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Congrès de Nantes : l’économie mixte locale reconnue comme un levier pour l’accélération et la désirabilité de la transformation écologique

Publié le 10 octobre 2024

« Transformation et planification écologiques : agissons local », tel était le thème de la plénière d’ouverture du Congrès des Epl, qui s’est tenue le 9 octobre à Nantes. Accueillis par Johanna Rolland, maire de Nantes et présidente de France urbaine, élus, dirigeants et partenaires de l’économie mixte locale ont croisé leurs regards sur la territorialisation de la planification écologique avec l’éclairage de l’expert du climat, François Gemenne.

Crédit photo : Stéphane Laure

L’urgence climatique, un phénomène avant tout structurel

Pour engager les débats, François Gemenne, expert de la gouvernance du climat et des migrations, membre du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et directeur de l’Observatoire Hugo à l’Université de Liège, a livré son regard sur l’urgence climatique et la démarche de planification écologique.

Alors que l’Observatoire européen Copernicus annonce 2024 comme l’année la plus chaude jamais enregistrée, l’expert alerte sur le risque d’aborder le réchauffement climatique comme un phénomène plus exceptionnel que structurel : « Le changement climatique est un problème de stock et non un problème de flux. Il n’appelle par des réponses temporaires mais des transformations structurelles de l’économie et de la société ».

Dans son prolongement, Johanna Rolland, Maire de Nantes, Présidente de Nantes Métropole, a développé l’idée de bifurcation écologique qu’elle a engagée pour son territoire : « C’est l’habitabilité de notre environnement qui est en jeu. Il nous faut donc préparer l’avenir accélérer cette bifurcation que je veux sociale, écologique et heureuse pour les habitants. »

Michel Ménard, Président de la Loire Atlantique et Président de Loire Atlantique développement (Sem et Spl), a insisté sur le souci de sobriété foncière, énergétique et hydrique que porte son département dans sa politique d’aménagement du réseau routier ou dans son dispositif d’aides à la densification des centres-bourgs dans les villes moyennes et la ruralité.

Gisèle Rossat-Mignod, Directrice du Réseau de la Banque des Territoire, a rappelé tout l’engagement de son organisation auprès des décideurs publics pour accompagner la transformation écologique avec un plan de 100 milliards d’euros mobilisés sur cinq ans.

 

Le débat sur les finances locales au cœur des échanges

Au lendemain de la réunion du Comité des finances locales et l’annonce d’un effort demandé par l’Etat aux collectivités territoriales qui pourrait être de 6,5 milliards d’euros, Johanna Rolland, en tant que Présidente de France Urbaine, a vigoureusement alerté sur les conséquences de ces mesures austéritaires. « -2% sur la dotation globale de fonctionnement, l’amputation du fonds vert, cela signifie une baisse des investissements et par ricochet un retard aggravé sur la bifurcation écologique ». Michel Ménard a partagé ses inquiétudes pour ce qui concerne la situation financière encore plus contrainte des départements et ses conséquences sur les politiques actuelles de transformation écologique : « il est évident que ces annonces vont amputer nos politiques les plus volontaristes, en particulier le soutien que nous apportons aux projets des communes en faveur de la sobriété foncière et énergétique.»

 

La planification écologique, une démarche unanimement saluée qui doit néanmoins faire confiance au local

Présent pour développer les contours de la planification écologique, son secrétaire général Antoine Pellion, a présenté le dispositif et le processus de territorialisation en cours pour accélérer la baisse des émissions de gaz à effet de serre en France « J’insiste sur la répartition de l’effort que cette planification suppose : la moitié du chemin est entre les mains des entreprises, un quart dans celles des collectivités territoriales et de l’État, et le dernier quart pour les citoyens ».  La territorialisation de la planification écologique est quant à elle engagée avec plusieurs COP régionales déjà réalisées qui ont vocation à organiser et encore accélérer les politiques engagées.

François Gemenne et les deux élus ont tous souscrit à l’intérêt d’une trajectoire planifiée avec des étapes de court terme qui donnent à voir aux citoyens les bénéfices de la transformation écologique dans leur quotidien. Pour autant, le contexte budgétaire actuel et les réalités de chaque territoire appellent à leur sens à s’appuyer davantage sur le local et ses réussites. Tout en rappelant la qualité du travail engagé au sein des COP régionales, les élus ont appelé à une vigilance vis-à-vis de cet échelon d’analyse afin de ne pas négliger les spécificités du local. Pour chacun, la planification ne fonctionnera qu’à la condition de s’adapter aux réalités des territoires et aux équilibres entre urbain, péri-urbain et rural.

 

Les entreprises publiques locales comme leviers de transformation et de désirabilité

Pour François Gemenne, « le local est le meilleur échelon pour donner corps à la transformation écologique et les entreprises publiques locales apparaissent comme des leviers indispensables pour agir et montrer les bénéfices aux habitants ».

Michel Ménard a illustré de manière concrète comment la Sem et la Spl  Loire Atlantique Développement permettent au département de mettre en œuvre sa politique de sobriété, y compris dans son mode d’organisation. « Loire Atlantique Développement dispose d’une direction de la transition écologique avec la présence d’écologues à disposition des collectivités pour faire diagnostiquer leurs projets ».  Johanna Rolland a également défendu le rôle des Epl nantaises -parmi lesquelles la Semitan, Loire Océan Développement ou la Samoa qu’elle préside – pour porter la bifurcation de Nantes Métropole, à travers à la fois leur expertise technique mais également leur capacité à mettre en cohérence le projet politique avec les attentes des acteurs économiques, sociaux et citoyens.

Conscient des limites capacitaires inhérentes au débat en cours sur les finances locales, Antoine Pellion a partagé sa conviction personnelle que l’économie mixte locale puisse être un levier puissant d’ingénierie et de financement pour accélérer la transformation écologique.

Pour François Gemenne, l’un des enjeux cruciaux réside dans la capacité des collectivités territoriales à éviter de faire de la transformation écologique un débat binaire et limité dans son ambition. Il insiste ainsi sur le besoin de travailler à l’adhésion des citoyens aux projets plus qu’à leur acceptabilité « les entreprises publiques locales peuvent être des outils précieux pour apporter la preuve concrète aux citoyens, montrer que cela marche, et emporter leur adhésion». 

 

Philippe Laurent souhaite que l’économie mixte locale soit davantage soutenue et appelle à la stabilité

En conclusion des échanges, Philippe Laurent, Président de la Fédération des élus des Epl et Maire de Sceaux, a rappelé le rôle fondamental que jouent les Epl dans tous les territoires, y compris outre-mer, pour mettre en œuvre la transformation écologique : « Les Epl agissent déjà de manière significative, mais elles n’ont pas de baguette magique, elles ont besoin d’être soutenues, par nos partenaires privés mais aussi par l’Etat ». Le Président de la FedEpl a également partagé la vive inquiétude des élus sur les annonces en matière de fiscalité locale et de leurs conséquences directes sur l’économie mixte locale. En réponse, il appelle à davantage de confiance et à la stabilité : « On ne peut pas changer les règles du jeu aussi subitement, les collectivités et leurs Epl ont besoin de stabilité. Stabilité fiscale mais aussi réglementaire pour monter les projets ».

 

Par Tiéfaine CONCAS
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