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Fédération nationale des SCoT : « Les ENAF doivent être l’épicentre de toutes nos transitions »

Publié le 20 septembre 2024

Les 18èmes rencontres nationales des SCoT ont eu lieu du 29 au 30 août dernier à Arras. Intitulée « 50 nuances de vert », cette nouvelle édition a permis de mettre la construction des stratégies écologiques territoriales au cœur des discussions. Dans un entretien croisé, Michel Heinrich, président de la Fédération nationale des SCoT, et Stella Gass, directrice de la Fédération nationale des SCoT, reviennent pour Cadre de Ville sur les enjeux clés de ces rencontres et sur les préoccupations prochaines des SCoT, notamment avec la transposition de la trajectoire ZAN dans leurs documents d’urbanisme.

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Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.
CDV : Que retenez-vous des dernières rencontres nationales des SCoT ?

Michel Heinrich : L’an passé, les rencontres de Nîmes avaient déjà clairement annoncé la couleur, sur la nécessité d’aménager autrement. Ces nouvelles rencontres nous ont permis d’approfondir la thématique de la renaturation, un sujet que nous avons travaillé tout au long de l’année dans le cadre d’une étude.

En France, 90% du territoire n’est pas urbanisé. Or, ces dernières années, nous avons eu tendance à nous focaliser sur les 10% urbanisés. Le message à faire passer est que les ENAF doivent être l’épicentre de toutes nos transitions, dans un souci de protection mais aussi d’activation. Il faut s’appuyer sur les territoires non urbanisés pour atteindre nos objectifs en matière de production d’EnR, de plantation d’arbres… Il y a toute une stratégie qui doit concerner ces territoires.

Nos rencontres étaient intitulées « 50 nuances de vert » mais on aurait pu tout aussi bien dire « 50 nuances de bleu » car l’eau était au centre de toutes les discussions. Le SCoT est un document intégrateur des documents supérieurs (SDAGE, SAGE, SRCE, SRADDET), mais nous ne sommes pas suffisamment en dialogue avec les présidents de CLE (Commission Locale de l’Eau). Or, la problématique de l’eau va être capitale en 2050, avec une perte de la ressource en eau estimée entre 20 et 40%.

Le dérèglement climatique, l’érosion de la biodiversité et la pression sur la ressource en eau s’accélèrent et doivent être mieux pris en compte. Même les prévisions les plus pessimistes du GIEC sont déjà dépassées. Nous sommes confrontés à des catastrophes naturelles pratiquement toutes les semaines. On l’a vu avec les inondations dans le Nord-Pas-de-Calais et tout récemment, en vallée d’Aspe. Nous devons donc tout faire pour les éviter. Il y a nécessité de s’emparer très clairement de ces sujets.

Le constat est là. Il est partagé. Maintenant, comment passe-t-on à l’action ?

Michel Heinrich : Pour commencer, on doit mettre en compatibilité nos documents de SCoT avec la loi Climat et Résilience. Dans nos SCoT, nous avons les moyens de donner des orientations fortes à décliner ensuite dans des documents d’urbanisme opérationnel, PLU ou PLUi.

Stella Gass, directrice de la Fédération Nationale des SCoT

Stella Gass : Il y a des territoires très en pointe sur la question de l’aménagement en fonction de la nature des sols. Citons par exemple Ris-Orangis, le SCoT métropole Savoie en cours de révision, la Métropole de Rouen qui a fait un travail très approfondi sur la révision du SCoT et l’adaptation du PLU ou encore le territoire du SCoT de Rennes Métropole. Le SCoT Rives du Rhône a aussi une stratégie très fine sur la biodiversité.

Michel Heinrich : L’enjeu de ces rencontres était bien de sensibiliser et de partager des retours d’expérience sur les enjeux de puits de carbone, d’infiltration des eaux pluviales, de qualité agronomique des sols, de rafraîchissement…

Stella Gass : Un sujet a par ailleurs pris plus de place dans les discussions que ce qui était attendu du programme : celui de la coopération collectivités-agriculteurs. Il est en effet apparu important de travailler le dialogue entre les élus et les agriculteurs afin d’accompagner ces derniers sur la limitation des risques, la gestion de l’eau et la mise en place d’un nouveau modèle de transition.

Quel regard portez-vous sur le chantier qui s’ouvre devant nous, à savoir la transposition de l’objectif ZAN dans les SCoT ?

Michel Heinrich : Le ZAN est un accélérateur mais la question de la sobriété foncière est déjà une mission remplie par les SCoT. Entre 2010 et 2020, nous sommes passés de 30 000 hectares par an à 20 000 hectares.

Je constate d’ailleurs une évolution forte des mentalités. Avec la Fédération nationale des SCoT, nous avons lancé au printemps 2024 un sondage et sur les 1 600 personnes qui y ont répondu, pas loin de 70% des élus sont d’accord pour dire qu’il faut accentuer la sobriété foncière. Ensuite, dans la mise en œuvre, il y a nécessairement des nuances.

Je crois qu’il y a un travail de pédagogie à faire. Notre philosophie à la Fédération, c’est « choisir pour ne pas subir ». C’est-à-dire « allons-y et on verra ». Sans oublier que, bien que le calendrier d’approbation des Sraddet ait été décalé, depuis août 2021, les compteurs tournent.

Où en est-on du calendrier de territorialisation de l’objectif ZAN ?

Stella Gass : Tous les Sraddet devront être approuvés pour le mois de novembre 2024. Or, nous avons des niveaux d’avancement très différents. Certains documents ont déjà fait l’objet de décisions, par exemple en Bretagne, en Normandie, dans les Hauts-de-France ou encore en Ile-de-France. D’autres, à l’inverse, ne sont pas très en avance comme le Grand Est ou l’Occitanie. Au fond, une frange espérait que la loi allait changer et certains n’ont pas commencé à travailler. Dans tous les cas, nous sommes en attente des chiffres des régions pour la période 2021-2031.

De plus, les premiers rapports d’artificialisation doivent sortir cette année. Les élus vont voir la diminution au réel et devront refixer leurs objectifs stratégiques. Toutes les politiques publiques vont d’ailleurs entrer dans l’enveloppe : pas seulement l’habitat et l’économie, mais aussi les énergies, les équipements, etc.

Ensuite, les SCoT devront être approuvés en février 2027 et les PLU, PLUi et cartes communales un an après, en février 2028. Les résultats de diminution par deux de l’artificialisation sont, quant à eux, prévus pour août 2031.

Voyez-vous venir des difficultés particulières ? Avez-vous des inquiétudes, peut-être plus fortes dans certains territoires que d’autres ?

Stella Gass : Dans l’ensemble, les élus sont au travail avec leurs techniciens. Toujours d’après notre sondage, 20% avaient ouvert les discussions, 40% avaient déjà lancé la révision de leur SCoT pour répondre au ZAN et 5% avaient même déjà validé le nouveau document comme le SCoT de Centre Ardèche ou le SCoT de Gascogne. Ce sont des territoires ruraux mais ils sont sur des nouveaux modèles d’aménagement et ils travaillent avec le privé.

Néanmoins, il y a des élus qui se rendent compte qu’ils n’ont pas piloté le lancement de la trajectoire ZAN. Tant qu’ils n’avaient pas les outils pour freiner artificialisation, ils ont continué à urbaniser. Ce n’est qu’en juillet 2023 qu’ils ont eu ces outils : le sursis à statuer ZAN et le droit de préemption ZAN. Sauf qu’entre août 2021 et juillet 2023, il s’est passé pas mal de choses selon les anciennes règles, sur la base des documents en cours. Aujourd’hui, à l’heure du bilan de la consommation, certains territoires réalisent que l’enveloppe est vide. Ils n’ont plus de foncier par rapport à la trajectoire de la déclinaison territorialisée. La garantie communale est aussi celle qui fait le plus discuter dans les territoires. Il faut un consensus local. Il y a des arbitrages qui vont être compliqués.

Il faut bien comprendre que le ZAN est un cadre très contraignant. Si les collectivités ne sont pas en règle avec la loi, elles prennent des risques juridiques importants. Ça ouvre le champ d’énormes contentieux. Si, en 2027, les SCoT ne sont pas dans la trajectoire, les élus n’auront plus le droit d’ouvrir certaines zones à l’urbanisation et s’ils délivrent des permis de construction dans ces zones, ces derniers seront illégaux. De même, si, en 2028, les objectifs du SCoT ne sont pas transposés à l’échelle du PLU, les maires n’auront plus le droit de délivrer le permis de construire. Certains n’ont pas mesuré que l’environnement juridique avait changé. Mais au-delà de l’aspect juridique, il y a une responsabilité nouvelle, pour l’environnement, pour les habitants, pour les générations futures.

Il faut accepter qu’on ne peut plus faire comme avant. Il faut être créatifs pour faire autrement. Pour que ça corresponde au projet politique, aux besoins du territoire mais que ça enclenche aussi des transitions. Il y a des territoires qui bougent, des élus qui défrichent. Il faut partager ces solutions et discuter avec de nombreux acteurs : des entreprises privées, de l’énergie, du commerce, mais aussi les écologues, les associations environnementalistes… C’est maintenant que ça se passe. Si on ne se parle pas en amont, nous allons louper des éléments de transition très structurants.

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Par Cadre de Ville
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