menu

Valoriser son engagement, les Epl à la conquête d’une nouvelle économie

Publié le 18 octobre 2024

Les Epl d’aménagement s’engagent pour maximiser l’impact territorial de leurs projets au-delà des seules considérations financières. Trois temps forts ont rythmé les échanges de la table ronde du 9 octobre organisée lors du congrès des Epl, à Nantes. Elus, professionnels de l’aménagement et cadres d’Epl ont présenté leurs outils et méthodes pour conduire et valoriser leurs impacts extra-financiers.

Photo : Stéphane Laure

Politiques publiques locales et raison d’être comme guides à l’impact extra-financier

Agnès Thouvenot, première adjointe de la ville de Villeurbanne et présidente de la Sem SVU – Société villeurbannaise d’urbanisme a rappelé que les collectivités, de facto, engageaient des politiques publiques en faveur de l’utilité sociale, au-delà des considérations financières. Dans le cas de Villeurbanne, des orientations publiques ont été prises pour un développement économique durable, en identifiant des filières de transition telles que le bois, le vélo et l’industrie verte, et en se dotant d’une doctrine d’urbanisme. Sur le volet immobilier, la SVU a mis en place une péréquation financière entre les différents rez-de-chaussée qu’elle porte, permettant de minorer des loyers pour des acteurs émergents ou en phase d’amorçage, notamment dans l’ESS, afin qu’ils puissent s’installer durablement sur le territoire sans être pénalisés par des coûts immobiliers trop élevés. La question de l’équité de traitement reste toutefois cruciale.

Vincent Malfere, directeur général du Groupe SERL,  est revenu sur la raison d’être dont s’est doté le groupe en 2021, qui porte à la fois sur les actions internes à l’entreprise et sur ses projets. Cette raison d’être se matérialise par deux feuilles de route sur les thématiques de l’insertion et de l’économie circulaire, et d’une politique d’achat socialement et écologiquement responsable. 14 indicateurs extra-financiers ont été mis en place pour mieux évaluer l’impact de l’activité du groupe. Le groupe s’est également engagé sur des thématiques majeures de la charte des espaces publics de la Métropole de Lyon, telle que la concertation et la co-conception, avec la mise en place d’un van itinérant qui déambule pour aller recueillir la parole des citoyens qui ne participent pas habituellement aux réunions publiques formelles.

Vincent Malfere rappelle que ces engagements apportent des bénéfices en termes d’image d’entreprise, d’attractivité pour le recrutement et d’impact social, mais demandent un investissement initial de structuration non négligeable et des ajustements réguliers pour en assurer la pertinence et la viabilité à long terme.

L’évaluation socioéconomique des projets d’aménagement (ESE)  

L’ESE, depuis la loi de programmation des finances publiques, est obligatoire pour tout projet d’investissement dont le financement par l’Etat ou l’un de ses établissements est supérieur à 20 M€, mais n’est pas une obligation pour les Epl, comme le rappelle Fatima Abdelkader, directrice territoriale Bretagne Normandie Pays de la Loire de la SCET. Elle permet de mesurer la valeur d’un projet d’aménagement en prenant en compte non seulement les effets marchands mais aussi les effets non-marchands, comme les émissions de CO2 évitées ou le gain de temps trajet domicile-travail. Dans la méthode mise en place par la SCET, le scénario tel qu’il est prévu est comparé à un scénario contrefactuel et chaque analyse est adaptée au territoire et aux objectifs prioritaires poursuivis.

Romain Champy, directeur opérationnel de la Sem Oppidea Europolia à Toulouse, a rappelé que le modèle économique de l’aménagement était en pleine mutation, principalement en raison de la bascule des fonciers de l’extension vers le renouvellement, l’augmentation des exigences environnementales et la conjoncture immobilière. L’évaluation socio-économique intervient pour justifier l’allocation de fonds publics de manière plus rationnelle, comme un outil d’aide à la décision dans un contexte de contraintes économiques croissantes. Son utilisation a par exemple permis de démontrer aux élus que construire un site dense était plus vertueux d’un point de vue environnemental que d’étendre l’urbanisation à la périphérie de Toulouse, en se basant sur des données concrètes comme les émissions de CO2 ou la qualité de vie.

L’ESE vient ainsi bousculer l’appréciation traditionnelle d’un projet au seul respect du programme et de l’enveloppe prévisionnelle, en quantifiant différents impacts attendus pour en donner une traduction monétaire tout en s’appuyant sur des valeurs tutélaires qui font consensus.

Un engagement de plus en plus valorisé dans les conditions d’accès au financement bancaire

L’évaluation socioéconomique est d’autant plus importante qu’elle est de plus en plus prise en compte par les financeurs. C’est notamment le cas pour le Crédit Coopératif, dont Valérie Vitton, directrice du marché des personnes morales, a présenté la stratégie en matière de financement de projets à impact social et environnemental.

Cette dernière passe dans un premier temps par la montée en compétence des équipes qui mettent en place un dialogue stratégique avec leurs clients sur les sujets ESG. Pour se faire, un guide d’entretien spécifique a été mis en place, tenant compte des spécificités des différents secteurs, qui est une pièce phare dans la prise de décision de crédits octroyés.

Les critères extra-financiers impactent directement l’appréciation du risque et par conséquent le taux du financement, et le Crédit Coopératif accompagne des engagements exemplaires grâce à une offre spécifique, le « prêt à impact ». Une opération avec des objectifs environnementaux solides, comme la réduction des îlots de chaleur ou une labellisation exemplaire, peut se voir octroyer un taux plus attractif, par exemple. Les conditions de crédit sont ainsi ajustées, considérant qu’une opération déconnectée des préoccupations environnementales aura un impact négatif sur sa valeur future. Valérie Vitton souligne néanmoins le besoin pour les établissements bancaires de s’aligner sur les critères pris en compte et d’en développer de nouveaux, comme l’inclusion sociale ou la biodiversité.

Une clôture de séance qui souligne le rôle moteur des Epl dans la dynamique d’engagement des entreprises

La séance a été clôturée par un discours du président du MEDEF Centre Val de Loire, Bertrand Schaupp , qui a rappelé le rôle essentiel des Epl dans la dynamique des projets à impact positif sur les territoires, et plus particulièrement dans l’aménagement. Les Epl innovent, les initiatives ne manquent pas et ruissellent sur les entreprises privées avec qui elles travaillent. Il relève notamment l’importance pour toute entreprise de mesurer l’impact de ses actions et permettre le choix d’arbitrer ses investissements, en tenant compte des externalités au-delà du simple fait financier. Ce dernier est convaincu que l’aménagement engagé est un investissement rentable à long terme. Il rappelle également l’importance croissante des collaborations entre les Epl et le secteur privé, pour accompagner les transformations et diffuser les bonnes pratiques.

 

Par Camille COMBES
Top