Inscrire les arbres dans le Code civil
Adapter les villes au réchauffement climatique, en sanctuarisant notamment la nature qui y est présente, est devenue une préoccupation majeure. Il suffit de regarder le PLU bioclimatique de Paris, dont l’adoption est imminente, pour s’en convaincre : protection des arbres remarquables, des 100 000 arbres d’alignement, des espaces libres en pleine terre… Mais les notaires veulent aller plus loin. A savoir, doter l’arbre d’un véritable statut juridique pour renforcer sa protection, à l’instar de ce qu’a fait le législateur en 2015 pour l’animal.
Il s’agirait donc de créer un nouvel article dans le Code civil définissant l’arbre comme : « Un organisme vivant dont la préservation est d’intérêt général ». Si aujourd’hui, lors de l’élaboration de projets immobiliers ou d’aménagement, la question des arbres existants est déjà appréhendée par les opérateurs, elle pourrait devenir à l’avenir encore plus prégnante.
Érosion du littoral : développer la propriété temporaire
Selon les dernières études du Cerema (rapports d’avril 2024), pas moins de 450 000 logements et 55 000 locaux d’activité pourraient être exposés à l’horizon 2100, si aucune mesure n’était prise face à l’érosion côtière. Or, ce phénomène naturel, jugé comme prévisible, quantifiable et cartographiable, n’est pas assimilé à un risque naturel majeur. De ce fait, les propriétaires qui en sont victimes ne peuvent mobiliser le fonds Barnier. « Et, il faut bien avoir conscience que tout terrain gagné par la mer devient ipso facto propriété de l’État, et ce, sans indemnisation », alerte Éric Meiller, notaire à Saint-Chamond (42) et président de la première commission sur : « Anticiper les défis environnementaux » du 120e Congrès.
Si la loi Climat de 2021 a posé un cadre juridique spécifique pour permettre l’adaptation des territoires aux évolutions du littoral, en octroyant aux communes volontaires de nouveaux outils, la situation des bâtiments menacés serait insuffisamment traitée aux yeux des notaires. Pour y remédier, la première commission recommande de se préoccuper des bâtiments au moment de leurs ventes, avec l’instauration d’un droit de préemption, différent du « droit de préemption recul du trait de côte ou DPRTC » conçu par la loi Climat.
Ce nouveau droit de préemption permettrait de transférer à la commune la seule propriété du sol et du tréfonds (ou sous-sol), en contrepartie du versement d’un prix. Par conséquent, le propriétaire conserverait le bâtiment existant exposé au recul du trait de côte, grâce à un droit de superficie temporaire, aussi longtemps que l’érosion le permettrait.
Le droit de superficie présente les caractères de la propriété : il ne se perd pas par le non-usage, il est perpétuel sauf si, dans une convention, les parties décident de le rendre temporaire, comme ici. Ce droit contient, en outre, les attributs de la propriété qui sont le droit d’user, le droit de percevoir les fruits et le droit de disposer du bien.
Ce mécanisme vise, en plus de la protection du propriétaire, à limiter l’engagement financier des collectivités territoriales qui ne préempteraient que le sol et le sous-sol des biens menacés.
Un régime pour le proto-aménagement
Après avoir rappelé que les EPF d’État et locaux jouent un rôle essentiel dans la reconversion des friches industrielles et dans la revitalisation des centres bourgs, Antoine Urvoy, notaire à Lyon et président de la deuxième commission sur « convaincre les acteurs », plaide pour un régime du proto-aménagement. En effet, cette phase intermédiaire entre l’acquisition d’un bien et la réalisation d’un projet d’aménagement sur ce bien (remise en état des terrains, démolition de bâtiments anciens, dépollution des sols…) n’est pas encadrée par le législateur. Plus précisément, elle est soumise aux mêmes règles que les opérations d’aménagement.
Selon les notaires, il serait nécessaire de prévoir un cadre juridique ad hoc pour faciliter les opérations de préparation du foncier, mais aussi pour sécuriser les actes de mutation correspondants.
Concrètement, la deuxième commission propose que les opérations de proto-aménagement soient inscrites dans le Code de l’urbanisme avec un régime dédié, notamment en matière environnementale. Par exemple, ces opérations pourraient intégrer un diagnostic préalable, avec un inventaire faune flore et une identification des zones humides, en cas d’atteinte notable à l’environnement. Inventaire qui constituerait l’état initial, cristallisé sur une durée de cinq ans.
De plus, les acquisitions et reventes par les établissements de portage seraient définies comme un groupe de contrats liés entre eux par une convention opérationnelle d’actions foncières.
Libéraliser l’assiette des autorisations d’urbanisme
Toujours pour faciliter les opérations, Antoine Urvoy propose de : « Ne plus raisonner sur l’assiette des autorisations d’urbanisme ». Dit autrement, les porteurs de projet pourraient, via un permis unique, réaliser leurs opérations sur des unités foncières distinctes. Antoine Urvoy prenant le cas d’une opération située sur plusieurs unités foncières, séparées par une voie publique.
Il serait alors inséré dans le Code de l’urbanisme un nouvel article définissant l’assiette d’un projet, comme l’ensemble des terrains sur lesquels un porteur de projet envisage de déposer une autorisation d’urbanisme. Cette assiette pouvant être composée d’une unité foncière, de plusieurs unités foncières, contigües ou non, d’une partie seulement d’une unité foncière, de volumes immobiliers.
Revoir le régime de la compensation environnementale
Le dispositif actuel de la compensation environnementale souffrirait d’un régime juridique imparfait, qui, en outre, ne parviendrait pas à atteindre les objectifs fixés, c’est-à-dire l’absence de perte nette de biodiversité, pointe la deuxième commission. Trois mesures sont alors versées au débat.
Tout d’abord, il est suggéré de sécuriser la maîtrise du foncier nécessaire à la compensation environnementale.
Cela passerait par un mécanisme selon lequel quand un maître ouvrage achète un terrain pour y réaliser des mesures de compensation, il serait mis à l’abri de tout droit de préemption (Safer, Conservatoire du littoral…). Une condition, cependant : que le maître d’ouvrage signe une obligation réelle environnementale (ORE) sur le terrain.
Ensuite, il est envisagé la création d’un bail emphytéotique environnemental. Le propriétaire d’un terrain pourrait ainsi concéder ce nouveau bail à un porteur de projet qui s’engagerait à effectuer des mesures de compensation environnementale.
La création d’un fonds de péréquation à compétence nationale chargé de récolter des fonds pour financer les opérations de compensation est aussi mis en avant.
Tout porteur de projet, débiteur d’une obligation compensation environnementale, pourrait verser, à titre exceptionnel et subsidiaire, une somme d’argent dans ce fonds.
« L’objectif étant de chercher des financements auprès des opérateurs privés », explique sans ambages Antoine Urvoy.
Par ailleurs, la deuxième commission veut réformer le projet urbain partenarial (PUP) pour en faire un outil de financement de l’urbanisation de la transformation.
Pour ce faire, cet outil contractuel serait étendu aux opérations de désartificialisation, de renaturation et de changement d’usage des bâtiments.
ZAN : vers une bourse d’échanges de droits à artificialiser ?
D’emblée, Michèle Raunet, notaire associée à l’étude Cheuvreux et présidente de la troisième commission consacrée à la réalisation des projets d’aménagement, prévient : « Il n’est pas question de remettre en cause l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols. En revanche, la déclinaison en cascade de la politique du ZAN dans les documents d’urbanisme pourrait gagner en souplesse. »
Sachant que des interrogations se manifestent aussi sur la pertinence de la garantie communale d’un hectare prévue par la loi du 20 juillet 2023, intégrée dans le nouveau Schéma directeur de la Région Île-de-France – Environnemental (SDRIF-E), voté le 11 septembre dernier par les élus franciliens.
Dans ces conditions, la troisième commission préconise un système régulé de cession de droits à artificialiser entre les communes, en complément (et non en remplacement) du système actuel.
Concrètement, cette bourse d’échanges serait instaurée à l’échelon régional. Elle permettrait à l’autorité en charge des documents d’urbanisme de céder tout ou partie des droits à artificialiser alloués au titre des décennies 2020, 2030 et 2040, ou, au contraire, d’acquérir des droits complémentaires auprès d’un teneur de compte unique.
Une précision importante, les modalités de détermination du prix d’achat ou de vente des droits artificialisés seraient fixées par décret, en cohérence avec le coût de désartificialisation d’un hectare de friche urbaine.
Et en cas de vente de droits, le prix de cession serait impérativement fléché vers la réalisation de projets d’intérêt général.
« Cette bourse d’échanges, avec un prix administré, aurait l’écoute attentive du sénateur Jean-Baptiste Blanc [pilote de deux commissions sur le ZAN] », souffle Michèle Raunet.
Comprendre que ce système de réallocation entre collectivités pourrait trouver une traduction législative, à l’initiative de la chambre haute !
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