Pourquoi ce partenariat ?
Benjamin Gallèpe : Les Sociétés d’économie mixte (Sem) immobilières tiennent une place croissante dans le développement du logement social et ce rapprochement avec DELPHIS, implantée de longue date dans le secteur, est source de reconnaissance pour les Sem en tant que bailleurs sociaux à part entière. Par ailleurs, favoriser les échanges d’expertise et d’expérience est essentiel, tant les besoins de transformation de l’habitat sont massifs et le seront pour longtemps.
Charlotte Limousin : Au sein de son réseau, DELPHIS travaille avec quelques Sem depuis plusieurs années. Il nous semble naturel aujourd’hui de renforcer nos liens avec la Fédération des Epl qui rassemble des acteurs importants du logement social. Et ce rapprochement ouvre des perspectives au-delà de l’immobilier. Par la mixité de leurs activités, les Epl constituent des partenaires potentiels pour tous les bailleurs sociaux dans les territoires, sur des questions d’énergie ou de service à la personne par exemple.
Benjamin Gallèpe, pouvez-vous présenter les activités des Epl ?
Les Epl interviennent dans une grande diversité de secteurs : aménagement, habitat, immobilier d’entreprise, mais aussi énergies renouvelables, tourisme, culture, loisirs, mobilité, stationnement, action sociale et santé de proximité… Aujourd’hui, une Sem mono-activité, cela n’existe pas. Sa force réside dans cette offre de biens et de services pour répondre localement à des besoins complémentaires.
Chacune des Sem diversifie ses champs d’intervention grâce à la souplesse de son statut. L’essentiel est de garder de la cohérence par rapport à son cœur de métier pour être présent sur une chaîne de valeur locale. Sur le plan économique, une Sem peut compléter son activité de bailleur social par d’autres pour équilibrer son modèle économique, voire contribuer à développer l’offre de logements sociaux et abordables grâce à ces activités complémentaires.
Charlotte Limousin, quel regard portez-vous sur ces spécificités ?
L’ancrage territorial des EPL est un point commun majeur avec les autres bailleurs sociaux, et ouvre des champs de réflexion partagés. Tous les organismes de logement social sont engagés dans l’amélioration du cadre de vie des habitants, et s’intéressent au développement de services dans le prolongement de leur engagement en matière de qualité de service au quotidien.
Il s’agit d’approfondir toutes ces dimensions liées à l’accompagnement du bien-vivre en explorant des modèles de coopération entre bailleurs sociaux et EPL. Nous pouvons nous appuyer sur la mixité des activités gérées par les différents acteurs, et sur la mixité des bénéficiaires potentiels.
Cette approche partenariale et territoriale va de pair avec l’enjeu RSE et l’ouverture aux parties prenantes portés de longue date par DELPHIS. Pour les bailleurs sociaux comme pour les EPL, établir un dialogue avec collectivités, financeurs, partenaires professionnels, associatifs, et usagers est essentiel pour améliorer leur contribution aux dynamiques locales.
La RSE, un fil rouge de votre collaboration ?
Benjamin Gallèpe : Effectivement, il y a cet enjeu essentiel d’embarquer tout le monde dans une dynamique RSE. Chaque entreprise, chaque collectivité, a aujourd’hui besoin de s’en saisir, qu’il s’agisse de répondre à une obligation réglementaire et/ou de porter son engagement. Nous avons besoin de compétences pour aider à comprendre ce qui est en jeu (et j’inclus la qualité de vie au travail des salarié.es), pour aider à mettre en place des objectifs ciblés et à mesurer ses impacts avec des indicateurs adaptés.
Charlotte Limousin : A titre d’exemple, nous travaillons autour de la mise en œuvre de la CSRD par les organismes de logement social mais aussi autour de leur reporting ESG pour les financeurs, et cela peut intéresser les EPL. DELPHIS a également développé une méthode de mesure d’impact local, AcTerr®, qui a tout son sens pour des acteurs comme les EPL et leurs collectivités actionnaires. La SACVL, SEM de la Ville de Lyon, y a d’ailleurs eu recours, après que nous ayons adapté la méthode à son activité de gestionnaire d’un parc mixte, incluant des logements sociaux.
Benjamin Gallèpe, quand vous évoquez les « besoins de transformation de l’habitat », de quoi parlez-vous ?
La transition écologique et démographique, la lutte contre les inégalités sociales requièrent encore de nombreux investissements. Aujourd’hui, notre parc français n’a pas la capacité d’absorber l’ampleur des chocs actuels et futurs. Si les bailleurs sociaux ont déjà bien avancé, nous devons collectivement accélérer. La rénovation énergétique des logements, leur transformation pour s’adapter au maintien à domicile ou à l’accueil de familles recomposées, le soutien à la mobilité résidentielle, constituent notamment des priorités.
Avec les élus à la tête de leur gouvernance, et l’attachement au projet politique local qui les caractérise, les Epl ont un rôle moteur à jouer. Notre Fédération a vocation à éclairer et accompagner leur manière d’interagir avec l’écosystème local, d’adapter les process de concertation à l’évolution des publics pour mieux agir avec eux. Nous avons besoin de partenaires de référence comme DELPHIS. Et nous partagerons aussi notre expérience avec les bailleurs sociaux sur l’accompagnement des habitants.
Charlotte Limousin, renforcer l’accompagnement des habitants, qu’en pensez-vous ?
C’est un enjeu majeur, aujourd’hui et pour l’avenir. En complément d’outils et méthodes opérationnels que DELPHIS développe, c’est notre rôle d’explorer et d’élargir nos horizons avec les EPL, d’étudier les situations qui n’ont pas encore trouvé de solution locale. La dynamique de travail en réseau, l’esprit d’entrepreneuriat et d’expérimentation sont des atouts communs sur lesquels capitaliser.
Au-delà de la France métropolitaine, vous avez un lien avec les territoires ultra-marins. Pouvez-vous nous en parler ?
Benjamin Gallèpe : Le mouvement des EPL en Outre-mer est historiquement très fort. Les collectivités ont eu très tôt recours aux Epl pour les épauler en matière de ressources humaines et financières, d’ingénierie de projet. Dans les Outre-mers, aujourd’hui, près de 75% des personnes logées par des opérateurs publics le sont par des SEM.
Cela nous donne une responsabilité pour adapter nos réponses aux besoins et aux spécificités de chaque territoire. Pour exemple, la 16ème Conférence des Epl Outre-mer se tiendra en 2024 en Guyane où il s’agit de faire face aux attentes des jeunes de plus en plus nombreux, aux besoins d’adaptation des logements pour les aîné.es, aux problèmes de l’habitat illégal, mais aussi aux défis climatiques, aux transitions vertes et bleues.
Charlotte Limousin : Côté DELPHIS, nous avons développé une expertise autour de l’accompagnement du vieillissement Outre-Mer, et en 2023 en particulier, nous sommes rapprochés de la Société Immobilière de Calédonie autour du maintien à domicile des locataires âgés. Nous poursuivons notre réflexion pour prendre en compte la complexité et l’interdépendance des phénomènes dans les territoires.
Être senior aujourd’hui, plus qu’une question d’âge, c’est une manière personnelle d’envisager les prochaines étapes de sa vie, une diversité de modes d’habiter, une vulnérabilité face aux (nouveaux) risques mais aussi une réflexion sur sa place et son utilité dans la société, son lien social. Notre partenariat avec les Epl est un espace pour poursuivre la réflexion théorique et aller ensemble à la rencontre des réalités et des habitants pour faire progresser leur accompagnement.
A propos…
La FedEpl en matière d’habitat représente près de 700 00 logements, dont 560 000 logements agréés sociaux soit 10% du parc social français. Basée à Paris, elle s’appuie sur 14 fédérations d’Epl régionales, 11 en métropole 3 en Outre-mer.
Association de bailleurs sociaux, DELPHIS réunit 71 organismes de logement social membres, ce qui représente plus de 30% du parc social. Basée à Paris, elle s’appuie sur un réseau implanté dans 12 régions de France et un département Outre-mer.