
L’exposition pénale des élus représentant leur collectivité, un irritant montant et injustifié
Depuis plusieurs années, les élus locaux posent ce constat : le droit français va jusqu’à sanctionner des élus investis dans des organismes que leur collectivité subventionne, contrôle ou détient, dont les Epl. En effet, ces élus sont considérés comme détenant un intérêt, susceptible d’entrer en conflit avec celui qu’il porte dans leur collectivité lorsqu’ils participent à des travaux ou délibérations concernant l’organisme. Un maire qui préside une association sportive sur sa commune peut ainsi être mis en examen s’il vote une subvention à cette association accordée par le conseil municipal pour rénover l’infrastructure sportive par exemple. Un conseiller départemental peut être mis en examen s’il vote une subvention au profit de la commune dont il est par ailleurs conseiller municipal.
La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire qui modifiait la définition de la prise illégale d’intérêts n’a pas été prise en compte par le juge judiciaire, qui a jugé que le périmètre de l’infraction est identique. La loi 3DS de 2022 a sécurisé cependant les élus locaux de l’économie mixte, en prévoyant un principe de protection général contre les risques pénaux assorti d’une liste d’actes pour lesquels l’élu doit se déporter. 3 ans plus tard, force est de constater que la logique s’est inversée : les déports sont le principe, notamment sur les décisions cruciales, et en cas de doute sur le périmètre de la loi, les élus se déportent également.
Les écueils qui découlent de cette exposition pénale et des déports permanents sont nombreux et ont fait l’objet de maintes alertes de la part d’associations d’élus, du Parlement ou d’autres institutions. Récemment, le rapport Vigouroux embraye ses conclusions sur celles des deux rapports de l’Assemblée nationale et du Sénat en 2023 (Rapport sur le statut de l’élu local de la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale, 20 décembre 2023 (Sebastien Jumel et Violette Spillebout) ; « Faciliter l’exercice du mandat local », délégation aux collectivités territoriales du Sénat, 14 décembre 2023 (Nadine Bellurot, Pascal Martin, Guylène Pantel).
En parallèle, l’incompréhension monte depuis le terrain ou agissent les élus locaux, notamment dans la perceptive des élections municipales de 2026
La proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local et son article 18
C’est en votant en mars 2023 la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local que le Sénat a souhaité traduire ces préoccupations. Transpartisan (Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, François Noel Buffet, Hervé Marseille), ce texte comporte de nombreuses dispositions pour donner un cadre plus sécurisant aux élus locaux. Son article 18 prévoit de supprimer la prise illégale d’intérêts « public-public » en modifiant l’article L. 432-12 du code pénal qui incrimine aujourd’hui ce type de prise illégale d’intérêts.
Une protection souhaitée pour tous les élus de l’économie mixte locale
La rédaction actuelle de la proposition de loi, qui fait référence à « un intérêt public » et en dépit de l’intention des sénateurs, peut laisser un doute sur la prise en compte des Epl dans ce périmètre d’exclusion pénale. Il est d’évidence que les Sem, Spl et SemOp interviennent pour l’intérêt public et ne sauraient trouver d’autres vocations. Toutefois, laisser au juge cette appréciation n’offre pas un cadre satisfaisant. La FedEpl propose ainsi de préciser l’article 18 en explicitant que les fonctions d’administrateur et de président (ou membres du conseil de surveillance) de Sem, Spl et SemOp sont bien compris dans l’absence de prise illégale d’intérêt public-public.
Concrètement, un élu administrateur ne pourrait plus être mis en cause pénalement lorsqu’il participe à une décision de sa collectivité qui concerne l’Epl en question.
En toute logique, la FedEpl propose de supprimer la liste des actes devant faire l’objet d’un déport. L’élu administrateur ou président pourrait ainsi demain voter et surtout participer au suivi et aux travaux préparatoires sur tous les aspects de la vie de l’Epl au sein de sa collectivité, puisque le risque pénal n’existerait plus. La seule exception demeurerait le vote de sa rémunération éventuelle (jetons de présence), pour laquelle l’élu devra se déporter en tout bon sens, ainsi que tout autre interférence avec ses propres intérêts privés (familiaux par exemple).
Mobilisation massive de la FedEpl en vue des débats
Le gouvernement a souhaité inscrire cette proposition de loi fin mai en séance à l’Assemblée nationale, dont la Commission des Lois étudiera le texte courant mai. Une audition par le rapporteur permettra d’appuyer cette position déjà partagée avec le ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation François Rebsamen le 4 mars, qui avait fait part à la FedEpl de son soutien sur cette démarche.
Un groupe de travail du Conseil d’administration de la FedEpl, piloté par Yann Guevel, a été constitué pour suivre ces évolutions législatives et permettre une mobilisation la plus large possible.
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- Note « Paroles d’élus » téléchargeable en pièce jointe;
- Si vous souhaitez participer à l’action politique de la FedEpl sur ce sujet ou la relayer en prévision des travaux de la Commission des Lois : Léopold Sanchez-Villaescusa, Responsable des affaires législatives et réglementaires; l.sanchez@lesepl.fr ; 06 24 73 75 46