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La valorisation des actifs et l’évolution des métiers au menu de la commission Habitat

Publié le 13 février 2025

La commission Habitat s’est tenue le 11 février à la Fédération des élus des entreprises publiques locales (FedEpl) sous la présidence de Jérôme Baloge, maire de Niort, président de la communauté d’agglomération du Niortais et président de la FedReg de Nouvelle-Aquitaine. Un rendez-vous marqué par l’intervention d’André Yché, ancien président de CDC Habitat, sur la transformation des actifs et de l’économie de l’immobilier, dans la foulée de la remise de son rapport au ministre du logement sur le sujet.

André Yché lors de son intervention devant la commission Habitat (Photo DR).

Le contexte budgétaire et institutionnel actuel, la crise du logement et plus globalement du secteur immobilier, neuf comme ancien, les transitions énergétiques et démographiques qui s’imposent, obligent à prendre un temps d’arrêt pour examiner plus au fond les perspectives d’un secteur en mutation et des métiers en pleine évolution.

Les deux thèmes abordés au cours de cette commission ont permis d’apporter un éclairage successivement sur l’évolution de l’économie immobilière à travers les transformations des existants, puis sur les perspectives d’évolutions des différents métiers qui concourent à cette évolution du secteur et à son adaptation.

André Yché, ancien dirigeant de CDC Habitat, a été mandaté par Guillaume Kasbarian lors de son passage au ministère du logement pour réaliser un rapport sur la transformation des actifs et de l’économie de l’immobilier.

La crise immobilière est globale et affecte plusieurs secteurs. Il ne s’agit pas uniquement d’un problème de logement mais aussi de la surcapacité des bureaux, de la reconversion des centres commerciaux (au moins 300 sur 1200 sont concernés) et de l’obsolescence des zones d’activités commerciales ou artisanales.

La crise est en partie due à l’obsolescence du modèle d’urbanisme métropolitain basé sur la Charte d’Athènes (espaces spécialisés, monopoles monocentriques). Ce modèle atteint ses limites, notamment avec le désir des salariés de ne plus subir de longs trajets quotidiens.

Il y a un besoin de passer d’une logique monofonctionnelle à une logique multifonctionnelle.

Faire sauter le verrou de la transformation des actifs 

Le principal blocage est la valorisation excessive des actifs à transformer. Les propriétaires tardent à baisser les prix de ces actifs, ce qui entrave les transformations. Il faudrait pouvoir aligner la valeur de transaction sur la valeur d’usage. Il faut que les propriétaires revoient la valorisation de leurs actifs à la baisse, soit pour les transformer eux-mêmes, soit pour les céder.

Et pour y parvenir, André Yché propose de se doter d’incitations financières et fiscales comme imposer une « surfiscalité » sur les actifs vacants depuis 2-3 ans, incitant les propriétaires à réduire leur valorisation. Par ailleurs les collectivités hésitent à remplacer des bureaux rapportant de l’argent par des logements pour des raisons budgétaires évidentes. Elle devraient  pouvoir accepter la transformation, et en cas de blocage, recourir à l’arbitrage de l’État dans un délai de deux ans passé l’instruction des projets.

Le monde de l’immobilier doit dépasser les approches sectorielles et adopter une vision d’ensemble. Les enjeux dépassent le niveau local. L’État central doit prendre ses responsabilités et tracer la voie. Parmi les actions proposées figurent la révision du code de l’urbanisme et du code de la construction pour rendre possible les immeubles et quartiers multifonctionnels.

La mise en place d’une expérimentation en grandeur nature de préférence en Île-de-France, en ciblant un site porteur d’enjeux comme Paris la Défense permettrait de vérifier les objectifs suivis et de fiabiliser les méthodes.

En conclusion, le rapport d’André Yché met en lumière une crise immobilière profonde et multifactorielle, nécessitant une approche globale et une action décisive de l’État. Les préconisations visent à débloquer la transformation des actifs en s’attaquant aux barrières économiques et aux réticences locales, tout en promouvant une vision multifonctionnelle de l’urbanisme. La transformation du secteur immobilier est une nécessité pour ne pas laisser proliférer les friches, qui engendrent des coûts et entravent le développement durable. L’expérimentation à Paris la Défense est vue comme une première étape concrète.

Perspectives d’évolution des différents métiers 

Pour ce qui concerne les perspectives d’évolution des différents métiers, leur analyse se construit autour de six points clés :

  1. L’industrie immobilière : le secteur est en pleine transformation. On observe une structuration des métiers en 7 grands domaines : « Property-management », « Asset-management », « Facility-management », « Information-management », « Transaction-management », « Project-management » et « Utilities-management ».
  2. Acteurs et métiers : l’identification de 9 grandes catégories : Investissement-Financement, Expertise, Ingénierie-Prestations Techniques, Architecture, Urbanisme-Aménagement, Promotion Immobilière, Construction-Rénovation, Commercialisation, et Gestion. Plusieurs exemples de métiers spécifiques sont listés pour la Promotion Immobilière et le Logement Social. L’IP2I a répertorié un total de 445 métiers.

En ce qui concerne la  situation conjoncturelle en 2025, les observations sont contrastées entre métiers « de flux » et « de stock ».

  • Construction de logements sociaux très faible malgré une forte demande.
  • Nécessité de rénover le parc de logements sociaux.
  • Promotion immobilière en crise.
  • Ralentissement de la commercialisation de logements privés.
  • Rénovation énergétique des copropriétés en progression.
  • Excédent de bureaux neufs et développement de la vacance.
  • Rénovation des bureaux stimulée par la REET.
  • Secteurs porteurs : entrepôts, logistique, hôtellerie, tourisme, commerce, distribution, parcs d’activité, médico-social.

En matière de recrutement, les employeurs recherchent des candidats ayant : le sens du résultat, la rigueur, l’esprit d’équipe, la communication, l’autonomie et l’innovation.

  • Les jeunes recherchent une bonne ambiance de travail, une rémunération satisfaisante, un équilibre vie pro/vie perso, la possibilité d’évolution, des missions intéressantes, et une reconnaissance.
  • La quête de sens et la responsabilité environnementale sont des critères importants pour les jeunes : 74 % des étudiants affirment que les questions environnementales seront déterminantes dans leur recherche d’emploi.
  • Méthodes de recrutement : alternance, canaux multiples, processus rapide (2 entretiens max), délais courts.

Les évolutions marquantes observées sont :

  • La transition énergétique et décarbonation (ESG, CSRD) : création de nouveaux métiers (audit, diagnostic, energy-management).
  • La restructuration des patrimoines : changements d’usage, transformation bureaux-logements, surélévation.
  • L’adaptation du patrimoine au vieillissement de la population.
  • Le développement de la digitalisation, de la robotisation, et de l’IA.
  • Exemples d’automatisation par la RPA (Robotic Process Automation) pour les tâches répétitives.
  • Exemples d’IA générative : analyse de PV d’AG, analyse de vidéos, aide à l’attribution de logements, prévention des impayés, numérisation des données, maintenance prédictive, optimisation des plans d’investissement.

Les nouveaux métiers : Le document identifie un grand nombre de nouveaux métiers liés à la donnée, au digital, à la durabilité et à l’innovation. Exemples : Data manager, Data analyst, Data scientist, Responsable BIM, Ingénieur IA, Expert réseaux sociaux, Responsable RSE, Green Manager.

En conclusion,le secteur de l’immobilier est en pleine mutation. Les enjeux environnementaux, technologiques et sociétaux transforment profondément les métiers et nécessitent une adaptation constante des professionnels. Il faut aussi noter que tous ces nouveaux métiers concernent les fonctions supports des structures du secteur. Un débat existe entre comme dans d’autres secteur sur la spécialisation/expertise versus le généralisme/polyvalence. Enfin, une réflexion doit être poursuivi sur les perspectives d’évolution des métiers liées au montage et à la conduite des opérations en fonction de leurs échelles incluant l’aménagement, la construction, l’énergie et la mobilité.

 

 

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Par Philippe CLEMANDOT
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