« Nous entrons dans une époque où il faudra davantage parler de ménagement du territoire ». C’est dans le Rhône, département durement touché à la mi-octobre par des inondations et des crues exceptionnelles, que Michel Barnier, accompagné d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, et de Claire Carrège-Gée, ministre déléguée chargée de la Coordination gouvernementale, a présenté, vendredi 25 octobre, le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique.
Un Pnacc 3 hérité des précédents gouvernements
Un document stratégique, dont la préparation a mobilisé les services de l’Etat pendant plus d’un an et dont la publication a été repoussée à maintes reprises. Son principal artisan, Christophe Béchu, estimait le 17 juillet dernier, dans une lettre adressée à l’ensemble des parties prenantes, que « les conditions politiques [n’étaient] plus réunies pour que ce gouvernement endosse la responsabilité d’une stratégie qui engage l’avenir du pays sur plusieurs décennies ». Trois mois plus tard, c’est un nouveau gouvernement et un Premier ministre convaincu par « l’urgence écologique » qui porte l’entrée de cette troisième version du Pnacc en consultation publique. Celle-ci s’est ouverte vendredi et se clôturera le 27 décembre 2024. Au terme de cette période, durant laquelle le CNTE (Conseil national de la transition écologique) sera sollicité et des concertations sectorielles et territoriales engagées, les contributions viendront enrichir la version finale du Pnacc, avant sa mise en œuvre effective, annoncée début 2025.
Fondé sur une Tracc (Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique) fortement revue à la hausse fin 2023 – conformément au scénario tendanciel établi par les experts du Giec, celle-ci anticipe désormais un réchauffement de +2°C en France métropolitaine à l’horizon 2030, +2,7°C à l’horizon 2050 et +4°C d’ici la fin du siècle – le Pnacc propose une stratégie intégrée, traversant l’ensemble des politiques publiques, de la santé à l’économie, en passant par l’urbanisme, le logement, les transports, la biodiversité, l’agriculture ou encore l’éducation, le travail et la culture.
Mettre en cohérence tous les leviers de l’action gouvernementale
Il se décline en 5 axes prioritaires, 51 mesures et plus de 200 actions, qui seront mises en œuvre de façon progressive, à court, moyen et long terme. L’ambition est de protéger la population, d’assurer la résilience des territoires, des infrastructures et des services essentiels – EDF et la SNCF ont présenté lors des derniers Entretiens du Cadre de Ville leurs stratégies évolutives d’adaptation au changement climatique – d’adapter les activités humaines, de protéger le patrimoine naturel et culturel et enfin de mobiliser les acteurs publics et privés. Il s’agit aussi, a insisté Michel Barnier, de « mettre en cohérence tous les leviers de l’action gouvernementale », de « prendre en compte les spécificités des territoires », notamment ultra-marins, et de « s’appuyer sur les moyens financiers adéquats ».
Quelques chiffres laissent entrevoir l’ampleur des enjeux auxquels les territoires sont confrontés. Plus de 300 communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle après les inondations qui ont frappé les Hauts-de-France à la fin 2023 et au début 2024, et Michel Barnier a promis vendredi que l’arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle serait publié cette semaine pour toutes les communes touchées par les inondations de la mi-octobre. Autres sujets d’ampleur, 11 millions de maisons sont exposées au risque de retrait-gonflement des argiles et 500 000 logements sont menacés par le recul du trait de côte à l’horizon 2100. À l’aune des seuls risques littoraux, l’Igedd et le Cerema ont chiffré à 100 Md€ la valeur des biens impactés par le recul du trait de côte d’ici la fin du siècle. A cet horizon, les surfaces urbanisées menacées de submersion représentent plus de 40 000 ha, soit 4 fois la surface de Paris intra-muros.
Les moyens du fonds Barnier augmentés de 75 M€
Pour répondre à ces enjeux, le Pnacc prévoit un ensemble de mesures visant à mieux connaître la réalité des risques et à accompagner les acteurs publics et privés dans leurs stratégies de prévention et d’adaptation.
L’une des principales mesures annoncées vendredi par le Premier ministre, mesure qui devra toutefois être confirmée dans le cadre du débat budgétaire ouvert au Parlement, consiste à porter les autorisations d’engagement du FPRNM (Fonds de prévention des risques naturels majeurs), ou fonds Barnier, à 300 M€, contre 225 M€ dans le PLF initial. Rappelons que ce fonds peut être mobilisé par les particuliers et les petites entreprises, mais aussi par les collectivités territoriales, les établissements publics fonciers et les services de l’État, pour subventionner des travaux de réduction de la vulnérabilité des habitations et des locaux d’activité, ou financer le rachat des bâtiments menacés par un risque naturel majeur. Michel Barnier a également évoqué les moyens du Fonds vert, pourtant divisés de moitié dans le PLF 2025, à 1 Md€, qui pourraient être « plus substantiellement consacrés à l’adaptation au changement climatique ».
Une Mission adaptation pour accompagner 100 territoires
Autre mesure figurant au Pnacc, et qui est d’ailleurs dans les tuyaux de l’État depuis de longs mois, la création d’un « guichet unique de l’adaptation » à travers la Mission adaptation déployée par l’Ademe, le Cerema, l’ANCT, l’OFB, les Agences de l’eau et Météo France. Concrètement, 100 territoires souhaitant s’engager dans une démarche d’adaptation bénéficieront, dès 2025, de l’expertise des agences de l’État et d’un soutien en ingénierie.
Enfin, de façon plus globale, les collectivités seront appelées à se saisir de cet enjeu et à inclure la dimension climatique dans les décisions locales. La Tracc sera ainsi intégrée à tous les documents de planification publique, au fur et à mesure de leur renouvellement, qu’il s’agisse des Sraddet (Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), des SRCAE (Schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie), des SAR (Schémas d’aménagement régionaux), des PCAET (Plans climat-air-énergie territoriaux), des SCoT (Schémas de cohérence territoriale), des PLUi ou encore des schémas d’aménagement et de gestion de l’eau.
La liste n’est pas exhaustive et Michel Barnier a évoqué d’autres enjeux clés, comme la ressource en eau, sujet d’une conférence nationale dont les conclusions permettront de consolider le Plan Eau, l’adaptation des logements au risque de forte chaleur, la renaturation des villes, le déploiement à grande échelle des technologies de froid renouvelable ou encore des solutions d’adaptation fondées sur la nature. Il faudra « adapter nos quartiers, nos lignes de chemin de fer, nos réseaux d’énergie, a-t-il rappelé vendredi. Dans la vallée que nous visitions ce matin, le paysage a changé au fil des siècles, au fil de la révolution industrielle. À notre tour, nous devrons faire évoluer ce paysage pour l’adapter au changement climatique ».
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