menu

Dans le maquis du PJL de simplification de la vie économique, les mesures affectant le droit de l’urbanisme

Publié le 11 avril 2025

Nouvelles dérogations aux règles des PLU, renforcement du contrôle de légalité des actes d’urbanisme, énième réforme du contentieux, assouplissements du ZAN, clap de fin pour l’Observatoire national de la politique de la ville… Le projet de loi de simplification de la vie économique, dont l’examen en séance publique va démarrer le 8 avril à l’Assemblée nationale, ne porte pas que sur la suppression surprise des ZFE. La commission spéciale de la chambre basse a, en effet, adopté plusieurs amendements impactant directement le droit de l’urbanisme, sur les quelques 1 500 déposés, qu’il va falloir suivre de près dans l’hémicycle. Tout comme la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement, déposée le 1er avril 2025, ainsi que la proposition de loi visant à renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation afin d’adapter les normes aux territoires déposée le 27 mars 2025. Vous avez dit cacophonie législative ?

Logo cadre de ville
Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.

Un projet de loi qui dynamite « façon puzzle »

Le projet de loi de simplification de la vie économique (PJL SVE), sur lequel la procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement, a déjà connu, avant même d’être examiné en séance publique à l’Assemblée nationale à partir du 8 avril 2025, un parcours chaotique.

Déposé à la chambre haute il y a presque un an par le ministre de l’Économie de l’époque, Bruno Lemaire, il n’a été adopté au Sénat que le 22 octobre 2024, en raison de l’interruption des travaux parlementaires causée par la dissolution de l’Assemblée nationale.

La poursuite du parcours du PJL a ensuite fait les frais du renversement du Gouvernement Barnier en décembre 2024, puisque son examen à l’Assemblée nationale n’a débuté qu’en mars 2025, sous la houlette d’une commission spéciale de 71 membres, composée à la proportionnelle des groupes politiques.

Les députés avaient annoncé vouloir enrichir le texte de plusieurs mesures, notamment en faveur du logement, des collectivités locales ou encore de l’industrie.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne s’agissait pas de vaines promesses, comme le prouve le texte au sortir de son examen en commission.

Près de 1 500 amendements ont été déposés, dont un grand nombre ont été adoptés, le texte s’étant largement épaissi depuis son passage en commission.

Si certains amendements s’inscrivent dans la lignée de l’objectif initial du texte, à savoir rationnaliser les normes, en plus de diminuer la charge engendrée par les démarches administratives et d’instaurer une relation de confiance entre l’administration et les entreprises, d’autres s’en éloignent comme ceux tendant à assouplir l’objectif ZAN (zéro artificialisation nette) ou à supprimer les ZFE (les zones à faibles émissions).

Dans ces conditions, peut-on vraiment parler d’une entreprise de simplification, avec un PJL devenu de plus en plus morcelé ?

Les développements à suivre se concentrent sur ce qui va impacter le droit de l’urbanisme.

De nouvelles dérogations aux règles des PLU

Bien que les praticiens se plaignent de la multiplication incessante des dérogations aux règles des PLU, brouillant la lisibilité de ces documents d’urbanisme, plusieurs amendements adoptés en commission en ajoutent de nouveaux.

Il est ainsi proposé d’introduire dans le Code de l’urbanisme des dispositions permettant un dépassement des règles de densité, de gabarit ou de hauteur, dans la limite de 30 %, lorsque les travaux font preuve d’exemplarité environnementale par les procédés auxquels il est recouru, comme les toitures végétalisées (article 20 bis AC nouveau du PJL).

Un autre amendement a pour objet de préciser que les obligations s’imposant aux parcs de stationnements extérieurs, en matière d’intégration de dispositifs de gestion des eaux pluviales et d’ombrières photovoltaïques, ne peuvent se voir opposer les règles du PLU.

Dit autrement, les obligations pesant sur les parcs de stationnement doivent pouvoir s’appliquer indépendamment des PLU (article 20 II nouveau du PJL).

Par ailleurs, dans le but de préserver les sols et la biodiversité, un amendement entend donner aux maires la faculté de déroger aux règles du PLU relatives à la hauteur s’agissant des projets qualifiés « d’intérêt national majeur », tels que les grands projets industriels et d’infrastructures (article 15, I, 1° bis nouveau du PJL).

Dépôt, refus et recours contre les permis : vers de nouvelles règles

Comme le pointait le rapport de la Cour des comptes de 2024 sur la délivrance des autorisations d’urbanisme, le contrôle de légalité du préfet exercé sur les actes pris par les collectivités en matière d’urbanisme est peu fréquent.

Or, de nombreux pétitionnaires feraient face à des refus ou à des retraits de permis infondés, reposant plus sur des considérations politiques que sur les règles d’urbanisme.

La seule « issue de secours » pour ces pétitionnaires serait alors d’engager un recours contentieux pour obtenir l’annulation du refus ou du retrait de permis, et l’injonction par le juge administratif de délivrer l’autorisation demandée.

À noter que de plus en plus de permis seraient délivrés par ce biais, indique l’exposé des motifs de l’amendement.

Pour offrir une alternative non judiciaire aux pétitionnaires, un amendement renforce le contrôle de légalité des décisions de refus ou de retrait d’autorisations d’urbanisme, en imposant leur transmission au préfet (article 15 bis nouveau du PJL).

Ensuite, pour simplifier les démarches des pétitionnaires lors du dépôt d’une demande de permis de construire, les attestations certifiant leur engagement à respecter les règles de construction seraient supprimées (après l’article 25 bis du PJL).

Le formulaire Cerfa représenterait déjà un engagement juridique solide reconnu par l’administration.

Plusieurs autres amendements ambitionnent, soit de restreindre le droit au recours contre les autorisations d’urbanisme, soit de le préserver.

Un article 12 bis A (nouveau) du PJL pose que seules les personnes, collectivités et associations pouvant justifier d’un impact direct sur leurs conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissances du bien concerné, pourront exercer un recours.

À l’inverse d’autres amendements prévoient de supprimer le nouvel article 12 bis du PJL qui avait pour but de réprimer davantage les recours abusifs formés contre une autorisation d’urbanisme.

Le ZAN a-t-il sa place dans ce PJL ?

Plusieurs amendements adoptés par la commission de l’Assemblée nationale veulent, dans le même esprit que la PPL Trace qui vient d’être adoptée par le Sénat, assouplir la trajectoire de réduction de l’artificialisation des sols.

Après l’article 15 du PJL, il est prévu la suppression de l’objectif national intermédiaire de réduction de la moitié de l’artificialisation sur la période 2021-2031 par rapport à la décennie précédente, au profit d’objectifs fixés « à la carte » par les collectivités.

De même, un autre amendement donne la possibilité pour les collectivités d’ouvrir à l’urbanisation, dans leurs documents d’urbanisme modifiés, des surfaces dépassant de 30 % leur enveloppe foncière théorique (article 15 du PJL).

À l’inverse, des amendements défendus notamment par la députée du Finistère Sandrine Le Feur, à l’origine d’une mission d’information (toujours en cours) sur l’articulation des politiques publiques ayant un impact sur l’artificialisation des sols, prônent le retrait du PJL des mesures portant sur l’artificialisation.

Selon ces amendements, il faudrait privilégier les travaux parlementaires déjà engagés, plutôt que d’utiliser ce texte (article 15 du PJL).

Des instances consultatives en sursis

Alors que le Sénat vient de lancer une commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État, dont les travaux sont attendus pour le mois d’août 2025, plusieurs amendements ont été adoptés en commission pour supprimer de nombreuses instances consultatives, dont certaines œuvrent en matière d’urbanisme.

Le signe d’une « épidémie Trumpiste » venue d’outre-Atlantique ?

Parmi les suppressions actées par amendements, figure le Conseil national de la montagne, institué en 1985 pour rendre des avis en matière de politique de développement des territoires montagneux (article 1er du PJL).

L’Observatoire national de la politique de la ville disparaîtrait aussi du paysage institutionnel. Son travail, notamment vis-à-vis des quartiers prioritaires, pourrait être repris par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (article 1er du PJL).

Autre coup de sabre, à l’égard, cette fois, des Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER). Une mesure qui permettrait d’économiser entre 50 et 60 millions d’euros pour l’ensemble des régions, avancent les députés de la droite républicaine à l’origine de l’amendement (article 1er du PJL).

De plus, la Commission nationale de débat public (CNDP) pourrait voir ses prérogatives amoindries, en séance publique à l’Assemblée nationale. Concrètement, les projets industriels s’affranchiraient du passage obligé par cette commission, une autorité administrative indépendante chargée de garantir le droit à l’information et la participation du public sur les projets ayant un impact sur l’environnement.

Autres mesures

Pêle-mêle, et sans prétendre à une quelconque exhaustivité, l’article 15 PJL permet que la construction de data centers (nouvel enjeu stratégique de l’intelligence artificielle) puisse bénéficier, sous certaines conditions, du statut de « projet d’intérêt national majeur, afin d’en accélérer l’implantation.

L’aménagement commercial est également revu à la faveur de l’adoption de plusieurs amendements.

Par exemple, à l’article 25 bis A (nouveau) du PJL, il est prévu l’abaissement du seuil de superficie à partir duquel la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) peut se prononcer lorsque le projet est situé dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation des territoires (ORT).

Autre mesure à signaler, la dérogation à l’interdiction de construire en discontinuité des zones urbanisées préexistantes de la loi Littoral, pour permettre l’installation d’antennes relais (article 22 à 25 du PJL).

Par ailleurs, un amendement supprime l’article 20 bis A du PJL qui prescrivait que les travaux d’installation de panneaux solaires d’une certaine puissance fassent l’objet d’un avis simple de l’ABF, en lieu et place de l’actuel avis conforme, quand ces travaux sont effectués dans les abords d’un monument historique ou dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable.

Les débats sur les bancs de l’Assemblée nationale, programmés du 8 au 11 avril prochain s’annoncent denses et animés.

D’autres articles, publiés par Cadre de Ville, pourraient vous intéresser. 

Logement : entrée en vigueur du Prêt à Taux Zéro aux « conditions élargies »

Transports : 17 nouveaux lauréats pour le programme Propulse

CDC Habitat se maintient à un étiage élevé et annonce un plan de cession pour régénérer ses fonds propres

L’adaptation au changement climatique, grande oubliée des PCAET francilien

 

Par Cadre de Ville
Top