
La reconversion des bureaux en logements
Les soubresauts politiques de 2024 ont ralenti des applications législatives qui avaient vocation à faciliter leurs mutations, notamment la proposition de loi visant à « faciliter la transformation des bureaux en logements ». En attente d’adoption depuis l’été 2024, les annonces de la ministre du logement au Mipim 2025 laisse espérer une application prochaine. Parmi les mesures :
- L’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou démolir peut, à l’occasion de la délivrance d’un tel permis ou d’une décision de non‑opposition à déclaration préalable, autoriser le changement de destination d’un bâtiment ayant une destination autre que l’habitation en bâtiment à destination principale d’habitation, en dérogeant aux règles relatives aux destinations du plan local d’urbanisme ou du document en tenant lieu. Un gagne temps de 6 à 12 mois pour accélérer la transformation.
- La généralisation du permis de construire « à destinations multiples », qui donne la possibilité de changer l’usage d’un bâtiment sans qu’une nouvelle autorisation d’urbanisme soit nécessaire.
La requalification des friches, vaste patrimoine sous-utilisé
En parallèle, le recensement des friches a permis d’identifier un large patrimoine sous-utilisé concernant des locaux vacants ou encore des zones d’activités. En Ile-de-France, par exemple, l’Observatoire des friches franciliennes recense environ 2 700 sites couvrant près de 4 200 hectares, d’une superficie de 100 m² à 185 ha. Ces espaces, souvent abandonnés ou en déclin, constituent un potentiel considérable à destination des TPE, PME et grandes industries.
Certains sites font l’objet d’opérations de renaturation, quand d’autres sont réhabilitées pour accueillir de nouvelles activités économiques ou pour être réaffectées à l’habitat, en particulier dans des zones tendues où la demande en logements reste forte.
Bien que le fonds vert en 2025 ait vu son enveloppe amputée de plus de 2 milliards d’euros, passant de 3,6 en 2024 à 1,15 milliards d’euros en 2025, le recyclage des friches et la poursuite de la rénovation énergétique des bâtiments locaux figurent encore dans les priorités du gouvernement
« Le recyclage des friches situées dans les zones urbanisées du territoire national, afin de les réhabiliter et y installer de nouveaux logements et commerces, ou de les renaturer afin d’accroître la présence de la nature en ville. Cela permet de lutter contre l’étalement urbain dans une logique de sobriété foncière. »
Quelques leviers opérationnels pour desserrer les contraintes économiques
Aujourd’hui, dans des conditions économiques inchangées d’aménagement et de promotion, la reconversion de bureaux vers le logement coûte plus chère qu’une démolition-reconstruction, avec un équilibre d’opération difficile à atteindre.
L’enjeu est double : il s’agit de valoriser un patrimoine immobilier existant tout en assurant la rentabilité des opérations, afin de ne pas pénaliser les collectivités et de permettre aux investisseurs de s’engager sur le long terme. Dans ce contexte, plusieurs leviers sont utiles pour desserrer les contraintes économiques.
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S’intégrer dans les mécaniques de régulation de marché
Les collectivités peuvent mobiliser le PLU pour favoriser la transformation plutôt que la démolition, en créant des zonages spécifiques. C’est le cas de l’EPT Paris Est Marne & Bois, qui a instauré une zone UZR dans son PLUI, sanctuarisant les projets sans démolition.
L’Epl, quant à elle, fait preuve d’une réelle capacité de négociation pour ajuster le coût d’acquisition de l’actif le ramenant à un montant permettant l’équilibre de l’opération de transformation. La Spl Marne au Bois, agissant sur le même territoire, tisse également des échanges réguliers et saisissent les opportunités avec les propriétaires du Val de Fontenay, sur qui les amortissements des bâtiments vides pèsent de plus en plus.
Enfin, les bailleurs sociaux sont des acteurs incontournables à intégrer aux discussions le plus en amont possible. Ils sont très souvent les propriétaires finaux des actifs, qui doivent aussi conjuguer un coût important d’acquisition/mutation, face à des loyers modérés.
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Identifier les contextes territoriaux privilégiés
La transformation des actifs immobiliers, du moins aujourd’hui, demande de remplir certaines conditions :
- D’une part, certains objets urbains sont privilégiés qui rassemblent des conditions favorables à une reconversion : Typiquement, les actifs tertiaires à taille humaine des années 1970-1990, avec des pré dispositions techniques (hauteur sous plafond, luminosité, isolation acoustique, largeur de bâtiment, disposition de l’ilot central, capacité à faire des appartements traversants …). L’EPT Plaine Commune a lancé un diagnostic des bureaux dans son parc tertiaire, afin d’identifier les actifs en perte d’attractivité, avec des caractéristiques techniques favorables à la reconversion en logement.
- Ces reconversions s’intègrent dans des contextes territoriaux plus larges et sont facilités dès lors qu’un projet urbain plus grand a été engagé ou que de grandes infrastructures (transports, équipements publics) sont prévues à proximité.
- A l’inverse, certains actifs immobiliers sont pour le moment exclus des dynamiques de reconversion, tels que les bureaux en bordure de périphérique ou de grands axes routiers. A titre d’exemple la ville de Paris a adopté récemment son PLU-B, ne permettant plus la construction de logements en bordure de sa ceinture routière.
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Inclure l’occupation temporaire de manière systématique dans les phases de préfiguration.
L’occupation temporaire constitue un outil à part entière dans les phases amont d’un projet de transformation. Son intégration systématique permet d’optimiser le temps de portage et de renforcer l’ancrage local du futur programme, d’anticiper la vie d’un quartier en créant en amont une identité.
Elle offre plusieurs bénéfices :
- Préfigurer la vie du quartier en instaurant une dynamique d’usages dès la phase transitoire, ce qui favorise l’appropriation du site par les habitants et les acteurs locaux.
- Réduire le coût de portage, en générant des recettes (même modérées) tout en maintenant une activité pendant les phases d’études ou d’autorisations.
- Favoriser l’émergence d’activités pérennes, en testant des modèles économiques hybrides (tiers-lieux, ateliers solidaires, espaces associatifs) susceptibles d’être reconduits à long terme.
- L’enjeu est double : il s’agit de valoriser un patrimoine immobilier existant tout en assurant la rentabilité des opérations, afin de ne pas pénaliser les collectivités et de permettre aux investisseurs de s’engager sur le long terme.
La reconversion des bureaux et la requalification des friches ne sont pas de simples ajustements techniques, mais bien des transformations structurelles au service d’un urbanisme résilient et économe en foncier. Les EPL, en tant qu’ensembliers des transitions territoriales, jouent un rôle décisif dans la réussite de ces projets : Elles savent conjuguer des bilans économiques contraints avec une connaissance fine du territoire et une proximité avec les décideurs, conditions sine qua non avant tout projet de transformation. Des défis techniques, réglementaires et financiers subsistent, et d’autres initiatives législatives seront nécessaires pour influer une réelle dynamique de changement et faire en sorte que la transformation urbaine prenne une place dominante dans le marché de la construction.