Elle était attendue et n’a pas déçu. Depuis la loi du 1er juillet 2014, la Sem à opération unique (SemOp) bouleverse l’économie mixte. Avec elle, « c’est une nouvelle façon de construire, d’aménager et/ou de gérer la ville qui est offerte, un esprit de régie qui n’en exige pas les moyens », résume Alain Fauconnier, maire de Saint-Affrique (8 200 hab., Aveyron).
Le volant sans les investissements
Une cinquantaine de collectivités l’ont bien compris, chacune à ce jour à une étape de la démarche. « Elles ont pour exemple les 17 collectivités qui, au sein d’une structure aboutie, participent activement à la manière dont est exécuté le contrat concerné, dans une convergence d’intérêts avec l’opérateur », avance Florian Poirier, responsable du pôle Collectivités locales à la Fédération des Epl (FedEpl).
Le modèle habille sur mesure les opérations combinant investissement significatif et gestion de long terme. Aussi, ces sociétés pionnières se sont-elles principalement créées sur le secteur de l’eau et de l’assainissement. Dans le sillage de Dole (23 400 hab., Jura) qui, aux côtés de Suez, ouvre les vannes fin 2015 avec Dolea Eau, Chartres Métropole (66 communes, 136 400 hab., Eure-et-Loir) prolonge avec CM Eau dès janvier 2016. « Alors que notre intercommunalité passait de 7 à 46 communes, il fallait unifier le service, divisé en DSP (ndlr, délégation de service public) et régie », relate Alain Bellami, vice-président de la collectivité et président de la SemOp. La volonté des élus est explicite : « Ne pas – ou plus – perdre la maîtrise de la compétence ni laisser à un tiers la clé de leurs réseaux, sans pour autant investir dans les ressources et techniques indispensables à la prestation », résume-t-il. Et de conclure : « La SemOp s’est révélée le compromis idéal ».
Une gouvernance sur la confiance
Le mot est lancé : compromis ! Tout en effet, dans la SemOp, procède de concessions mutuelles, un partage des rôles, des risques et des gains fondant une gouvernance de confiance. Ainsi, si la loi laisse aux élus le choix de détenir de 34 % à 85 % du capital, nombre d’entre eux ont opté pour la minorité. « Certes, c’est la promesse d’une plus grande souplesse, voire de tarifs mieux négociés », commente le directeur général de Dolea, Franck Gagnard. Mais surtout, « c’est une garantie de rentabilité, essentielle à l’engagement de l’acteur économique », ajoute-t-il.
En effet, « si la SemOp permet aux collectivités de se lancer à moindre investissement, elle relève surtout d’une nouvelle conception des modalités de mise en œuvre d’un service public, avec des visées bénéficiaires », rappelle Florian Poirier. Nulle crainte pour autant d’un intérêt général dévoyé : les acteurs locaux disposent, en parallèle, des moyens de le préserver. De droit, la présidence de la société revient déjà à l’actionnaire public. De plus, « le document de préfiguration* de l’entreprise permet d’assurer l’équilibre entre une société capitalistique et une collectivité attentive au bien commun : par exemple, nous y avons imposé une baisse conséquente du prix de l’eau », glisse Alain Fauconnier.
Enfin, même si le nombre de sièges au conseil d’administration est proportionnel au capital, le pacte d’actionnaires, fortement conseillé, garantit le dernier mot. À la CM Eau, « un comité d’investissement où la collectivité dispose d’un pouvoir de blocage, valide tout investissement supérieur à 25 000 euros », décrit Alain Bellamy. Et, dans le souci de « tisser un lien continu entre associés », le directeur de l’eau de Chartres métropole est aussi directeur délégué adjoint de la société.
Un outil tout-terrain !
Résultat : 2 ans après la création de Dolea, Franck Gagnard « ne pense que du bien du dispositif », énumérant « une prise de décision accélérée, un fonctionnement assoupli, des canalisations rénovées, un prix de l’eau diminué de 6,2 %, et, last but not least, une rentabilité de 4 % profitable aux deux partenaires ».
Il n’en fallait pas plus, évidemment, pour convaincre. Ainsi, la Métropole de Grenoble y réfléchit pour le stationnement, la Communauté d’agglomération Caux Vallée de Seine pour ses transports urbains tandis que la Communauté de communes d’Auray Quiberon Terre Atlantique y a souscrit pour son golf (lire interview), que la commune de Vias (Hérault) y pense pour un port de plaisance et que les Yvelines pourraient être le premier département à se lancer, au bénéfice de la restauration des collégiens.
« Ces projets, sur de nouveaux champs et portés par tous types de collectivités locales, témoignent autant de l’appropriation de l’outil que de sa plasticité », se réjouit Florian Poirier. Une plasticité dont la Semop Foch-Sully a même encore repoussé les limites, associant la ville de Roanne (34 800 hab., Loire) à… une Société d’économie mixte ! À l’issue de la mise en concurrence, c’est en effet le Groupe Serl** qui a été désigné pour porter l’importante opération d’aménagement du centre-ville aux côtés de la commune et de la Caisse des dépôts et consignations.
Les SemOp de A à Z
Comment organiser la gouvernance, négocier le pacte d’actionnaires ou encadrer la dissolution future ?… Pour des SemOp juridiquement sécurisées et économiquement viables, la Fédération des Epl est aux côtés des collectivités locales qui s’intéressent à ce mode de gestion moderne . Le 6 novembre prochain, elle organise aussi la 3ème journée nationale d’information autour de la thématique, pour y partager questions, pistes et expériences.
La SemOp, 4 ans après
Mardi 6 novembre 2018 – Maison de la Chimie – 28 rue Saint-Dominique, Paris 7e.
« Outre celui d’asseoir la collectivité en tant qu’aménageur, la « forme SemOp » présente 2 plus-values majeurs : sécuriser un investissement de 82 millions d’euros et inspirer confiance aux promoteurs dans un contexte socio-économique difficile », cerne le directeur général de Foch-Sully, Nicolas Baume. Mais si cette participation d’une Entreprise publique locale à une Semop est une première, nul doute que la co-construction devrait faire des émules : « les enjeux de chacun étant intégrés dès le démarrage du programme et tous ayant intérêt à ce que la société fonctionne, l’huile est, par les 2 bords, instillée dans les rouages pour un ensemble particulièrement efficient », applaudit Yves Molina, directeur général délégué de la Serl, face à cette nouvelle union pour tous. Si la SemOp tient du mariage, le cœur y a donc clairement ses raisons que la raison… identifie !
*Le document de préfiguration cadre la qualité du service attendu, les propositions économiques et techniques mais aussi pose les questions de gouvernance, de gestion, de résultats et celle du financement des investissements
**Avec NOAHO (volet résidentiel) et SOGEPROM (volet commerce)
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♥ Pour en savoir plus sur la force et l’originalité de ces nouveaux instruments de modernisation de l’action publique locale que sont les SemOp, laissez-vous guider par ce « vrai ou faux ? » proposé par la Fédération des Epl.
Télécharger la brochure SemOp Vrai/Faux