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La sobriété dans les concessions de service public : une question de performance pour les Epl

Publié le 27 mars 2025

Alors que la nécessité d’une gestion plus sobre des ressources se fait de plus en plus pressante, la FedEpl et le Cabinet Earth Avocats font le point sur les différents moyens juridiques permettant d’assurer la sobriété dans les concessions de service public.

Source : pixabay

Eric Spitz et Florence David sont avocat of counsel et avocate associée au sein du Cabinet Earth Avocats. Spécialistes en droit public des affaires, ils interviennent également au Club DSP de la FedEpl.

Il était d’usage à la fin du XIXe siècle de voir sur les immeubles une plaque indiquant « Gaz à tous les étages ». Emblème de modernité bien sûr ; aujourd’hui la modernité se révèlerait pour les concessions de service public sous la formule « Sobriété à tous les étages ».

En effet, les concessionnaires sont invités par le législateur en cette période d’économie durable (voire d’économie tout court…), de rareté des ressources, de réduction de l’empreinte carbone, à innover de manière à « recycler, réduire et réutiliser ». En somme faire plus et mieux avec moins…

La valorisation de la sobriété à travers les critères de choix des concessionnaires

L’article L. 3124-5 du Code la commande publique (CPP) prévoit que, parmi les critères d’attribution d’une concession, « peuvent figurer des critères environnementaux, sociaux ou relatifs à l’innovation ». Cela étant, il convient d’attirer l’attention des soumissionnaires sur le fait que la loi « industrie verte » a prévu qu’à compter du 22 août 2026, les procédures de passation des contrats de concession feront obligation de répondre nécessairement à un critère qui « prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre ».

A partir de 2026, cette obligation tenant à l’existence de critère lié aux caractéristiques environnementales renforcera encore la prise en compte par les concessionnaires, dans leur offre, des objectifs liés à l’économie durable et la responsabilité sociale, par la promotion de l’économie circulaire ou la proposition de solutions innovantes, etc. Les offres des soumissionnaires devront s’adapter à ces critères, la sobriété étant un objectif essentiel spécifiquement s’agissant des consommations d’eau.

Par ailleurs, toujours avec la préoccupation de la sobriété en termes de consommation notamment de l’eau mais également de tous les biens et services, la concession s’inscrit naturellement dans la garantie de la meilleure adéquation entre les objectifs de la collectivité et les capacités de gestion du concessionnaire qui assume, in fine, une partie du risque d’exploitation.

La valorisation de la sobriété à travers des clauses de performances

Outre le développement de critères liés à la sobriété, ces objectifs se traduisent dans les clauses contractuelles. Ainsi, les concessionnaires sont de plus en plus exposés à une demande de performance de la part des autorités concédantes (collectivités notamment) et de tous les acheteurs en général. Encore une fois faire plus et mieux avec moins – y compris à la demande des usagers dont l’exigence en termes de sobriété tant pour des raisons économiques que environnementales.

Ainsi, par exemple, dans le domaine de l’eau, les concessions intègrent déjà des critères de performance de toute nature : performance auprès des usagers (délais de réponse, temps d’attente, taux de réclamation, etc.), performance en matière de continuité du service public (développement de solutions numériques..), performance de la qualité de l’eau (normes de pollution et diminution des PFAS…), performance en matière de préservation de la ressource, performance en matière de gestion du patrimoine (réduction des fuites et entretien). Toutes ces performances doivent conduire à respecter un objectif global de sobriété.

L’ensemble de ces exigences sont bien évidemment traduites sous forme de clauses contractuelles s’imposant aux concessionnaires, raison pour laquelle elles devront être négociées afin qu’elles soient parfaitement claires et n’exposent pas les concessionnaires à des risques non maitrisés de nature à déséquilibrer l’économie du contrat.

Dans ce cadre des clauses de pénalités constituent des mécanismes indispensables pour assurer le respect des engagements de performance par les concessionnaires. En cas de non-respect des objectifs, des sanctions financières peuvent être appliquées. Donc, il sera essentiel pour les soumissionnaires futurs exploitants de négocier les contrats de concessions notamment sur :

  • La définition de la sobriété adaptée à chaque contrat
  • Partant, les niveaux de performance attendus ;
  • Et enfin les niveaux de pénalités ou de rémunération ;
  • Et les conséquences en fin de contrat au regard des investissements nécessaires pour répondre aux objectifs de sobriété.

Ces questions de sobriété imposeront également une acculturation des usagers que les concessionnaires devront prendre en compte. A défaut le respect des objectifs de performance seront complexes à respecter – les concessionnaires gagneraient certainement à proposer des formations / sensibilisation et à anticiper des causes légitimes sur ces sujets.

Outre les clauses de pénalités, les concessionnaires doivent prendre en considération la possibilité que les contrats prévoient que le non-respect des objectifs de performances en général conduisent à la sanction la plus lourde, c’est-à-dire la résiliation pour faute. Au regard des enjeux en termes d’investissement notamment dans les concessions d’eaux ; ces clauses devront être analysées avec la plus grande vigilance.

Les clauses de bonus-malus sont également courantes s’agissant des questions de performances. Elles permettent de valoriser les résultats financiers du concessionnaire pour des performances supérieures aux attentes, tout en appliquant des pénalités si les objectifs ne sont pas atteints.

Mais là encore, les concessionnaires comme les concédants devront porter une attention particulière aux clauses de pénalités les uns pour ne pas les surestimer au point de ne pas pouvoir les appliquer, les autres pour ne pas encourir des sanctions trop lourdes qui mettraient en péril l’exploitation.

Faire mieux avec moins : l’ADN des Epl

Les Epl (Sem, Spl et SemOp) sont davantage concernées par des préoccupations de transition écologique. Leur rôle revêt une importance surtout dans la réalisation d’investissements nécessaires pour garantir la sobriété dans tous les domaines de services publics locaux.

Le statut particulier des Epl leur confère l’avantage de pouvoir s’associer avec un large champ d’acteurs, publics comme privés. En collaborant avec une ou plusieurs collectivités, les Epl ont la capacité de porter des projets structurants sur le territoire concerné. La mutualisation des moyens génère un effet levier suffisant pour rendre les services publics plus efficaces et rentables. Cette coopération locale est indispensable en ce qu’elle permet d’engager des actions d’envergure et d’inclure des territoires qui n’auraient pas l’ingénierie financière ou technique nécessaire pour agir seuls en matière de sobriété. Cet effet de levier est particulièrement évident dans le cadre des concessions de services gérées par les Sem et les SemOp, leurs caractéristiques permettant d’allier des investissements privés complémentaires, essentiels pour engager des opérations à la hauteur des enjeux de développement durable.

Il convient également de rappeler que les excédents d’exploitation réalisés sont prioritairement réinvestis dans l’amélioration des services vers des projets prioritaires tels que la modernisation des infrastructures pour les rendre plus écologiques. On déduit ainsi une certaine synergie entre les objectifs de performance et de qualité du service public attendus et l’exigence d’intégrer une politique environnementale et sociétal avancée qui s’alignent avec les attentes de sobriété.

Par Luisa DE QUATTRO
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