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« La SemOp réinvente le dialogue entre collectivités et opérateurs »

Publié le 1 juillet 2024

A l’occasion des 10 ans de la SemOp, Jean-Léonce Dupont, auteur de la loi du 1er juillet 2014 et Benoit Mercuzot, président de la commission SemOp de la FedEpl, livrent leur regard sur cette composante de la gamme des Entreprises publiques locales.

Benoit Mercuzot et Jean-Léonce Dupont (crédit : Thierry Houyel)
Quel était l’objectif poursuivi il y a 10 ans avec cette proposition de loi créant la SemOp en droit français ?

Jean-Léonce Dupont, président du Conseil départemental du Calvados, sénateur du Calvados de 1998 à 2017 et auteur de la proposition de loi créant la SemOp : La SemOp est un mode de gestion qui existe de longue date chez nos voisins européens et qui était déjà bien appréhendé par de nombreux groupes français de services aux collectivités dans les secteurs de l’eau, de l’énergie ou des transports publics. Si la France à une culture ancienne de la gestion déléguée, de nombreuses collectivités ont pu regretter un manque de suivi contractuel suffisant de leurs délégations de services publics. Les élus ont ainsi exprimé leur souhait de pouvoir être davantage engagés en constituant une société de projet avec l’opérateur retenu. La SemOp est venue apporter une réponse à cette demande très concrète de transparence et de coopération formulée par les collectivités territoriales.

Quel est le paysage des SemOp en France 10 ans après la loi fondatrice ? Dans quels champs de l’action publique s’est-elle développée ? 

Benoit Mercuzot, vice-président d’Amiens Métropole, président de la SemOp Amiens Energie : La FedEpl recense une cinquantaine de SemOp en activité avec un développement en matière de gestion de l’eau (17 SemOp) et de réseaux de chaleur (6 SemOp). En matière d’eau et d’assainissement, des SemOp sont en activité à Dole, Dijon, Dinan ou encore Chartres. Sur le volet construction et exploitation de réseaux de chaleur, la SemOp répond à une volonté des collectivités de s’appuyer sur une expertise technique et de partager les investissements avec des partenaires. Il en existe notamment à Amiens, Caen, Clermont-Ferrand, Strasbourg. Au-delà de ces deux champs d’activité, des 1ère SemOp ont été constituées dans de très nombreux champs de l’action publique locale : transport publics, parc des expositions, valorisation des déchets, centre aqualudique, production d’énergie, golf… Ces SemOp sont essentiellement constituées en relai d’une gestion déléguée classique.

La SemOp peut donner l’impression d’être un outil adapté aux grands projets urbains. Est-ce également un outil utile pour des collectivités de taille intermédiaire, des communes rurales ou pour des départements ? 

Benoit Mercuzot: Les premières SemOp françaises, à Dole puis Chartres, ont été constituées dans des intercommunalités et villes moyennes. La majorité des SemOp interviennent d’ailleurs sur des territoires intermédiaires comme c’est également le cas à Auray Quiberon Terre Atlantique pour la gestion du golf de Saint-Laurent ou à Caux Seine Agglomération pour les transports publics. Ce mode de gestion est également mobilisé par des collectivités rurales à l’image des villes de Saint-Affrique ou de Vendôme pour la gestion de l’eau potable. La SemOp est aussi présente dans certains territoires d’outre-mer notamment à la Réunion et en Guyane.

Jean-Léonce Dupont: Plusieurs SemOp françaises sont également départementales. Le Calvados a ainsi confié l’exploitation de ses 7 ports départementaux à Ports du Calvados, une SemOp constituée avec un opérateur local et la Banque des Territoires. Le Conseil départemental des Yvelines a créé la SemOp C’Midy avec Sodexo pour assurer la restauration de ses 118 collèges alors que le Loir-et-Cher a constitué une SemOp pour exploiter l’aérodrome de Blois-Le-Breuil.

Quels sont les principaux retours d’expériences des SemOp existantes ?

Jean-Léonce Dupont: Il y a d’abord une réelle satisfaction de toutes les parties prenantes. Les collectivités mesurent pleinement l’apport de la SemOp en matière de transparence du suivi contractuel et des coûts. Le fait de partager les bénéfices en cas de résultats positifs est également un élément apprécié. De leur côté, les opérateurs saluent un outil qui permet de fluidifier le suivi contractuel à travers un dialogue régulier avec la collectivité. Les principaux opérateurs se sont d’ailleurs engagés dans la SemOp à l’image de Dalkia, Keolis, Suez, Engie ou Veolia. Des opérateurs plus locaux ou régionaux découvrent également le modèle tout comme certaines Sem qui sont l’actionnaire opérateur de certaines SemOp.

Benoit Mercuzot: C’est une forme de paradoxe, il existe encore peu de SemOp mais le taux de satisfaction de celles et ceux qui se sont engagés est excellent.

Quels conseils donneriez-vous aux collectivités qui souhaiteraient constituer une SemOp ?

Benoit Mercuzot: Il faut d’abord bien identifier les motivations de la collectivité. Considère-t-elle qu’elle ne dispose pas dans son mode de gestion actuel de la réalité des coûts du service public ? Souhaite-t-elle s’associer à un partenaire opérateur pour bénéficier d’une expertise spécifique ? Recherche-t-elle des partenaires pour investir dans des infrastructures ? Ensuite il est essentiel de fixer les rôles de chacune des parties et de l’organiser dans le cadre d’une gouvernance structurée.

Jean-Léonce Dupont: Créer une SemOp oblige la collectivité à devenir acteur du suivi contractuel et donc les élus qui représentent la collectivité à s’engager pleinement. On ne peut pas y aller à moitié. Une SemOp qui fonctionne c’est une SemOp dans laquelle la collectivité joue pleinement son rôle.

Pensez-vous que cette loi constitutive de la SemOp pourrait être utilement complétée sur la base de ces 10 ans de retours d’expériences ?

Jean-Léonce Dupont: Sur les phases de création et de fin de la SemOp certaines questions émergent. En phase amont, la possibilité pour les opérateurs de proposer un modèle SemOp en réponse à une consultation de délégation classique est plébiscitée par certaines entreprises. En fin de contrat, la possibilité de ne pas procéder à une liquidation de la société mais par exemple d’organiser un rachat de parts sociales par la collectivité ou un autre opérateur pourrait être une piste de simplification. Les pistes ne sont pas stabilisées mais les premières réflexions existent.

Comment la FedEpl accompagne-t-elle les collectivités dans leurs réflexions visant à constituer une SemOp ? 

Benoit Mercuzot: Au-delà d’une expertise juridique reconnue, la force de la FedEpl est d’avoir une vision très opérationnelle de la SemOp basée sur les retours d’expérience de toutes les sociétés existantes qu’il s’agisse d’organisation de la gouvernance, de modalités de rémunération de l’actionnaire opérateur, de personnel de la SemOp. La Fédération travaille également à constituer un réseau des SemOp existantes. Si une collectivité se pose la question de la SemOp, la FedEpl est son interlocuteur naturel et le plus en capacité à apporter un accompagnement sur mesure.

Par Florian POIRIER
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