menu

Entretien avec Margot Holvoet, déléguée générale de l’institut, pour une gestion durable des sols

Publié le 1 octobre 2024

La Fédération des élus des Entreprises Publiques Locales (FedEpl) vient de franchir une nouvelle étape dans son engagement pour la transition écologique en adhérant à l’Institut de la Transition Foncière. Cette adhésion marque le début d’une collaboration stratégique pour promouvoir la gestion durable des sols au sein des territoires.

Margot Holvoet, Secrétaire Générale de l’Institut de la Transition Foncière, partage avec nous les missions de l’Institut et les outils qu’il développe, et les bénéfices que peuvent en retirer les EPL dans leurs projets d’aménagement.

 

Pourquoi la préservation des sols vivants est cruciale pour les politiques publiques actuelles ?

L’Institut de la Transition Foncière est né du constat que les sols vivants ne sont pas suffisamment pris en compte, de manière générale dans le débat public, mais également dans les projets d’aménagement. Les sols sont un écosystème clé : ils abritent en leur sein jusqu’à 60% des espèces vivantes, sans même parler des espèces faunistiques et floristiques qui se développent à leur surface. Ils jouent un rôle vital dans la régulation du climat et contribuent à améliorer la qualité de l’air et de l’eau par leur pouvoir filtrant. Ils ont enfin un rôle clef dans l’atténuation des catastrophes naturelles, notamment les inondations. Ainsi, protéger les sols vivants, c’est non seulement lutter contre le changement climatique et s’y adapter, c’est aussi renforcer la biodiversité et la santé environnementale.

 

Pour répondre à ces enjeux, quelles missions portées vous au sein de l’Institut de la Transition Foncière ?

Margot Holvoet, déléguée générale de l’Institut de la Transition foncière (ITF). © Margot Holvoet

L’Institut propose donc de repenser notre approche du sol et de le considérer non pas seulement comme une surface à exploiter, mais comme un espace complexe en trois dimensions, évoluant dans le temps. Pour transformer cette approche en actes, il fallait structurer une véritable filière réunissant tous les acteurs de la chaîne des sols et de l’aménagement – scientifiques, aménageurs, pouvoirs publics, collectivités et société civile. Il s’agit ainsi de passer de la connaissance des sols à leur protection – de la conception des politiques publiques aux projets locaux d’aménagement, en passant par la planification.

L’action de l’Institut s’articule dès lors autour de trois missions principales. La première est de participer à la recherche et aux transferts de connaissance, notamment sur les enjeux de gouvernance et de modèle économique de la transition foncière, à travers la Chaire de la Transition foncière créée en 2023 en partenariat avec l’Université Gustave Eiffel et l’Institut CDC pour la Recherche. La seconde consiste à développer des outils pratiques pour les acteurs du secteur, tels que le bilan d’opération de transition foncière pour intégrer la dette écologique de destruction de sols vivants dans les bilans d’opération, ou encore un référentiel de techniques de renaturation. Ces outils permettront aux acteurs de s’adapter aux enjeux de sobriété foncière portés par le Zéro Artificialisation Nette. Enfin, l’Institut se charge de porter cette nouvelle approche auprès des décideurs publics, afin d’intégrer la sobriété foncière dans les politiques nationales.

Ces missions se complètent et s’appuient sur une approche ancrée dans la réalité, combinant recherche et action concrète sur le terrain. L’Institut se positionne ainsi comme un « do-tank », centré sur l’action, pour faire advenir une véritable transition foncière.

 

Quels sont les outils que vous avez développés pour aider les organisations publiques et privées à intégrer les enjeux des sols dans leurs projets urbains et immobiliers ?

Pour assurer un passage à l’échelle de la sobriété foncière, les acteurs doivent pouvoir s’appuyer sur des outils, des standards et des critères reconnus. L’Institut de la Transition Foncière s’est donné comme mission de produire ces outils, en rassemblant les professionnels engagés dans la gestion des sols (privés comme publics, promoteurs, aménageurs, collectivités, architectes, bureaux d’études) ou dont l’activité a un impact sur la consommation des sols (investissement, assurance, etc.). Cette méthode permet d’aboutir à des outils connectés directement aux pratiques opérationnelles de la filière et donc, appropriables par tous.

L’Institut développe actuellement 4 outils, visant à répondre aux enjeux de modèles économiques ou de manque de connaissance des acteurs pour des projets en “sobriété foncière”, c’est-à-dire n’artificialisant pas de nouveaux espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF).

Le bilan d’opération de transition foncière vise à intégrer les coûts et bénéfices de l’artificialisation ou au contraire de la protection des sols dans le modèle économique des projets d’aménagement. Il permet de comparer différents scénarios de projets avec l’état initial, en proposant une méthodologie pour évaluer les fonctionnalités des sols, aussi bien que le coût de leur dégradation – à travers le chiffrage de leur future remise en état. Nous sommes actuellement dans une phase de test de cet outil, avec un opérateur privé, un bailleur social, et une ville moyenne. L’Etat (ANCT notamment) suit de près les résultats de ce nouveau modèle économique.

L’outil référentiel des techniques de renaturation des sols s’inscrit en réponse aux questionnements des acteurs de l’aménagement sur la mise en œuvre des opérations de renaturation, notamment dans le cadre de la mise en œuvre du ZAN. Ceux-ci soulignent un manque de ressources opérationnelles sur la question, concernant notamment le choix des techniques de renaturation à mettre en œuvre, les coûts, la temporalité et les modes d’évaluation de ces pratiques de renaturation. Il s’agit donc de proposer non seulement un panorama des techniques de renaturation existantes, mais également un outil d’aide à la décision en fonction des caractéristiques du sol et des contraintes du maître d’ouvrage.

L’Institut travaille également à la création d’un diagnostic des sols dans les cessions (à l’instar du DPE pour la transition énergétique), permettant de guider la décision de leur affectation. Enfin, nous menons actuellement une étude sur le portage des ENAF, dans l’idée que face aux enjeux de stockage carbone et de maintien de la biodiversité, la propriété des ENAF dans le temps long doit être organisée.

 

Quelle articulation l’Institut de la Transition Foncière peut-il avoir avec la Fédération des élus des Entreprises publiques locales (FedEpl) pour sensibiliser les Entreprises publiques locales (Epl) et les accompagner dans la gestion durable des sols ?

L’Institut de la Transition Foncière et la Fédération des élus des Entreprises publiques locales peuvent jouer des rôles complémentaires pour sensibiliser et accompagner les Entreprises publiques locales (Epl) à la gestion durable des sols. En particulier, la FedEpl contribue à la conception et au développement des outils de l’Institut, au sein de ses groupes de travail, afin de garantir leur caractère appropriable pour les Epl. L’ITF, de son côté, réalise en continu une cartographie des initiatives de transition foncière et serait très heureux de documenter et valoriser des études de cas sur la gestion durable des sols menée par certaines Epl. Cela permettrait de diffuser les leçons apprises et de faire émerger des bonnes pratiques pouvant être répliquées par d’autres acteurs publics locaux. A terme, un réseau Sols des aménageurs et des collectivités pourrait être envisagé.

Une collaboration entre l’ITF et la FedEpl pourrait aussi renforcer un plaidoyer commun auprès des instances nationales ou locales pour faire évoluer les réglementations et les politiques publiques en matière de gestion durable des sols. Ensemble, ils pourraient inciter les Epl à adopter des engagements concrets en faveur d’une meilleure protection des sols dans leurs territoires (charte, méthodologie, connaissance des sols, etc).

Par Camille COMBES
Top