation de l’utilisation du sol, il serait intéressant d’apprivoiser de nouveaux lieux, comme les zones pavillonnaires. Elles peuvent devenir des sources importantes de création de logements, pouvant également intégrer de la mixité fonctionnelle », complète-t-elle.

À noter que le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables, qui devait être débattu fin juin au Sénat, comportait plusieurs dispositions sur le renouvellement pavillonnaire.

En effet, il était prévu que les collectivités locales puissent définir des orientations d’aménagement favorables à la densification douce des zones pavillonnaires et déployer des opérations de transformation urbaine : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl23-573.html

Nul doute que si le projet de loi était de nouveau inscrit dans l’agenda parlementaire, les notaires appuieraient la transformation urbaine des zones pavillonnaires. « Les entrées de ville peuvent aussi représenter une réelle opportunité pour créer de nouveaux logements, commerces ou bureaux », ajoute Michèle Raunet.

D’ailleurs, Nexity et Carrefour ont signé fin 2023 un partenariat de régénération urbaine à l’échelle nationale. 76 sites Carrefour représentant près de 800 000 m² pourraient être concernés par ces opérations de transformation : https://www.cadredeville.com/announces/2023/12/12/fonciere-commune-carrefour-nexity-la-transformation-urbaine-du-patrimoine-de-la-grande-distribution-experimentee-a-grande-echelle

Opérations qui auraient pu être favorisées par la proposition de loi visant à faciliter la transformation de bâtiments existants en logements. Mais ce texte, là encore, a été mis en sommeil par la dissolution de l’Assemblée nationale, alors qu’il avait été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale,  puis enrichi par le Sénat : https://www.cadredeville.com/announces/2024/06/06/loi-transformation-de-batiments-existants-en-logements-de-nouvelles-regles-d2019urbanisme-a-arbitrer-en-cmp

Comment réaliser des projets vertueux ?

Selon Michèle Raunet : « Pendant très longtemps on s’est intéressé à l’architecture des bâtiments, là où il faut dorénavant s’interroger sur la qualité environnementale des constructions à réaliser. Il y a une multitude de normes qui s’imposent aux porteurs de projet, telle que la RE2020 ».

Elle poursuit : « De plus, nous basculons d’un urbanisme de la construction à un urbanisme de la transformation. Or ce dernier est encore mal appréhendé par le Code de la construction et de l’habitation, le Code de l’environnement et le Code général des impôts ».

Toutefois, certains outils du Code civil, sont déjà à disposition des professionnels. Michèle Raunet prenant l’exemple des ilots non bâtis situés en cœurs de ville qui pourraient être végétalisés grâce à des servitudes, par exemple.

Réinterroger la propriété du foncier

A l’instar de ce qui se passe à Amsterdam (Pays-Bas) où 80 % des terrains possédés par la ville seraient concédés via des contrats d’emphytéose de longue durée, la notion de « terrain-bien commun » fait progressivement son chemin en France.

Ainsi, le Grand Annecy, comme le Grand Chambéry, ont décidé récemment de ne plus vendre de terrain en pleine propriété, mais de les concéder par des baux de long terme. Le but étant de permettre à ces collectivités de conserver le contrôle des activités sur leurs territoires et d’éviter les friches.

Dans cet esprit, les notaires souhaiteraient développer le bail à construction, le bail emphytéotique et, bien sûr, le bail réel solidaire (BRS).

Lutter contre les recours : il faut changer de méthode

Depuis les années 90, malgré six rapports (Labetoulle, Pelletier, Maugüé, Rebsamen…) et différentes avancées législatives, les recours contre les autorisations d’urbanisme ne refluent pas. Pire, bien que l’introduction d’un recours n’empêche pas le démarrage des travaux, sauf si un référé suspension l’ordonne, et que la régularisation des autorisations d’urbanisme devient la règle, rien ne change.

Car la pratique des banquiers, comme celle des notaires, recommandent toujours de ne pas engager les travaux, sans permis purgé de tout recours. Dit autrement, les promesses ou compromis de vente contiennent généralement une condition suspensive d’obtention d’un permis de construire devenu définitif, dont la rédaction n’a pas bougé depuis 30 ans.

« Un des enjeux du Congrès serait de convaincre les notaires à réfléchir à la modernisation de cette clause, en tenant compte des évolutions de la loi », souligne Michèle Raunet.

Par ailleurs, les assurances appelées à couvrir les recours contre les permis n’ont pas véritablement prospérées. Actuellement, seules deux compagnies proposent cette protection, la SMABTP et AXA XL. Il faut savoir que le coût de l’assurance s’avère très onéreux : il est calculé en fonction du chiffre d’affaires du programme couvert, après un audit diligenté par l’assureur sur la légalité du permis. Cette pratique reste par conséquent très minoritaire. Les notaires s’interrogent donc sur la pertinence de généraliser de telles assurances.

Il appartiendra aux nouveaux députés et gouvernants à venir de s’emparer, ou non, de certaines des propositions de la troisième commission.

Rappelons que par le passé, près de 130 textes législatifs et réglementaires publiés au Journal Officiel ont été inspirés des travaux des différents Congrès des notaires.

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Par Cadre de Ville
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