Le ZAN toujours au centre des critiques
Passée sous le feu des questions par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 6 novembre dernier, la nouvelle ministre du Logement et de la Rénovation urbaine, a dû revenir à plusieurs reprises sur le dispositif du « zéro artificialisation nette » (ZAN), critiqué de toutes parts.
Il est accusé, par certains députés, de mettre sous cloche les territoires ruraux ou encore de ne pas suffisamment prendre en compte les spécificités des communes de montagne, et ce malgré la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus.
Valérie Létard, qui connaît bien le ZAN pour avoir été présidente de la commission spéciale en charge de la loi dite « ZAN 2″ de 2023, indique qu’une réflexion est en cours pour faire évoluer le ZAN, mais que son ministère ne sera pas en première ligne. C’est la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, Catherine Vautrin, qui sera à la manœuvre. En revanche, Valérie Létard veillera à ce que les enjeux du logement « soient à leur juste place ».
Elle pointe notamment un oubli dans le dispositif actuel s’agissant des nouveaux emplois que créeront les futurs projets d’envergure nationale ou européenne d’intérêt général majeur. « On va avoir besoin de nouveaux logements à proximité de ces projets. Or, rien n’a été prévu pour eux dans la loi de 2023 », souligne-t-elle.
Le gouvernement pourrait s’appuyer sur la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, qui a été déposée par les sénateurs Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc le 7 novembre dernier, puis rendue publique le 13 novembre : https://www.senat.fr/leg/ppl24-124.html
Ce texte fait suite aux travaux du groupe de suivi sur la stratégie de réduction de l’artificialisation des sols de la chambre haute : https://www.cadredeville.com/announces/2024/10/10/zan-le-senat-plaide-pour-un-changement-de-methode
Son ambition, telle qu’elle ressort de l’exposé des motifs de la proposition de loi : renforcer l’acceptabilité et la soutenabilité d’une stratégie nationale de sobriété, à un rythme compatible avec les autres politiques écologiques de la France.
Pour y parvenir, plusieurs mesures sont prévues, comme simplifier les modalités de comptabilisation de l’artificialisation, assouplir la trajectoire de réduction pour l’horizon 2021-2031 ou encore inverser la logique de territorialisation des objectifs.
Un ZAN ajusté et non supprimé
La ministre précise aux députés qu’il ne s’agit pas de supprimer le ZAN, mais de faciliter sa mise en œuvre, de faire du sur-mesure, en fonction des spécificités de chaque collectivité. « Il faut retrouver des marges de manœuvre dans les territoires », affirme-t-elle.
Il serait utile que le brouillard se lève rapidement autour de cette énième mutation du ZAN, car les collectivités ne savent plus sur quel pied danser, alors que les Sraddet sont en cours de modification, pour tenir compte de la lutte contre l’artificialisation des sols sur la première période 2021-2031 : https://www.cadredeville.com/announces/2024/11/05/lautorite-environnementale-releve-quelques-points-damelioration-pour-le-sraddet-paca.
Pendant ce temps, le juge administratif, indifférent ou presque à cette saga législative du ZAN, continue à veiller au bon respect d’un usage économe de l’espace.
Par une ordonnance du 8 novembre 2024, les juges des référés du tribunal administratif de Strasbourg ont ainsi suspendu partiellement le PLUi de Metz métropole. En cause, le rapport de présentation et l’évaluation environnementale qui présentaient des insuffisances faussant l’analyse de la consommation foncière ainsi que la fixation des objectifs devant permettre de réduire le rythme de l’artificialisation des espaces naturels, agricoles et forestiers : TA67- Communiqué de presse – PLUi Metz Métropole – 08-11-2024 (1).pdf Reste maintenant à attendre la décision au fond.
ZAN et extension du PTZ seraient compatibles
La ministre du Logement fait, par ailleurs, confiance aux maires dans la perspective du futur élargissement du PTZ sur tout le territoire pour les primo-accédants, dans le neuf et l’ancien, dans le collectif et individuel, qui est actuellement discuté dans le projet de loi de finances pour 2025. Cette extension devant générer la construction de nouveaux logements et donc de la consommation foncière. Pour mémoire, dans la loi de finances pour 2024, le PTZ avait été recentré vers les projets en habitat collectif situés en zone tendue pour limiter l’artificialisation.
Pourtant, le Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport de décembre 2023 intitulé « Pour une fiscalité du logement plus cohérente », relevait qu’il existe « une corrélation entre le nombre de PTZ finançant les logements neufs et les surfaces artificialisées par les communes » : https://www.cadredeville.com/announces/2024/02/22/les-pistes-vers-une-mise-en-coherence-de-la-fiscalite-du-logement.
La PPL visant à transformer les bureaux en logements bientôt remise sur les rails
Pour Valérie Létard, soucieuse de soutenir l’offre de logements, il est indispensable de développer l’industrie de la transformation urbaine. Un premier travail a déjà été engagé avec la proposition de loi transpartisane visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu’habitation en habitations, pour laquelle une commission mixte paritaire avait été convoquée, avant la dissolution de l’Assemblée nationale intervenue en juin dernier. « Le gouvernement soutient ce texte. Il devrait rapidement achever son parcours législatif », confie la ministre.
À ce jour, le texte reste en navette, et le gouvernement pourrait donc convoquer une nouvelle fois une commission mixte paritaire dans les semaines à venir. La proposition de loi joue aussi bien sur les aspects réglementaires que fiscaux pour faciliter les opérations de transformation : dérogations aux règles de zonage du PLU, , modification des règles de majorité dans les copropriétés, recours aux projets urbains partenariaux élargis, création d’un permis comportant plusieurs destinations possibles… https://www.cadredeville.com/announces/2024/06/06/loi-transformation-de-batiments-existants-en-logements-de-nouvelles-regles-d2019urbanisme-a-arbitrer-en-cmp.
« De plus, je souhaite travailler avec le Parlement sur le sujet spécifique des friches commerciales », ajoute Valérie Létard. Un tissu stratégique pour produire des logements sans consommer de foncier, mais sur lequel il est difficile d’intervenir.
Une thématique sur laquelle le 120e Congrès des notaires s’est d’ailleurs penché en septembre dernier. Ces derniers proposent, entre autres, d’élargir les ORT aux entrées de villes et notamment d’autoriser les transferts totaux ou partiels de surfaces de vente de magasin. Elle envisage aussi de réhabiliter un outil ancien et peu usité : les associations foncières urbaines.
Nouveau chantier de simplification
Toujours dans la perspective de produire des logements, la ministre souhaite faciliter la délivrance des autorisations d’urbanisme, sans donner plus de détails à ce stade.
Pour ce faire, elle pourra s’appuyer sur le récent rapport de la Cour des Comptes qui considère le parcours du pétitionnaire comme une véritable course d’obstacles, tout en formulant plusieurs recommandations, à savoir l’interdiction de pratiques illégales en matière d’urbanisme négocié ou la sécurisation des permis tacites : https://www.cadredeville.com/announces/2024/10/24/permis-de-construire-un-edifice-en-peril-pour-la-cour-des-comptes.
Et Valérie Létard d’asséner : « Nous ne produirons pas sans les élus ! ».
En outre, elle explique qu’elle n’est pas favorable à une grande loi sur le logement. Est-ce à dire que le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables soutenu par son prédécesseur et dont le parcours législatif a été percuté par la dissolution de l’Assemblée nationale, serait abandonné ?
« Le chantier de la simplification doit être porté par les parlementaires », renchérit l’ancienne sénatrice.
Elle dit regarder avec attention la proposition de loi transpartisane visant à prévenir les litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et à sécuriser leur application en copropriété.
Ce texte apporte plusieurs aménagements à la loi Climat de 2021 en assouplissant, par exemple, le cadre de la mise en œuvre de l’obligation de décence énergétique, sans modifier les différentes échéances d’interdiction de location des passoires thermiques : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b0546_proposition-loi.
Interrogée par un député sur l’élargissement du logement locatif intermédiaire (LLI) aux particuliers, la ministre ne s’y dit pas opposée par principe.
Vers un statut du bailleur privé ?
Après avoir salué l’adoption définitive le 7 novembre dernier de la proposition de loi sur la régulation des meublés de tourisme, Valérie Létard souhaite travailler plus finement sur une meilleure attractivité des logements de longue durée : https://www.cadredeville.com/announces/2024/10/31/reguler-les-meubles-de-tourisme-le-texte-est-valide-en-commission-mixte-paritaire.
« Il faut dorénavant réfléchir un véritable statut du bailleur privé, et pas seulement d’un point de vue fiscal », ajoute-t-elle.
Autre mesure à venir : la ministre propose que l’encadrement des loyers soit évalué en 2025 dans les villes où le dispositif est applicable.
Sur la question de la rénovation énergétique, elle annonce notamment le lancement imminent d’un groupe de travail sur une banque de la rénovation, une proposition poussée par plusieurs parlementaires depuis quelques mois : https://www.cadredeville.com/announces/2024/09/11/coproprietes-degradees-25-recommandations-du-senat-pour-juguler-la-pauperisation.
« Nous sommes sur un chemin. Il faut essayer d’aller le plus loin possible, sans écarter le risque d’un atterrissage pas forcément à la hauteur des enjeux, compte tenu du contexte budgétaire actuel », conclut Valérie Létard.
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