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ZAN : une mission d’information de l’Assemblée nationale propose une « transformation profonde du cadre fiscal »

Publié le 18 avril 2025

Le ZAN est bel et bien au coeur de l’actualité parlementaire. Après l’adoption de la PPL Trace par le Sénat et le débat en cours au Palais Bourbon sur le PJL de simplification de la vie économique, voilà qu’une mission d’information de la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire de l’Assemblée nationale vient de rendre son rapport sur l’articulation des politiques publiques ayant un impact sur la lutte contre l’artificialisation des sols aux membres de la commission. Les propositions reposent pour l’essentiel sur la mise en place de mécanismes fiscaux et d’outils réglementaires « à la main des élus ». Tous visent à dissuader d’artificialiser les sols et à inciter à préserver les Enaf et à réhabiliter le tissu existant. La question de maintenir ou de reporter l’échéance intermédiaire du ZAN a toutefois fait l’objet d’un désaccord entre deux co-rapporteuses, Sandrine Le Feur et Constance de Pélichy. Reste maintenant à savoir quel avenir législatif donneront les députés à ces recommandations.

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Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.

« Nous avons voulu que ce rapport soit utile, qu’il apporte des solutions concrètes aux élus confrontés à la complexité des normes, à la pression foncière et à la nécessaire transformation de leurs modèles », a déclaré ce mercredi 9 avril Sandrine Le Feur, présidente de la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire de l’Assemblée Nationale. La députée Ensemble pour la République du Finistère présentait avec la co-rapporteuse Constance de Pélichy, députée LIOT du Loiret, les conclusions de la mission d’information sur l’articulation des politiques publiques ayant un impact sur la lutte contre l’artificialisation des sols aux membres de la commission.

La présentation de ce rapport intervient au moment même où le projet de loi de la simplification économique proposant des assouplissements du ZAN est discuté à l’Assemblée nationale et quelques semaines seulement après l’adoptation par le Sénat de la proposition de loi Trace qui doit être débattue en séance publique par les députés à partir du mois de juin prochain.

Le rapport formule une trentaine de propositions opérationnelles pour « donner aux élus des outils pour agir », insiste Sandrine Le Feur car « la transition vers un modèle d’aménagement se fera avec les territoires ou elle ne se fera pas ». Parmi ces propositions, nombre d’entre elles relèvent de la fiscalité. Pour Constance de Pélichy, il s’agit d’une « transformation profonde du cadre fiscal ». L’objectif, explique Sandrine Le Feur, est de mettre en place « une fiscalité d’action publique locale au service d’un objectif collectif national » pour donner aux territoires « les moyens de réussir » le ZAN.

De nouvelles taxations sur l’artificialisation

Les recommandations visent tout d’abord à mettre un terme aux dispositions fiscales qui encouragent l’articialisation. Ainsi, le rapport propose de supprimer les exonérations fiscales contraires à l’objectif de sobriété foncière comme celles sur la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les constructions nouvelles et sur les taxes d’aménagement pour les entrepôts, les hangars et les parkings couverts.

Il est aussi question de réformer la taxe d’aménagement en doublant le taux maximal de droit commun et en permettant un taux spécifique pour les secteurs urbanisés sur des Enaf. Le rapport préconise également de généraliser la taxe sur les friches commerciales et industrielles et d’élargir la taxe sur les espaces commerciaux aux entrepôts logistiques et aux aires de stationnement avec une modulation selon leur localisation et leur emprise foncière.

Ces différents leviers fiscaux « à la main des élus » leur permettront de « moduler les taux, cibler les projets vertueux et mobiliser les ressources au service de leur stratégie territoriale », résume la co-rapporteuse Sandrine Le Feur. Autrement dit, d' »inciter, dissuader et réorienter ».

Reconnaître la valeur des sols préservés

Si le rapport cherche à taxer les actions qui artificialisent le plus, il prévoit également de valoriser les mesures qui préservent les sols car « préserver les sols, c’est préserver l’habitabilité même de notre pays », a insisté Constance de Pélichy, rappelant au passage qu' »il n’y a pas de lien direct entre artificialisation et développement ou attractivité du territoire ».

Sont, par exemple, évoquées des exonérations renforcées de taxe foncière pour les Enaf pour « revaloriser le rendement de ces actifs qui est aujourd’hui nettement inférieur à un espace urbanisé », a rappelé la députée Constance de Pélichy, ainsi que l’exonération des impôts sur le revenu des fermages perçus pour ces terres.

Pour doter les maires de nouveaux outils visant à protéger les espaces à préserver, le rapport préconise par ailleurs un droit de préemption spécifique sur la préservation des Enaf et la généralisation du sursis à statuer. « Il s’agit d’envoyer un signal clair : préserver les sols, c’est rendre un service environnemental essentiel à la collectivité. Ce service doit être reconnu et soutenu », a poursuivi la co-rapporteuse Constance de Pélichy.

Encourager la réhabilitation de l’existant

En plus de préserver les sols, le rapport insiste sur l’importance de réhabiliter l’existant. Il propose ainsi de créer un crédit d’impôts des dépenses engagées pour remettre sur le marché des logements vacants dans les territoires en tension. Parallèlement, pour lutter contre la rétention foncière, la fusion des taxes sur les logements vacants pourrait être assortie d’une majoration ciblée pour les multi-propriétaires de logements sous-utilisés. Citons également, une modernisation des taxes sur les plus-values foncières avec la suppression des exonérations pour durée de détention et une taxation renforcée en cas de spéculation excessive.

Sur le volet réglementaire, le rapport propose un recours facilité à la procédure de bien sans maître pour mobiliser les logements abandonnés et des dérogations d’urbanisme élargies pour favoriser la densification douce, notamment dans les zones rurales ou les friches urbaines.

Une ingénierie au service des territoires

Autre point important du rapport : l’ingénierie. Le rapport suggère de mettre en place un parcours d’accompagnement fondé sur trois piliers qui pourrait être expérimenté dès 2025 avant d’être généralisé l’année suivante. Financée à moyens constants par le Fonds verts, cette offre comprend des modules d’aide au diagnostic foncier, un chef de projet financé à l’échelle intercommunale dans les territoires ruraux et des conventions locales signées avec les CAUE, les agences d’urbanisme et les EPF.

L’échéance intermédiaire, la pomme de discorde

Les deux co-rapporteuses sont toutefois divisées sur la question de l’étape intermédiaire du ZAN actuellement fixée à 2031. Pour Sandrine Le Feur, il y a « la nécessité de stabiliser le cadre législatif. Depuis trois ans, les échéances ont été modifiées à deux reprises. Chaque nouvelle réforme a repoussé un peu plus la lisibilité du cadre juridique, il est temps de consolider l’édifice. Les élus ont engagé de lourds travaux de révision de leurs documents d’urbanisme. Ils ont entamé, dans le dialogue, la territorialisation des objectifs. Ils ont besoin de visibilité et c’est la raison pour laquelle un troisième report des échéances serait un recul vis-à-vis de leurs engagements ». A contrario, pour Constance de Pélichy, « l’appropriation effective du ZAN nécessite davantage de temps ». Elle propose un report de l’échéance intermédiaire de 2031 à 2034. De quoi dégager une capacité de consommation supplémentaire de 37 500 hectares pour les territoires. « Les années 2021 à 2023, déjà échues, ne peuvent plus faire l’object d’une action corrective de la part des collectivités. Leur exclusion du calcul offrirait un levier de respiration indispensable », justifie la députée LIOT, avant de poursuivre : « Imposer des trajectoires irréalistes, c’est prendre le risque de briser la dynamique d’adhésion que nous devons renforcer localement ».

Le rapport propose par ailleurs de décaler la comptabilité en Enaf. Au lieu de passer en artificialisation dès 2034, il s’agirait de rester en Enaf jusqu’à 2044. « Au niveau du Cerema, ils ne sont pas encore prêts à avoir un comptable artificialisation dès 2031. On voit une inadéquation entre la compatbilité des élus locaux sur le terrain et ce que propose le Cerema », a ajouté Sandrine Le Feur.

Des recommandations à « faire aboutir de manière législative »

L’avenir de ce rapport est désormais entre les mains des députés qui pourront se saisir de ces différents enseignements dans le cadre d’amendements au projet de loi de simplification de la vie économique et à la proposition de loi Trace, ou même dans le cadre d’une nouvelle proposition de loi. « Le ZAN soulève des enjeux de justice environnementale, de souveraineté alimentaire, de cohésion territoriale. C’est une responsabilité historique. Notre rapport trace un chemin, à nous de le faire aboutir, le cas échéant, de manière législative », a conclu Constance de Pélichy.

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Par Cadre de Ville
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