En 2016, Suez était retenu comme actionnaire opérateur des 2 premières SemOp de France pour la gestion des services publics d’eau potable et d’assainissement de la ville de Dole. Quel bilan tirez-vous de ces deux sociétés ?
C’est un véhicule juridique qui a tenu toutes ses promesses. Une manière de faire public-privé très intéressante, dans l’équilibre qu’elle propose aux deux parties. Je ne suis pas sûr que sur le fond, il y ait une grande différence avec les DSP classiques. En revanche, cela change profondément la nature de la relation avec la collectivité.
De quelle manière ?
D’une construction potentiellement antagoniste, on passe à une relation d’associés avec un objectif commun partagé par la collectivité, ce qui contribue de fait à pacifier la relation. Dans le cadre d’une DSP classique, la collectivité confie les clés du camion à un délégataire et l’on se revoie à l’occasion d’avenants prévus ou non au contrat puis à la fin du contrat. Il faut cependant préciser que ces dernières années, les contrats de DSP se sont complexifiés notamment sous l’effet de très nombreux engagements et que le délégataire a la possibilité, si les élus le désirent, de suivre de près ce qui se passe. Mais il est vrai que dans les SemOp, nous devenons des alliés objectifs. On sort de cette idée à la peau dure selon laquelle la relation au délégataire serait peu transparente. Ce qui change aussi, c’est que la collectivité récupère les dividendes de son investissement à des fins d’amélioration de sa gestion de l’eau et de l’assainissement. Dans un contexte où l’eau est devenue un enjeu politique, où les défis sont majeurs et les besoins en investissements importants, ce n’est pas anodin.
C’est sans doute une des raisons pour lesquelles les élus souhaitent avoir la main sur le sujet…
C’est une très saine et légitime ambition. Le tournant s’est produit en 2022 avec la sécheresse. La sensibilité politique autour de l’eau s’est renforcée avec la guerre en Ukraine et la nécessité de sécuriser les circuits d’approvisionnement pour éviter que certains esprits malveillants utilisent l’eau à des fins de déstabilisation de certains Etats. L’eau s’est politisée ces dernières années. En France, le fait que ce soit le président de la République qui ait annoncé le Plan eau au sortir de l’épisode de sécheresse marque ce tournant. On parle presque plus de l’eau que du chômage dans les débats électoraux. A l’international, la ressource en eau et sa gouvernance sont également centrales comme dans les conflits entre Israël et la Palestine ou entre la Chine et le Tibet.
Quels sont les bénéfices et les avantages que vous tirez de cette expérience à Dole ? Dans quelle mesure vos relations avec la collectivité territoriale se sont renforcées ?
Les élus font confiance aux expertises que nous leur proposons. La France dispose de deux leaders mondiaux (Ndlr, Suez et Véolia), il serait dommage qu’on s’en prive dans notre pays. Les difficultés, quand elles se posent, sont encore essentiellement de nature financière. Neuf fois sur dix, un appel d’offres se gagne sur le prix. Mais si des difficultés se posent, que l’équation économique envisagée n’est pas atteinte, des crispations peuvent naître entre la collectivité et l’entreprise Ce phénomène est aujourd’hui encore plus sensible alors que le modèle de financement des services publics d’eau et d’assainissement est à bout de souffle sous le triple effet de la baisse des volumes – voulue par tous –, du renforcement de la réglementation et de la transition écologique. La gestion qualitative et quantitative de la ressource en eau réclame des travaux et donc des budgets à la hauteur de cet objectif. De ce point de vue, la SemOp propose une formule efficace puisque la collectivité, en tant qu’actionnaire, est attentive à l’équilibre financier du contrat. C’est pour cette raison que nous proposons souvent la SemOp aux collectivités comme mode de contrat. D’ailleurs, Suez est impliqué dans une dizaine de SemOp, ce qui démontre notre intérêt pour cette forme de DSP.
Selon vous, cette nouvelle manière de coopérer entre le public et le privé a-t-elle vocation à se développer à plus grande échelle ? Allez-vous continuer à vous engager dans des processus de création de SemOp ?
Je suis étonné qu’il n’y ait pas plus de SemOp en France. J’ai travaillé dans les collectivités territoriales, je connais bien cet univers et leur rôle en tant qu’autorités organisatrices. Nous assistons, depuis plusieurs années, à une volonté de reprise en main des services d’eau et d’assainissement. Cela se traduit parfois par des velléités de passage en gestion publique. Pour autant, il est important de souligner que le mode de gestion ne doit être que la résultante d’une ambition politique en matière de services d’eau et d’assainissement et non le prérequis. Parce qu’elles offrent une alternative concrète à cette volonté, les SemOp devraient trouver ou auraient dû trouver un écho favorable auprès des collectivités.