menu

ZAN : le Sénat plaide pour un changement de méthode et de rythme

Publié le 17 octobre 2024

Voici peut-être les prémices d’une troisième loi ZAN. Le travail engagé il y a 6 mois par le groupe de suivi des dispositions législatives et réglementaires relatives à la stratégie de réduction de l’artificialisation des sols est arrivé à maturité. Le rapport du sénateur Jean-Baptiste Blanc a été adopté ce mercredi 9 octobre par l’ensemble de ce groupe transpartisan, à l’exception des Écologistes. Parmi les propositions phares, citons par exemple la sortie des implantations industrielles et du logement social du décompte du ZAN, la mise en place de nouveaux critères de territorialisation, le maintien, après 2031, du mode de calcul basé sur la consommation d’Enaf ou encore la tolérance d’une marge de dépassement de 20% de l’enveloppe de l’artificialisation. Sur le financement du ZAN à proprement parler, des mécanismes fiscaux devraient être dévoilés dans un rapport de la commission des finances du Sénat attendu dans les semaines à venir. À temps peut-être pour nourrir le prochain PLF.

Logo cadre de ville
Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.

« Il existe un consensus sur la nécessité de promouvoir une gestion économe de l’espace, mais les acteurs dénoncent les effets pervers d’une méthode qui, telle qu’elle est écrite actuellement, est sans nuances, ainsi que les blocages qui persistent et qui ne permettent pas de territorialiser de façon équitable les efforts de réduction de l’artificialisation », a introduit Guislain Cambier, sénateur UDI du Nord et président du groupe de suivi des dispositions législatives et réglementaires relatives à la stratégie de réduction de l’artificialisation des sols, lors d’une conférence de presse organisée au Sénat le mercredi 9 octobre.

Ce bilan est le fruit du travail mené depuis février 2024 par cette structure transpartisane commune aux commissions des affaires économiques, de l’aménagement du territoire et du développement durable et des finances du Sénat. Au total, 70 acteurs qui « font le ZAN » ont été auditionnés et plus de 1 400 contributions ont été recueillies à l’issue d’une consultation en ligne auprès d’élus locaux. Preuve, pour Guislain Cambier, que « la chambre des territoires » s’est mise « à l’écoute des difficultés territoriales ».

Le ZAN : « une mal conception initiale »

S’il affirme partager l’objectif de sobriété foncière, l’application du ZAN s’avère être un « casse-tête pour les élus et les acteurs de l’aménagement. Elle repose sur une mal conception initiale », a commenté Guislain Cambier.

Les remontées de terrain font état de nombreuses incompréhensions et mécontentements. On reproche à l’Etat une vision trop « centralisatrice » et « technocratique », une méthode « mal pilotée » avec une « traduction arithmétique », « chronométrée » et « indifférenciée ». Les retards dans la publication des décrets sont aussi pointés du doigt et ce, « alors même que la période de référence pour atteindre le premier objectif de réduction de moitié de l’artificialisation d’ici 2031 a débuté dès la promulgation de la loi, en août 2021 », rappellent les auteurs du rapport.

« Nous n’avons pas un État aménageur mais un État boutiquier, courtier des malus du ZAN », a lancé de son côté Guislain Cambier. D’où les fortes attentes des collectivités en matière de clarification, de simplification et d’accompagnement, sans quoi « le ZAN pourrait conduire à une crise analogue à celle des Gilets jaunes », peut-on lire dans le rapport.

Des ajustements sur les enveloppes de l’artificialisation

Ces six mois de travaux ont permis au groupe de suivi de formuler plusieurs recommandations réunies dans un rapport voté ce mercredi 9 octobre par l’ensemble des membres du groupe, à l’exception des Écologistes. Certaines mesures portent plus spécifiquement sur la période pré-2031.

L’une d’entre elles vise à apporter un peu de souplesse en appliquant une tolérance de 20 % de dépassement de l’enveloppe d’artificialisation mentionnée dans la circulaire ministérielle du 31 janvier 2024, lors du contrôle de légalité des documents d’urbanisme. La mise en place d’un guichet unique est également évoquée pour offrir un meilleur accompagnement des collectivités, tout comme le renforcement de l’ingénierie et des outils de l’aménagement uniformément sur l’ensemble du territoire. A ce jour, l’accès des collectivités à leurs données de consommation et le niveau de connaissance des nouveaux outils d’urbanisme introduits par la loi ZAN 2 de juillet 2023 sont très inégaux.

Pour s’extraire des « injonctions contradictoires » entre sobriété foncière, renaturation, production de logements et réindustrialisation et ne pas entraver le développement des territoires, le rapport propose d’exempter les implantations industrielles et les nouveaux logements sociaux du décompte du ZAN. Cela pourrait notamment passer par un projet de loi de simplification. De même, les PENE (projets d’envergure national ou européen) – dont la sélection est jugée par certains comme opaque et arbitraire – pourraient faire l’objet d’une « exclusion totale et définitive du décompte de l’artificialisation » pour éviter d’alimenter la concurrence entre territoires et le sentiment d’injustice.

En attente d’éléments sur le financement du ZAN

Une autre hypothèse consisterait à réduire le coût de la sobriété foncière en instaurant des mécanismes fiscaux pour que le coût d’artificialisation d’un sol naturel soit plus élevé que le coût de recyclage d’un sol déjà artificialisé. « L’absence persistante de réflexion sur le financement de la stratégie de réduction de l’artificialisation des sols et sur les effets pervers de la fiscalité locale, par essence artificialisante » a d’ailleurs poussé la commission des finances à lancer il y a quelques mois une mission d’information relative au financement du ZAN.

Celle-ci devrait livrer ces conclusions dans les prochaines semaines, avec des éléments qui pourraient même être repris dans le prochain projet de loi de finances. « Le ZAN n’est pas financé. Bercy est incapable de nous donner des chiffres. Or, si les collectivités doivent savoir compter, l’Etat aussi », fait savoir Guislain Cambier, président du groupe de suivi.

De nouveaux critères de territorialisation

Pour l’après 2031, les préconisations sont d’un autre ordre. Il s’agit, par exemple, d’introduire de nouveaux critères de territorialisation pour mieux tenir compte de la « diversité territoriale » comme le différentiel de densité, la dynamique de peuplement et d’activité ou encore les besoins en termes de logement. Le rapport suggère aussi d’inclure dans la loi des mécanismes de surcote de droit, sur le modèle de la garantie de développement communal, pour les territoires ruraux, de montagne, littoraux ou ceux soumis aux risques naturels.

S’agissant de la garantie communale précisément, des blocages ont été identifiés au niveau des modalités de mutualisation. Le groupe de suivi réfléchit à un « assouplissement ponctuel, à la discrétion des maires des communes bénéficiaires », sans pour autant remettre en question ce principe. « Les territoires ruraux auront toujours besoin de ce bouclier », assure Guislain Cambier.

Un mode de calcul centré sur la consommation d’ENAF

Le rapport suggère aussi de ne pas changer de mode de calcul à mi-parcours pour plus de facilité. Plutôt que d’enregistrer l’artificialisation à partir de 2031, il s’agirait donc de rester centré sur la consommation d’Enaf.

Cela présente l’avantage de mieux tenir compte de la santé des sols car la notion d’artificilisation/désartificialisation peut être trompeuse. Elle laisse penser à une réversibilité alors qu' »il faut au moins 200 ans (et jusqu’à plusieurs milliers d’années) pour former un centimètre de sol », expliquent les auteurs du rapport. « Un sol désartificialisé recouvrera certes sa perméabilité et apportera à nouveau des bénéfices pour la biodiversité, mais ne retrouvera ses qualités agronomiques et écologiques qu’au terme d’un très long processus ». Autre détail important pour les territoires ruraux : cette évolution permettrait de ne pas inclure les bâtiments agricoles (ferme, hangar…) dans le décompte du ZAN.

L’étape intermédiaire de 2031, bientôt remise en cause ?

Pour le sénateur LR du Vaucluse et rapporteur Jean-Baptiste Blanc, cela ne fait aucun doute : le ZAN est bien « le défi du siècle ». Mais c’est aussi aujourd’hui « un totem qu’il est tabou de questionner ». Avec ce rapport, le groupe de suivi ne s’est pourtant pas interdit de le faire. Il est même allé plus loin en se demandant si l’objectif intermédiaire de réduction de -50% en 2031 était encore pertinent. Il n’exclut pas d’effacer, de reporter ou d’abaisser ce chiffre, privilégiant ainsi une logique de cap à celle d’enveloppe. Autrement dit, un objectif général de sobriété foncière plutôt qu’un dispositif coercitif.

L’heure est aujourd’hui à l’écriture d’un nouveau contrat de confiance à l’échelle locale, la concertation avec les élus locaux ayant, d’après le groupe de suivi, fait défaut à la loi Climat et Résilience d’août 2021. « Il faut faire confiance aux territoires. Ils ont engagé une démarche de trajectoire de sobriété foncière. On a déjà des résultats en matière de baisse de consommation foncière », a indiqué Jean-Baptiste Blanc. Les travaux du groupe de suivi se poursuivront par ailleurs à l’automne 2024 et déboucheront au premier semestre 2025 sur des « propositions de nature législative ». Une troisième loi ZAN a en effet déjà été annoncée.

D’autres articles, publiés par Cadre de Ville, peuvent vous intéresser :

La Banque des territoires annonce une offre intégrée d’appui à l’adaptation au changement climatique

Les Sem, SPL et Semop affichent 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires

Philippe Laurent : l’action publique gagne en efficacité avec le modèle EPL

Stéphane Fratacci – CCI : « l’offre de service globale qu’apporte la ville doit aboutir mieux et plus vite »

Par Cadre de Ville
Top